DÉCRYPTAGE. L'aviation est-elle vraiment devenue plus écolo ?

Dans un contexte de réchauffement climatique, constructeurs et compagnies aériennes réfléchissent à rendre le transport aérien plus écologique. Évolutions technologiques et nouvelles techniques de vol, permettent-elles de réduire l'empreinte carbone d'un vol en avion ? Décryptage.

Si vous avez déjà consulté le site internet de traçage de vols FlightRadar, vous avez sûrement une idée de l'importance du trafic aérien sur la planète. La carte du monde grouille de petits avions jaunes suivis en temps réel. Des appareils qui produisent donc des émissions de CO2 en conséquence.

En France en 2021, les émissions de CO2 du transport aérien ont représenté 12,4 millions de tonnes, selon le bilan dressé par la direction générale de l'Aviation civile. De quoi faire tourner la tête, et pourtant, entre 2000 et 2021, notamment en raison de la crise sanitaire, les émissions du transport aérien ont grandement diminué. 

À l'heure actuelle, dans un contexte de réchauffement climatique, réduire l'impact environnemental du transport aérien est indispensable, d'autant plus que l'avion reste un moyen de transport apprécié des Français. Même si le niveau reste inférieur à celui d'avant-crise, en 2022, le nombre de passagers de Métropole sur les vols internationaux s'établit à 114,4 millions. C'est deux fois plus qu'en 2021.

Avion à hydrogène et carburant durable

Alors comment concilier envie de voyage et écologie ? Dans la filière aéronautique, le sujet est au cœur des préoccupations, et occupe une place centrale dans les recherches. "Nous continuons à innover et à apporter des améliorations sur tous nos modèles d'avions. De plus, nous préconisons et encourageons l'utilisation de Sustainable Aviation Fuel (SAF), ou carburant durable. Des carburants qui peuvent être élaborés à partir d'huiles de friture usagées ou de ressources renouvelables", déclare Airbus, qui explique aussi travailler sur un avion à hydrogène, le ZEROe, pour l'horizon 2035.

"Nous préconisons à nos clients d'utiliser du SAF pour les vols de livraison depuis Toulouse vers leur destination finale". Un carburant qui est par ailleurs déjà utilisé par les Beluga d'Airbus pour ses besoins de transport industriel.

Mais à l'heure actuelle, alors que l'Union européenne a pour objectif la neutralité carbone d'ici 2050, le but est d'agir dès maintenant sur les vols quotidiens. D'après le rapport de la Chaire Pégase de mai 2023, les Français seraient prêts à payer leur billet 15% plus cher pour voler avec une compagnie aérienne qui utilise des innovations vertes.

Sur le sujet, Air France-KLM veut passer la vitesse supérieure. En janvier 2023, la compagnie aérienne a annoncé continuer le renouvellement de sa flotte, en commandant quatre Airbus A350F Cargo pour Martinair et trois Airbus A350-900 pour Air France. "L'aviation tend de plus en plus vers une aviation durable", souligne Sylvain Boismoreau, commandant de bord de l'A350 et directeur en charge du développement technique.

"Pour traverser l'Atlantique dans la fin des années 70 en Boeing 747, on transportait 300 passagers avec 90 tonnes de carburant environ. Aujourd'hui, un Airbus 350 emmène 324 passagers avec 40 tonnes de carburant consommé. Et il y a encore, nous disent les spécialistes d'Airbus et des motoristes, deux générations d'avions où on peut réduire d'au moins 20% la consommation de carburant par rapport aux avions de nouvelles générations qu'on a à Air France comme l'A350." 

Éco-pilotage systématique

Des économies de carburant qui sont possibles grâce aux évolutions techniques, mais aussi aux nouvelles façons de piloter. Chez Air France, tous les pilotes sont formés à des "green-operating procedures", ou l'éco-pilotage. Exemple : pour limiter la consommation de carburant, les avions décollent "avec des poussées réduites".

"On n'utilise pas la pleine puissance disponible des moteurs, on utilise la puissance nécessaire en fonction de la longueur de piste et des conditions du jour", développe Sylvain Boismoreau. Autre action, la mise à disposition d'"optimiseurs de vols pour la montée, la croisière et la descente". "Ce sont des logiciels qui utilisent le big data, qui sont capables de regarder comment la flotte vieillit, de tenir compte des vents, des températures, et d'optimiser au plus proche de la meilleure consommation", développe le spécialiste.

"À l'arrivée, on coupe un des réacteurs dès qu'on a dégagé la piste pour rouler jusqu'au point de stationnement. Et une fois au point d'arrêt, c'est coupure du réacteur et utilisation quasi immédiate des groupes électriques." Toutes ces mesures, en plus d'économies réalisées en amont du vol lors de la phase de roulage, "permettent d'économiser 4% de la consommation de carburant". 

De nouveaux outils technologiques

La conception des trajectoires, elle aussi, est davantage travaillée. "Sur la région parisienne jusque-là, on descendait assez tôt, on faisait des paliers. Aujourd'hui, on les supprime de plus en plus, cela nous permet d'économiser environ de 100 à 500kg de carburant sur une descente. Ce n'est pas beaucoup, mais si on fait cela sur 1000 vols par jour toute l'année, cela représente 45 000 tonnes de carburant économisées, soit l'équivalent d'un aller-retour Paris-New York par semaine." 

Aujourd'hui, ces "procédures vertes" sont réalisées sur plus de 70% des vols d'Air France selon le commandant de bord, qui précise que ''d'autres pistes" sont à l'étude pour voler de façon plus écologique, comme des logiciels permettant "d'éviter les zones de traînées de condensation", ou encore le projet "Ciel unique européen", visant à accroître l'efficacité de la gestion du trafic aérien. 

De son côté, le groupe Thales développe PureFlyt, un système de gestion de vol connecté capable de proposer "des améliorations significatives de carburant du décollage à l'atterrissage", grâce entre autres à la captation de données météorologiques. Selon le groupe, le nouveau système de gestion de vol "dérivé du produit PureFlyt" a d'ailleurs été choisi par Airbus pour équiper ses avions civils, et notamment les familles A320, A330 et A350, pour une entrée en service envisagée en 2026.

Est-ce vraiment la solution ?

Ces avancées pourraient-elles permettre une réduction drastique des émissions de dioxyde de carbone à l'avenir ? Pour Charlène Fleury, coordinatrice du réseau "Rester sur Terre", "ça ne suffira pas". "Ce qui serait bon serait d'avoir moins recours à l'avion", témoigne-t-elle, sceptique, ajoutant que "le trafic aérien double tous les quinze à vingt ans".

"L'éco-pilotage a un impact minime, il est englouti par cette croissance. Les moteurs ont progressé, ils consomment moins, mais cela n'a servi à rien car la croissance du trafic aérien a tout englouti", explique Charlène Fleury. Quant à l'avion à hydrogène, "il est très peu probable que son rôle soit majeur dans les années à venir" en raison de la difficulté de stocker de l'hydrogène en grande quantité, et du temps de renouvellement des flottes aériennes.

Aujourd'hui, Rester sur Terre prône surtout "un plafonnement du nombre de vols par aéroport", mais aussi la taxation de l'aérien via le kérosène notamment. Autre piste : imposer une taxe progressive sur les voyageurs en fonction de leur utilisation de l'avion. Les plus émetteurs seraient les plus taxés. "Il faut promouvoir les alternatives, comme le vélo ou le train. Changer de mode de transport ne veut pas dire arrêter de voyager." Reste à savoir si les usagers seraient prêts (et en capacité de) sauter le pas. Selon le rapport de la Chaire Pégase de mai 2023, seul un peu plus d'un Français sur deux ayant pris l'avion plus de 12 fois en un an serait prêt à réduire son nombre de vols.

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