"C'est une qualité exceptionnelle", un chêne de plus de 300 ans promis à une deuxième vie : l'élevage de vins d'exception

Un chêne de près de quatre siècles, voué à la coupe, a été vendu aux enchères par l'ONF. Et c'est une entreprise spécialisée dans la transformation du bois à destination des tonneliers qui en a hérité pour lui offrir une deuxième vie. L'arbre est destiné à l'élevage de vins prestigieux.

À Trie-sur-Baïse, dans les Hautes-Pyrénées, cela fait quatre générations que des merrandiers travaillent du bois des plus nobles. Des chênes bi et tricentenaires vont être minutieusement découpés et travaillés. "Du bois fendu en planches", transformé en lattes rectangulaires, les merrains destinés aux tonneliers.

En cette fin août, Jacques Canadell, le PDG de l'entreprise éponyme, savoure son dernier arrivage. De la paume de la main, il effleure 400 ans d'histoire. "Un chêne qui a plus de 350 ans, qui a été baptisé à la fin de la Seconde Guerre mondiale Oxford pour rendre hommage aux Anglais qui sont venus nous aider à libérer la France", nous explique-t-il.

Un chêne vieux de presque 4 siècles

En 50 ans de métier, le merrandier a rarement vu une telle qualité de bois. "Cet arbre, il est tellement vieux. Il a poussé tellement lentement avec des grains serrés, serrés, que c'est une qualité exceptionnelle." S'il le pouvait, Jacques Canadell ne le couperait pas, le garderait pour lui. Mais voilà, ses clients en raffolent.

Quand on les ouvre et que le bois est rosé, on sait que c'est le meilleur chêne pour l'élevage des grands vins.

Jacques Canadell, PDG de la merranderie

Planté à l'époque de Louis XIV sous les ordres du ministre Colbert, ce chêne de près de quatre siècles et de 43 mètres de haut était voué à la coupe. Et Jacques Canadell l'a acheté aux enchères à l'Office national des forêts pour lui donner une deuxième vie.

Transformation manuelle

La merranderie est l'activité qui consiste à produire des merrains, c'est-à-dire des lattes rectangulaires issues du fendage du bois. C'est la matière première principale du tonnelier. Et le travail sur un chêne de près de 400 ans n'est assurément pas banal, comme nous l'explique Anthony Doreux, l'un des responsables du site de production. Un bois qui se respecte.

C'est du bois que l'on n'a pas tous les jours entre les doigts. Et que l'on essaye de valoriser au mieux, pour éviter de gaspiller un produit aussi rare.

La couleur, un grain extra fin de moins d'un millimètre... Anthony Doreux est intarissable sur les qualités de celui-ci. "C'est un chêne qui a dû être travaillé manuellement pour ne pas trancher le rayon médullaire du bois, tente-t-il d'expliquer le plus simplement possible. Pour qu'il n'y ait pas de fuite dans les barriques."

Des fûts pour des vins d'exception

Ce chêne, cet héritage de 400 ans d'histoire française, est destiné à la fabrication de fûts. "Ce chêne Oxford, quand on l'a coupé, une couleur très saumonée est apparue, raconte Florent Reyssac. Cela veut dire qu'il y a beaucoup d'ellagitanins." Une qualité prometteuse, selon le directeur général de la tonnellerie.

Les barriques produites auront "des tanins très fins car c'est un chêne qui a grandi pendant 400 ans. Il a grandi petit à petit. Du coup, on va avoir une micro oxygénation très lente, poursuit-il. On sait déjà que c'est une barrique qui va faire des élevages de vins très fins, très élégants, où l'on aura un très grand respect du fruit." 

Une quarantaine de barriques devrait être fabriquée grâce à ce chêne prestigieux. Mais cela ne sera pas pour tout de suite. Il va falloir laisser sécher le bois pendant trois ans avant de l'assembler et le poncer. Ensuite, les fûts rejoindront les plus grands domaines viticoles. En une semaine, la moitié des barriques ont déjà été pré-commandées. Et ce, aux quatre coins du monde.

Propos recueillis par Jean Colonna et Emmanuel Fillon.