C'est à Toulouse, capitale de l'aéronautique, que le ministre, Marc Ferracci, a officiellement lancé la semaine de l'industrie. L'occasion de souligner "la véritable solidarité" entre les différents acteurs de la filière. Des déclarations pas vraiment du goût du côté de Latécoère où 150 emplois seraient menacés par un projet de délocalisation.
Lors de cette journée de visite à Toulouse, lundi 18 novembre 2024, le ministre délégué à l'industrie s'est montré particulièrement élogieux pour la filière aéronautique et sa "concentration exceptionnelle de talents". Pour le lancement de la semaine de l'industrie, Marc Ferracci s'est offert une visite dans le lycée professionnel d'Airbus et sur les lignes de production d'une des usines de l'avionneur. Lors d'un échange avec la presse, le ministre a déclaré : "ce qui m'intéresse et que je trouve enthousiasmant, c'est qu'il y a vraiment une logique de travail collectif et une véritable solidarité entre les grands donneurs d'ordre comme Airbus, Safran, et les sous-traitants." Une phrase qui fait bondir Florent Coste, représentant CGT Latécoère.
Visite des lignes de production de l’usine Airbus de Saint-Éloi. Usine centenaire où se construisent les avions de demain, l’A320 et l’A350 résultats de l'innovation technologique et de l’expertise industrielle, indispensables pour répondre aux défis du secteur.
— Marc Ferracci (@FerracciMarc) November 18, 2024
Airbus est le… pic.twitter.com/UNwg7QS3vh
"Foutaises"
Le soutien d'Airbus à ses sous-traitants ? "Des foutaises !" répond du tac-o-tac Florent Coste, le secrétaire du syndicat CGT chez Latécoère. Le syndicaliste ne décolère pas depuis l'annonce, début 2023, de la délocalisation de près de 90% des activités de l'usine de Montredon, près de Toulouse. Les machines-outils servant à la fabrication de pièces pour les portes des avions sont en train d'être transférées vers la République tchèque et le Mexique. Une délocalisation qui va se poursuivre jusqu'en février 2025.
Depuis cette annonce, un nouveau directeur général a pris les commandes de l'entreprise. Pas vraiment de quoi rassurer Florent Coste. "Un nouveau directeur, ça ne défrise personne chez Latécoère", dit-il en soulignant des changements de direction presque tous les ans.
À lire aussi : L'activité d'usinage de Latécoère officiellement délocalisée en République tchèque, des salariés dans le flou
Ce qui interpelle surtout le syndicaliste, c'est la position de l'État dans cette affaire. L'usine de Montredon, rappelle-t-il, a commencé à produire en 2018. "Elle a été créée à grand renfort d'argent public." Et cinq ans plus tard, la voici délocalisée avec 150 emplois sur la sellette. "La réaction de l'État a été d'apporter un soutien inconditionnel et sans demander aucune garantie en contrepartie", fustige Florent Coste.
"Envisager l'avenir de cette entreprise avec une relative confiance"
Selon le secrétaire de la CGT Latécoère, l'entreprise aurait reçu des millions d'euros pour la création de l'usine de Montredon. Et cerise sur le gâteau, l'État aurait également remboursé le prêt garanti contracté par l'équipementier. La question que pose Florent Coste, "c'est dans quelles poches cet argent atterrit-il ? Pas dans celles des salariés de Latécoère qui seront virés et qui vont se retrouver au chômage, ça, c'est sûr. S'il ne sert pas à sauvegarder l'emploi en France, à qui profite-t-il ?"
Interrogé sur le sujet lors de sa visite à Toulouse, le ministre délégué chargé de l'Industrie ne s'est pas exprimé sur ces aides publiques.
"Le dossier est suivi de près par le gouvernement. C'est une entreprise qui a connu des difficultés. Aujourd'hui, il y a autour de Latécoère, cette logique de solidarité qui lie les équipementiers et les grands donneurs d'ordre, a une nouvelle fois affirmé Marc Ferracci. Il y a un management qui a changé et qui, je crois, fait l'unanimité dans la filière. De ce point de vue, nous pouvons envisager l'avenir pour cette entreprise, que nous surveillons de très, très près, avec une relative confiance."
Conditionner les aides publiques, exiger le remboursement lorsque les conditions ne sont pas satisfaites, voilà ce que demande le secrétaire de la CGT-Latécoère, comme l'ont fait des élues communistes.
Fin de l'usinage à Montredon, mais Latécoère n'abandonne pas pour autant le site. Le bâtiment de 8600m² accueille déjà un centre de développement. À terme, les activités des sites de Colomiers et Labège, incluant service clients, réparation, essais, câblage, systèmes vidéo et réseaux optiques, devraient y être regroupées.
(Propos recueillis par Stéphane Compan et Virginie Beaulieu)