La truite des Pyrénées moins bien notée qu'un vulgaire surimi, la tome des Pyrénées équivalente d'un hamburger à 2 étages... Le Nutri-Score, appliqué de manière non obligatoire pour l'instant en France, pourrait bien pénaliser les fleurons de nos produits du terroir.
L'Institut Régional de la Qualité Agroalimentaire (IRQUALIM) organisait ce lundi 24 janvier 2021 une rencontre au lycée professionnel hôtelier l'Arrouza de Lourdes afin d'alerter les élus et les professionnels sur les possibles conséquences de l'entrée en vigueur obligatoire du Nutri-Score.
La truite des Pyrénées aussi mal notée que le surimi
Ce matin, les élèves du lycée hôtelier de l'Arrouza de Lourdes (Hautes-Pyrénées) sont en pleine préparation de "ballotins de truite fumée des Pyrénées", sans se soucier de son Nutri-Score plutôt défavorable, mais sûrs du bien-être que ce produit peut procurer pour les papilles et la santé. "Dans ce produit du terroir, il y a juste de la truite, du sel et un fumage naturel au bois. Et le Nutri-Score serait le même que celui d'un surimi qui contient plusieurs adjuvants et autres produits chimiques ?"
Pierre Ginèbre occupe le poste de directeur de l'Irqualim, l'Institut Régional de la Qualité Agroalimentaire. Il n'est pas contre le principe du Nutri-Score que veut mettre en place l'Europe. "Donner des informations claires aux consommateurs sur les aspects nutritionnels d'un produit est en soit une bonne idée. C'est nécessaire pour des produits ultra-transformés, mais pour des produits du terroir tout à fait simples et qui se font depuis des temps immémoriaux, ce n'est pas adapté. Un Nutri-Score pour l'huile d'olive dont on vante les vertus en termes de santé, ça n'a aucun intérêt mais pour une barre chocolatée oui, bien sûr! "
Le Nutri-Score encore optionnel va devenir obligatoire
Tout le monde a déjà remarqué ce petit logo apposé sur les emballages qui note le caractère nutritionnel des produits : du A en vert foncé jusqu'au E en orange foncé pour les produits les plus critiques pour la santé.
Le Nutri-Score élaboré par des chercheurs et scientifiques indépendants (médecins, nutritionnistes, ...) permet de décrypter les produits en les comparant sur une valeur nutritionnelle pour 100g. "Mais c'est aberrant. On ne prend pas en compte la portion et l’utilisation. Personne ne va prendre 100g d'huile d'olive alors qu'un hamburger classique pèse plus de 100g. Et ils ont pourtant le même score", proteste Pierre Ginèbre. Concrètement en termes de kilojoules, l'hamburger apporte 6 fois plus de calories. Mais si on laisse cette notation s'appliquer, on menaces des filières et des pans économiques entiers."
Les défenseurs des circuits courts et des produits du terroir français ne sont pas les seuls à se battre contre l'instauration de ce référent qui pourrait devenir obligatoire d'ici 2023. En Espagne, en Italie ou en Grèce, les producteurs ont fait le même constat et demandent des changements dans la future législation.
Après le Roquefort, l'IRQUALIM va se battre pour d'autres fleurons de l'alimentation locale
Le défenseur de la qualité agroalimentaire en Occitanie comptait bien ce lundi matin interpeler producteurs et élus politiques sur la problématique du Nutri-Score. Ce n'est pas un hasard si cette opération se passe dans un lycée hôtelier. La cuisine française est entrée au patrimoine de l'Unesco et rien de mieux que des futurs grands chefs pour mesurer le caractère indispensable des produits du terroir.
Au menu du jour du lycée l'Arrouza de Lourdes, ballotin de truite fumée des Pyrénées, carpaccio d'haricot tarbais au lard de porc, joues de porc noir de Bigorre et croustade aux pommes agrémentée de Pousse-Rapière. Autant de produits phares, AOC, AOP ou simple appellation pour sensibiliser producteurs et consommateurs.
Le Nutri-Score a rencontré un écho plutôt favorable chez le consommateur qui trouve même que ça ne va pas assez loin. L'Irqualim a essayé de sensibiliser les députés européens sur le danger qu'il représente pour certains produits. Mais en pleine pandémie, les politiques jouent la prudence sur la nécessité de manger sain.
L'organisme a donc décidé de mener des opérations ciblées et locales dans chaque département d'Occitanie comme il l'a fait pour le roquefort ou maintenant pour le porc noir de Bigorre, la truite ou la tome des Pyrénées. "Il y a 2 choses qui nous inquiètent : la mauvaise note et les répercussions qu'elle peut avoir sur le consommateur. Et ensuite, pour tous les produits notés en D ou E, il sera impossible d'en faire la promotion. Nous allons continuer d'interpeler élus et consommateurs. Encore une fois, nous ne sommes pas contre le Nutri-Score. Nous voulons simplement que certains produits peu transformés comme l'huile d'olive, le roquefort, le porc noir de Bigorre ou la truite des Pyrénées ne soient pas soumis à cette classification."
Pierre Ginèbre et l'Irqualim vont poursuivre leur tour des départements et des produits du terroir pour faire entendre leur cause. Prochaine étape : les Pyrénées-Orientales où il sera question, entre autres, d'huile d'olive et d'anchois de Collioure.