La société des Forges de Tarbe" (Hautes-Pyrénées) voit son activité relancée par la guerre en Ukraine. Elle recrute des forgerons pour fabriquer en quantité des grands corps creux, pièces indispensables à la création d'obus de gros calibre. La production devrait être démultipliée dans les années à avenir.
Si comme tout le secteur, elles ont été un temps pénalisées par la montée du prix de l'électricité, les "Forges de Tarbes" se voient relancées par la forte demande d'obus liée à la guerre en Ukraine. La société, filiale d'Europlasma basée dans Les Landes, fabrique des grands corps creux qui servent à la création d'obus de 155 millimètres.
Un objectif de 160.000 obus par an
Le groupe a reçu ce mardi 14 mars l'autorisation du ministère de la Défense d'exporter ces pièces, conformément aux attentes de l'Otan. Le groupe landais, qui emploie près de 200 salariés, a annoncé qu'il allait investir 7 millions d'euros dans sa filiale tarbaise au cours des trois prochaines années pour porter sa production annuelle de grands corps creux de 40.000 pièces aujourd'hui à 95.000 en 2024, 120.000 en 2025. Avec à terme un objectif de 160.000 par an.
"L'idée de réindustrialiser initialement ce n'était pas du tout d'accentuer notre présence dans le domaine de la défense, explique Jérôme Garnache-Creuillot, PDG des Forges de Tarbes. On était plutôt partis sur des activités civiles. La réalité, c'est qu'on a été rattrapé par l'actualité. On est aujourd'hui l'une des trois sociétés françaises qui oeuvrent à la fabrication des obus de 155 millimètres. Il n'y en a que trois, chacun fait sa partie. Il y a une demande très très forte qui est liée à l'utilisation de cet obus en Ukraine du fait de la livraison des canons Caesar par le ministère".
Rattraper le temps perdu et réinsdustrialiser
D'après la consommation quotidienne d'obus en Ukraine oscille entre 5 et 6.000, parfois 7.000. ça fait 2 millions d'obus chaque année. L'industrie européenne n'était pas préparée à une telle demande. "La capacité de production française est très très loin, mais globalement, la capacité de production mondiale était très éloignée de cette consommation-là, poursuit le PDG. On a subi 30 années de détente et c'était une bonne chose en réalité mais là, il faut rattraper le temps perdu, il faut réindustrialiser".
L'intérêt de cette production est sa fiabilité, explique-t-on dans les ateliers. "C'est un travail très précis dans le dimensionnement des pièces et dans la qualité, commente Laurent Roger, chef d'exploitation. On est sur une gamme de produit supérieure à ce qu'on peut voir habituellement. Le calibre 155 est plus précis que ce qu'on peut trouver dans d'autres pays, il permet d'aller plus loin et de cibler très précisément le tir".
Reconstituer également les stocks européens
L'objectif de l'OTAN est d'accélérer la fourniture d'armements et de munitions à l'Ukraine, qui fait face à un redoublement des attaques russes sur son sol. Selon Jens Stoltenberg, secrétaire général de l'Otan, les forces ukrainiennes consomment une quantité de munitions largement supérieure à la production actuelle des alliés de l'Otan, qui doivent impérativement augmenter leurs capacités de fabrication.
"Il y a un comparatif important : la production de ces obus par les Américains sur l'ensemble de leur territoire était en 2020, de 160.000, précise Jérôme Garnache-Creuillot. Donc à Tarbes, on est sur une très grosse capacité de production". Au delà de la guerre en Ukraine, ces données sont importantes en terme de stratégie car la reconstitution des stocks est redevenue une priorité pour les armées européennes.
(Avec Margaux Delaunay avec Emmanuel Fillon)