Dans les Hautes-Pyrénées, il existe des forêts qui ont traversé les siècles et qui ont eu le temps de se régénérer. On parle de vieilles forêts. Elles abritent des espèces animales et végétales particulières. L'association Nature en Occitanie œuvre pour la préservation de ces espaces, véritables réservoirs de biodiversité forestière.
L'association "Nature en Occitanie" qui regroupe des partenaires associatifs, institutionnels et économiques agit pour la nature. Elle s'investit dans l'identification et l'accompagnement de la préservation des vieilles forêts. Elle a participé à la découverte de ces vestiges forestiers dans les Hautes-Pyrénées.
Ces forêts sont anciennes et matures. Elles existent et se développent depuis plusieurs centaines d'années, et ont été épargnées par l'exploitation forestière.
Aujourd'hui on mesure l'importance d'une nature libre et spontanée, qui a le temps de se régénérer et qui abrite des espèces animales et végétales particulières. On les dénomme "Vieilles forêts".
Identifier une vieille forêt
C'est dans les Hautes-Pyrénées sur la commune de Bordères-Louron que nous avons eu rendez-vous avec Jean-Marie Savoie et Sophie Maillé, qui a des titres différents, agissent pour la nature et se passionnent pour les vieilles forêts. C'est tout un procédé pour identifier ces vielles forêts. Il est question de placettes et de TGB, très gros bois, de saproxyliques et de dendro microhabitats.
Les placettes d'inventaires
Il est très difficile et laborieux d'identifier une vieille forêt. C'est la concordance de connaissances révélées par les gestionnaires forestiers, et les photographies aériennes, qui permettent de déterminer des zones de recherche. Elles ont commencé en 2008 dans les Pyrénées.
Pour valider ces suppositions, une expédition sur le terrain est nécessaire. On réalise des placettes d'inventaires : un espace qui va faire l'objet de relevés et d'identifications méticuleuses par différents spécialistes.
On va échantillonner le bois mort, les très gros bois, les dendro microhabitats...
Jean-Marie Savoie Botaniste Ecologue Enseignant Chercheur
Bois morts et très gros bois : deux marqueurs d'une vieille forêt
La présence de très gros bois vivants et morts caractérise les vieilles forêts.
Nos deux arpenteurs des bois vont mesurer le diamètre des troncs au sol ou sur pied et sonder leur densité, et noter si ces arbres abritent des dendro microhabitats.
Dans les forêts françaises, les arbres sont coupés en général quand le tronc a un diamètre compris entre 50 et 70 centimètres, alors qu'un arbre peut atteindre plus d'un mètre de diamètre avant de mourir. Et ceux que l'on va trouver au sol, les chablis, vont aussi être exploités empêchant la décomposition naturelle de l'arbre dans son environnement.
L'exploitation des forêts ne permet donc pas le développement de la forêt dans son cycle sylvigénétique.
Dans la hêtraie sapinière pyrénéenne, ce cycle dure environ 400 ans, alors qu'en forêt de production il est de 150 ans
Jean-Marie Savoie Botaniste Ecologue
Espèces saproxyliques et dendro microhabitats : la biodiversité particulière des vieilles forêts
Les espèces saproxyliques, du grec sapros, en décomposition et xylos, le bois, sont principalement des champignons et des insectes.
Ce sont des organismes qui dépendent du bois mort pour leur cycle de vie, que se soit en tant qu'abris ou source de nourriture. Ces organismes participent au recyclage de la matière organique.
Elles constituent un quart des espèces forestières et sont en voie de raréfaction en France et en Europe, en raison de l'exploitation des forêts, et donc de l'absence de bois morts.
En se nourrissant et en décomposant le bois mort, les saproxyliques libèrent les éléments minéraux contenu dans le bois, qui pourront alors être réutilisés par les générations suivantes d'arbres.
Les dendro microhabitats : des microhabitats portés par les arbres, de « dendro » qui provient du grec « dendron » qui signifie arbre, et « micro » qui signifie petit, comme les cavités, sont nombreux dans les forêts naturelles.
C'est Laurent Larrieu un forestier de formation, docteur en écologie, qui au début des années 2000, a réfléchi à un outil pratique pour aider le gestionnaire forestier à prendre en compte la biodiversité. Avec l’aide d’un collègue, cet outil s’est concrétisé en 2008 sous la forme de l’Indice de Biodiversité Potentielle, IBP qui regroupe 10 facteurs favorables à la biodiversité, dont la présence d’arbres porteurs de dendro microhabitats.
Peu d’études avaient été réalisées sur ces structures. Jean-Marie Larrieu a consacré une partie de ses recherches sur les dendro microhabitats, pour compléter les connaissances sur la formation, la composition et la durée de vie de ces cavités..
Ces structures constituent un lieu de vie pour la faune, la flore et les champignons. Les arbres portant au moins un dendro microhabitat sont appelés « arbres-habitats ».
L’apparition de ces microhabitats est fortement liée à l’âge et au diamètre de l’arbre : plus l’arbre est vieux et présente un diamètre élevé, plus la diversité et l’abondance des dendro-microhabitats s’accroît .
les vieilles forêts sont aujourd'hui les représentantes du fonctionnement originel des forêts
Sophie Maillé- association Nature en Occitanie
Il en reste très peu en Occitanie : 12000 hectares dans les Pyrénées, ce qui représente à peine 4% de la couverture forestière.
Et dans la plaine, elles ne représentent qu’1% et sont souvent de très petite taille, de 2, 3 hectares.
Ce sont de microscopiques îlots de biodiversité à l’échelle du territoire. Nous avons anthropisé la terre et rompu les barrières biologiques avec le monde sauvage. Les vieilles forêts nous rappellent que nous sommes pris dans un tissu complexe du vivant. C'est un patrimoine naturel qu'il faut protéger pour les générations futures.
Rencontrer des professionnels de terrain, des scientifiques permet de comprendre la dimension d’une forêt, de ses bénéfices, le puits de biodiversité qu’elle représente.
Retrouvez tous les épisodes sur les vieilles Forêts sur notre chaine YouTube.