Toussaint : "les cimetières vont devenir dans dix ans des lieux de vie" selon le sociologue Tanguy Chatel

La tradition de venir fleurir la tombe d'un proche à la date du 1er novembre, à la Toussaint, semble disparaître petit à petit. Pourtant, selon le sociologue Tanguy Chatel, la fréquentation n'a pas autant diminué que nous le croyons. Les pratiques et les attentes sont en pleine évolution.

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A Toulouse (Haute-Garonne), la gérante d'un magasin de pompes funèbres à l'entrée du cimetière Terre-Cabade se souvient du temps où le premier novembre était synonyme d'une effervescence toute particulière. "Il y a 20 ans, tout le quartier du cimetière était fermé par la police. 5 jours avant la Toussaint, les personnes se garaient au bord du canal et vous aviez une allée de gens qui montaient et une autre de gens qui descendaient" raconte Mylène Lavos, gérante des Pompes funèbres Marbrerie Lavos.

En 2022, la rue menant au célèbre cimetière toulousain est beaucoup clairsemée. Pour le sociologue Tanguy Châtel, spécialiste de la fin de vie et de la ritualité, si les jeunes générations viennent moins souvent dans les cimetières à la Toussaint, c'est en raison avant tout d'une évolution de la manière de se recueillir. Un changement qui entraîne également une transformation des cimetières eux-mêmes.  

France 3 Occitanie : La fréquentation des cimetières est-elle en baisse comme on peut le croire ?

Tanguy Châtel : La fréquentation des cimetières est plus importante que ce que l’on croit. On se focalise toujours sur la Toussaint mais en réalité il y a des enquêtes notamment du Credoc qui montre que 4 français sur 10 vont au moins une fois par an au cimetière. Ils n’y vont pas forcement dans les grands moments, mais ils y vont tout au long de l’année. Du coup, il n’y a pas que les personnes âgées qui vont dans les cimetières. Et deuxième remarque : on ne va pas dans les cimetières seulement pour honorer les morts. Ce sont aussi des lieux de promenade, des lieux de culture. Il y a une certaine modernisation des cimetières. Des villes ont ainsi décidé d’apposer des flash codes sur des tombes célèbres. Du coup cela s’intègre dans un parcours touristique de la ville. Petit à petit les cimetières sont réaménagés pour être plus paysagers et plus culturels aussi.

France 3 Occitanie : Qui vient désormais dans les cimetières ?

Tanguy Châtel : La fréquentation est moins familiale. Les visites se font désormais de façon plus solitaire. Les jeunes trouvent un intérêt plus marqué pour la crémation et le souvenir des défunts n’est plus tout à fait le même, surtout lorsqu’il y a eu dispersion des cendre en pleine nature. Le rapport des jeunes à la mort est plus mémoriel et moins localisée sur un type d’espace, comme une stèle ou une tombe. Il peut y avoir des cérémonies de jeunes en pleine nature à distance du lieu d’inhumation ou de crémation. On est sur une mémoire plus virtuelle. Peut-être un signe du temps avec les technologies digitales

France 3 Occitanie : Les cimetières ont-ils encore un avenir ?

Tanguy Châtel : Si les communes arrivent à faire évoluer leurs cimetières pour que ce soit des lieux agréables à fréquenter. Il n’y aura pas trop de mal à faire venir des gens. On voit des cimetières qui voient volontairement apparaître des graffs, des tags, des lieux de vie avec par exemple des hôtels à insectes, des espaces pour les petits défunts. Il y a toute une réorganisation d’un lieu figé vers un lieu plus dynamique et plus en phase avec son époque. Ces tendances sont de nature à apporter plus de fréquentation. En plus le sujet de la mort, sujet très rejeté il y a dix ans encore, redevient un sujet qui attire notamment les jeunes générations. J’ai bonne espoir que dans dix les cimetières deviennent des lieux de vie, plus fréquentables. 

France 3 Occitanie : Quelles sont les tendances actuelles au sein des cimetières ?

Tanguy Châtel : De nouveaux matériaux apparaissent. Il est aujourd’hui assez contesté de dépenser beaucoup d’énergie pour extraire de la pierre pour en faire une pierre tombale. De nouvelles matières synthétiques sont ainsi proposées. Le bois est aussi de plus en plus réhabilité. Il y a quelque chose qui est en train de bouger, poussé par les attentes écologiques. De la même manière, les corbillards sont en train de changer. Des communes sont en train de réhabiliter des calèches ou des corbillards hippomobile, c’est-à-dire conduits par des chevaux. Tout cela va recréer une approche moins figée, moins sombre, moins traditionnelle, avec plus d’inventivité autour du cimetière. On ne se passera pas du cimetière, notamment en raison du nombre de défunts qui ne va pas cesser d’augmenter. Le covid a démontré aussi que les familles avaient été blessées de ne pas pouvoir rendre hommage à leurs défunts durant le confinement. Il y a donc une sorte de réaction par rapport à cette privation qui donne envie de renouer le contact avec ses ancêtres. On est véritablement à une croisée des chemins.

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