Le collectif de victimes de prêtres pédophiles "Foi et résilience" vient de proposer la création d'un "pavillon mémorial pour les victimes d'abus sexuels perpétrés dans l'Eglise". Mais ce n'est que la partie immergée de l'iceberg... Il faut que l'Eglise reconnaisse sa responsabilité.
Une association de victimes travaillant sur la lutte contre la pédocriminalité dans l'Eglise propose la création d'un "pavillon mémorial pour les victimes d'abus sexuels perpétrés dans l'Eglise". Il pourrait être installé à Lourdes, en périphérie du sanctuaire.
Ce pavillon mémorial serait d'abord un "témoignage monumental". Il s'agirait, par exemple, d'une sculpture, "signe de la reconnaissance de la souffrance des victimes" accompagnée d'un bâtiment, selon le projet présenté par Olivier Savignac, membre du collectif de victimes "Foi et Résilience".
"La responsabilité systémique de l'Eglise"
Il s'agit d'une proposition élaborée dans le cadre des échanges qui ont lieu depuis plus de deux ans entre ce collectif et la Conférence des évêques de France (CEF), au sein d'un groupe de travail sur les questions de mémoire. Mais Olivier Savignac précise qu'"il faut en premier lieu que l'Eglise prenne la parole et reconnaisse sa responsabilité systémique par rapport aux crimes qui ont été commis en son sein".
Très impliqué sur cette question, Olivier Savignac explique clairement que la création du pavillon est une étape mais qu'elle n'est pas la première. "En 70 ans, il y a eu des dizaines de milliers de victimes. Ces abus, ces crimes ont été perpétrés pendant des décennies avec la complicité de membres de l'Eglise, y compris des évêques qui se repassaient les dossiers en connaissant tout de ces actes terribles".
Pour les victimes, il s'agit donc d'obtenir en tout premier lieu une reconnaissance des faits, afin qu'elles puissent entamer un processus de guérison. "L'institution doit reconnaître qu'elle a protégé les criminels et que les victimes, elle ne les a pas protégées. Ce pas permettra aux victimes de se dire qu'elles n'ont pas été coupables de ce qui leur est arrivé, c'est fondamental".
Aveu de culpabilité
Olivier Savignac fait une analogie avec la loi sur le génocide arménien. Il estime que l'Etat français a reconnu sa responsabilité et que cette étape a été déterminante pour les victimes. "L'Etat a acté les choses. Pourquoi l'Eglise ne le ferait-elle pas ? Dans plusieurs pays, les commissions d'enquête font état de 5% de pédophiles (en moyenne) au sein des rangs de l'Eglise. Jusqu'à 7% en Australie", avec des centaines de victimes parfois pour un même prêtre pédophile.
L'enjeu numéro 1 est donc cet aveu de culpabilité de l'Eglise à l'échelle individuelle mais aussi collective. Ensuite, il s'agirait pour ce pavillon muséographique de "rendre visible la souffrance des victimes", la faire connaître avec des "récits de vie", déclinés sur des supports vidéos, audios et écrits.
Prescription des faits mais pas de la souffrance
"Nous devons répondre à deux interrogations : comment lutter contre l'oubli et comment on va accompagner les victimes ? La plupart d'entre elles, 9 cas sur 10, sont des cas anciens. Il y a prescription et l'action publique en justice est éteinte. Donc comment fait-on ? On a un devoir de mémoire même si pour elles, ça passe aussi et avant tout par la reconnaissance des crimes. L'indemnisation interviendra après seulement".
Ce centre "unique et singulier" sera donc un centre de ressource à destination des chercheurs et scientifiques mais aussi un lieu de conférences, mais aussi de formation (pour religieux, religieuses, séminaristes, laïcs dans l'Eglise), pour qu'on s'inscrive dans un "plus jamais ça", mentionne encore Olivier Savignac.
La notion de responsabilité de l'Eglise
Il s'agira, entre autres, de "parvenir à un équilibre entre l'analyse historique des faits et la mémoire des souffrances vécues", selon ce projet. "Lourdes demeure pour l'Eglise catholique et la société mondiale l'épicentre des pèlerinages mondiaux de croyants et de personnes malades. Le sanctuaire serait un lieu incontournable pour accueillir un tel projet à la mémoire des victimes vivantes et des victimes décédées".
Fin mars, les évêques entendent se prononcer sur un éventuel dispositif de "reconnaissance de la souffrance vécue" par les victimes, qui pourrait comprendre plusieurs aspects, dont un aspect mémoriel. Au préalable, l'épiscopat se réunit jusqu'à mercredi pour aborder la pédocriminalité et "la notion de la responsabilité" de l'Eglise.