Hautes-Pyrénées : pénurie de bois et hausse des prix, un cocktail alarmant pour la construction et l'ameublement

La France se classe à la 4e place en Europe pour l’étendue de ses forêts. Le chêne y est l’espèce la plus répandue. Malgré cela, la pénurie de bois s’installe et les prix s’envolent. L'une des raisons ? La Chine achète du chêne tous azimuts.

A Laguian-Mazous dans le Gers, comme partout en France, le bois manque pour la construction. La reprise économique chinoise post-Covid et leurs achats massifs assèchent les fournisseurs européens et font exploser les tarifs.

Chez Astarac Bois Pyrénées, 20% des stocks sont marqués d’un rond vert. Cela signifie qu’ils sont en partance pour la Chine. "Ce ne sont pas des Chinois directement qui achètent, ce sont des sociétés françaises qui font de l'export", explique le négociant Herminio Martin. "On ne travaille qu'avec des gens comme ça et qui nous font de plus en plus de demandes. On essaie de rester un peu… d’assumer nos marchés et après on travaille pour eux".

Rare et cher

A l'autre bout de la planche, les fabricants de meubles. Ils subissent la hausse des cours. Dans une entreprise d'Ibos, près de Tarbes, dans les Hautes-Pyrénées, 80% des buffets, tables ou bibliothèques sont réalisés en chêne, un bois indispensable, irremplaçable. Une ressource de plus en plus rare et chère alors que le chêne compose l'essentiel des forêts dans le sud-ouest.

"Nous avons des difficultés énormes à trouver du chêne surtout sur Tarbes", explique Jean-Marc Romera des Meubles Romera. "Je suis obligé de m'approvisionner en Ariège. Les prix ont augmenté d'une façon exorbitante. On est à +20% du prix actuel du marché."

Jean-Marc Romera envisage une augmentation des prix de ses meubles pour répercuter la hausse du bois. Mais il craint qu’une telle hausse de tarif ne fasse fuir les clients.

Voir notre reportage dans les Pyrénées.

La Chine achète tout

Pour Pierre Sanguinet, président de la FNB (fédération nationale du bois), la problématique est plus étendue et grave qu'il n'y paraît. "Le chêne est celui par qui le scandale a commencé, explique-t-il. Mais tous les feuillus et les résineux sont concernés. Il y a un assèchement du marché qui rend inévitable une augmentation des prix".

Pour ce spécialiste, l'exportation vers l'Asie (comprendre Chine et Vietnam, sous tutelle de la Chine), date d'une quinzaine d'années.

Cette demande extrêmement forte a mis à mal un grand nombre de scieurs français car l'Asie importe des grumes, des troncs bruts. A cela, il faut ajouter l'explosion du marché des USA après le plan de relance de Biden. Ils manquent de pleins de matériaux et sont acheteurs chez nous de résineux.

"Ce qu'ils veulent, c'est faire travailler leur peuple"

"Mais on n'est pas simplement sur du container qui part vers la Chine ou les USA, précise Pierre Sanguinet. Il y a une pénurie au niveau de l'approvisionnement et des sciages, ce qui crée une inflation des prix. Il y a un manque mais surtout une demande qui a provoqué ce manque".

Le président de la FNB en veut pour preuve l'augmentation du tarif du Douglas : +60% de hausse du prix sur pied en un an. Faramineux ! "La Chine achète tout. Ce qui inquiète, c'est que les traders n'ont plus de référence de prix. Le danger est monumental. Par exemple, pour les grumes, ils demandent à ce que soient remplis les bateaux, à n'importe quel prix. Ce qu'ils veulent c'est faire travailler leur peuple".

Pour Pierre Sanguinet, c'est ce que nous, en Europe, nous n'avons pas compris et ne faisons pas. "Poutine, lui, l'a compris. Il a purement et simplement interdit l'exportation de bois vers la Chine. Elle a 60% des avoirs mondiaux et ça met l'économie mondiale en danger. Il n'y a pas que nous mais nous sommes pris dans cette tourmente".

La seule issue pour ce professionnel, c'est l'interdiction pure et simple d'exporter les bois bruts hors des frontières européennes. Le bois doit être transformé sur place pour protéger le patrimoine forestier et les petites et grosses industries du bois.
Une pétition circule au sein de la profession pour demander au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, Julien Denormandie, d'intervenir au plus vite. L'enjeu : sauver le secteur, ni plus ni moins. Et sans doute par cette prise de conscience, en sauver d'autres... C'est en tous cas ce que pensent un grand nombre de professionnels de la filière bois et du secteur agricole.

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