"Un messager de ces régions très froides" : Comète Tsuchinshan-ATLAS, visible à l'œil nu et témoin de la formation de notre système solaire

En France, la comète du siècle Tsuchinshan-ATLAS sera visible à l’œil nu du 11 au 18 octobre 2024. En s'approchant du soleil, la comète va commencer à être sublimée. Elle porte en elle les ingrédients qui ont formé le système solaire. C'est "un congélateur de ce qui a pu se passer dans le passé", explications avec un professeur en sciences planétaires.

La comète Tsuchinshan-ATLAS a été découverte en 2023 par deux observatoires placés en Chine et en Afrique du Sud. Elle tient donc cette appellation un peu étrange du nom de ces deux bases. Pour les scientifiques c'est la comète du siècle, un objet qui nous vient des confins du système solaire et dont la matière intéresse vivement la communauté scientifique, exaltée par ce passage. Nous nous sommes entretenus avec Nicolas André, chercheur CNRS à l'IRAP et professeur en sciences planétaires à l'ISAE-SUPAERO à Toulouse.

France 3 Occitanie : d'où vient cette spectaculaire comète ?

Nicolas André : "On l'a repérée alors qu'elle venait de franchir l'orbite de Saturne. Elle est encore loin de nous et du Soleil, et pourtant elle était déjà assez brillante pour que ces télescopes l’observent. Ce qui veut dire que c'est un objet qui est relativement grand. Alors on parle de 20 à 30 kilomètres. Un objet qui vient des confins du système solaire.

C'est un messager de ces régions qui sont très froides, au-delà de l'orbite de Neptune, à des milliards de kilomètres, qui se dirige vers nous et vers le soleil pour nous apporter des informations sur ces régions, qu'on connaît peu, et qui porte tous les ingrédients qui ont formé le système solaire tel qu’on le connaît aujourd’hui.

C'est un congélateur de ce qui a pu se passer dans le passé pour donner naissance à tout ce que l’'on observe maintenant. En s'approchant du soleil, la comète va commencer à être sublimée. Donc il y a la lumière du soleil, qui va interagir avec la matière glacière et va arracher des particules, du gaz neutre, des poussières. Ils vont s'échapper de la comète et cela va former ce qu'on appelle les queues cométaires. C’est cela qui sera visible dans le ciel, et très spectaculaire.

France 3 Occitanie : quand pourra-t-on l'admirer ?

Nicolas André : "Là, elle est déjà passée au plus près du soleil et elle est en train de s'éloigner pour venir vers nous. Elle va passer au plus proche de la terre, à peu près sur 110 millions de kilomètres, le 12 octobre et ensuite elle va s'éloigner. Elle sera visible peu après le coucher du soleil, les prochains jours et au fur et à mesure, elle va monter dans le ciel.

Si on veut vraiment la voir, c'est maintenant ou dans les prochains jours que ça se joue et que cela devrait être le plus spectaculaire. Juste après le coucher du soleil, il faudra regarder vers l'horizon ouest et on la verra progressivement monter dans le ciel. Ça durera quelques dizaines de minutes à quelques heures. Après que le coucher du soleil, elle devrait être visible si la météo le permet évidemment. À l'œil nu, je pense qu'on pourrait la voir jusqu'au 18 octobre.

Ce qui est fascinant avec les comètes, c'est qu'on ne sait jamais ce que cela va donner. Si ça se trouve, elle peut être plus brillante qu'on ne le pense ou un petit peu moins. Certaines se désintègrent lorsqu'elles se rapprochent du soleil, d'autres disparaissent. Celle-ci, on va pouvoir la voir, mais on ne sait pas totalement encore à quel point elle sera brillante."

France 3 Occitanie ; Que représente ce passage de comète pour la communauté scientifique ?

Nicolas André : "Nous les scientifiques, on a toujours eu envie d'aller l'observer, d'aller la toucher même si on le pouvait pour en comprendre la composition et nous renseigner ainsi sur l'histoire du système solaire. Elle est aussi remarquable, parce qu'elle déjà brillante de nature. Et plus elle s'approche du soleil, plus elle devrait devenir brillante. On pense qu'elle va devenir même suffisamment brillante pour que l’on  puisse peut-être l'observer en plein jour, ou même l'observer au coucher du soleil, aussi visible que Vénus. Et ça n'arrive pas si souvent pour les comètes. On en a peut-être une ou deux par siècle. La dernière, c'était la comète Hale-Bopp, en 1997, que l’on avait pu voir dans l’hémisphère nord également. Donc c'est pour cela que nous sommes assez excités."

France 3 Occitanie : que nous apprend-elle ?

Nicolas André : "Alors on va vraiment s'intéresser à la composition de la matière dégazée. On va l'observer avec des télescopes, des observatoires au sol, dans différentes longueurs d'onde, pour comprendre les propriétés, notamment du gaz neutre ou de la poussière. Cela  va nous dire quelles sont les molécules qui étaient présentes à la surface de cette comète.

Comme elle vient de très loin, on dit que c'est une comète à longue période. Elle a une période supérieure à 200 ans et on pense que sa période est même au-delà de 80 000 ans. Ça signifie que c'est une comète qui n'est pratiquement jamais venue dans la banlieue proche du soleil. C’est une comète quelque part qui est intacte, qui est vierge de toute interaction avec le soleil et qui donc a vraiment gardé des ingrédients primordiaux, qui étaient là à l'origine du système solaire.

Donc en étudiant la composition de cette matière, on va profiler nos modèles de formation des objets dans le système solaire, mieux comprendre comment ils se sont formés et comment notre terre s'est formée à cette occasion."

France 3 Occitanie : c'est quoi la mission spatiale Comet Intercepto ?

Nicolas André : "On prend en ce moment de nouvelles fonctions spatiales pour aller survoler des comètes qui viennent d'aussi loin dans le système solaire. Et là, c'est une mission qui s'appelle Comet Interceptor de l'Agence spatiale européenne, qui décollera en 2029.

Elle se mettra d'abord en parking autour de la Terre. Les télescopes au sol vont trouver une comète qui restera dans le système solaire, dans les mêmes régions que cette comète-là. Et une fois qu'on aura caractérisé l'orbite de cette comète, on décidera d'aller l'intercepter avec notre mission et de l'étudier avec des instruments, des caméras, des détecteurs de particules. Avec la comète du siècle, on a déjà un modèle de ce qu'on espère trouver dans une dizaine d'années et qu'on explorera avec une mission spatiale de très près."