Pédophilie au sein de l'Eglise : un ancien prêtre du diocèse de Tarbes désormais en prison

La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (Ciase), avait fait un signalement. L’ex-abbé de Tarasteix (Hautes-Pyrénées) a été présenté aujourd'hui devant un juge d'instruction et placé en prison. Pour l'heure, 7 victimes présumées de Jean-Claude Mercier ont déposé plainte.

Il est longtemps passé au travers des mailles de la justice mais le 10 juillet 2023, l'abbé Jean-Claude Mercier a été placé en garde à vue à la gendarmerie de Tarbes. Le juge d’instruction a finalement saisi le Juge des Libertés et de la Détention d’une demande de détention afin d’éviter la réitération des faits. À 81 ans, il est désormais en prison.

7 plaintes pour viols et agressions sexuelles sur mineur

L'Église est à nouveau dans la tourmente après l'interpellation d'un religieux le 10 juillet révélée par nos confrères de France Bleu Béarn Bigorre. Actuellement, il y aurait 7 plaintes dont une déposée ces dernières heures. Les victimes présumées sont toutes des hommes, mineurs au moment des faits. 

Dans un communiqué, la procureure de Tarbes Bérengère Prud'homme nous précise ce mercredi 12 juillet 2023 : " L’information judiciaire est ouverte des chefs de viol sur mineur de plus de 15 ans et viol sur personne vulnérable (la même victime devenue majeure), faits de 1997 à 2000 pour cette victime, et viol sur la 2e victime (de 2006), qui était majeure.

Compte tenu de l’âge et de l’état de santé de M. Mercier, j’ai requis son placement sous surveillance électronique dans le cadre d’une assignation à résidence avec diverses interdictions, et notamment interdiction de contact avec les victimes et témoins et leurs familles. La comparution devant le juge d’instruction n’est pas encore terminée." Quelques heures plus tard, le prêtre a finalement été incarcéré.

Des faits qui remontent à plus de 40 ans

Si l'affaire explose au grand jour maintenant, les faits remontent à plus de 40 ans et ils étaient connus de certaines personnes. "Je ne peux pas imaginer un seul instant que les évêques qui se sont succédés au diocèse de Tarbes et Lourdes n'étaient pas au courant, déclare Olivier Savignac, cofondateur et vice-président de l'association "Parler et revivre" qui vient en aide aux victimes d'abus sexuels proférés par des hommes d'Église. Jean-Claude Mercier a été sanctionné par un renvoi de l’état clérical l'an dernier, c’est la sentence maximum. L’abbé Maurel qui est accusé des mêmes faits en Aveyron n’a toujours pas été renvoyé. Donc l'Eglise connaissait tout ça depuis un moment."

Selon un journaliste free-lance qui travaille pour le média Riposte Catholique, "Il y a beaucoup d'interférences, de complicités qui ont permis de couvrir le prêtre pendant de longues années. Tarasteix est une histoire qui regroupe tout ce que la Ciase dénonce. Il y a le caractère systémique de l'église qui regarde ailleurs mais elle a fini par faire son travail. À la justice de faire le sien maintenant."

Jean-Claude Mercier, un profil prévisible

L'histoire de Jean-Claude Mercier et de l'abbaye de Tarasteix est assez controversée. Originaire de Bretagne (Chauvé proche de Pornic), il est ordonné prêtre de Djibouti en 1970. Il entreprend en 1977 la restauration du Monastère de Tarasteix.

Lorsqu'il s'installe dans les Hautes-Pyrénées, il prend son indépendance par rapport au diocèse de Tarbes et Lourdes et reste rattaché à Djibouti. Lorsqu'un décret du pape François en date du 9 décembre 2022 acte son exclusion de l'Eglise, le prêtre de Tarasteix publie un communiqué indiquant que : "... Je ne suis plus prêtre de l’Église Catholique Romaine depuis le 11 mars 2021. L’Église Catholique Romaine ne peut donc pas me renvoyer d’un état clérical que j’ai quitté par ma propre volonté depuis 21 mois." 

Selon Olivier Savignac lui-même victime d'abus sexuels de la part d'un prêtre du diocèse d'Orléans en juillet 93, "on retrouve ce type de profil dans les agresseurs, ils savent comment s’y prendre, trouver leur proie. Ce sont des personnages souvent intelligents, charismatiques, égocentriques et en marge de l'Eglise. Comme l'abbé Mercier, ils se disent en dehors, ce qui leur permet d'agir sans contrôle." 

Celui qui a gagné son procès contre son agresseur et contre l'évêque qui l'avait couvert : "on savait que des évêques n’étaient pas tranquilles avec ça". Des faits confirmés par le journaliste de Riposte Catholique. "J'étais aussi à Lourdes en 2021, c'était le moment où le scandale des prêtres pédophiles explosait partout en France. J'ai pris alors la parole pour signifier qu'à quelques kilomètres de là, dans ce diocèse de Tarbes et Lourdes, il y avait aussi une affaire cachée : celle du prêtre Mercier. Mon intervention les a gênés mais il n'y a pas eu d'actes concrets pour sortir de ce silence." 

En 2021, l'évêque du diocèse de Tarbes et Lourdes de l'époque, Monseigneur Nicolas Brouwet, avait interdit à l'abbé Mercier de célébrer des sacrements au sein de cette abbaye.

Le journaliste de Riposte Catholique poursuit : "Il y aura forcément d'autres cas, d'autres plaintes qui vont sortir. J'ai eu connaissance de faits plus récents qui remontent à 2019."

Comme Olivier Savignac, il souhaite lancer un appel à témoins pour que les victimes puissent se manifester auprès de la procureure de Tarbes

L'abbaye de Tarasteix en décrépitude

Pour parfaire son enquête, il n'a pas hésité à passer une nuit à Tarasteix en 2021. Pas suffisant pour obtenir des révélations supplémentaires mais pour constater l'état de décrépitude de cette "fausse abbaye" comme l'aurait qualifiée l'ancien évêque de Tarbes.

L'ex-abbé Mercier a d'ailleurs appelé ce lieu "Notre-Dame de l'Espérance" dès son installation à la fin des années 70. En 1979, le pape Jean-Paul II a béni la communauté de Notre Dame de l’Espérance lors d'une audience. Sur une vidéo consultable sur Youtube, on peut entendre le prêtre s'exprimer ainsi. "Voilà 44 ans que je suis ici...Il y avait ni portes, ni fenêtres. Tout était en ruine, j'ai tout reconstruit pendant 7 ans, sans grue... Le cloître intérieur qui fait 60 par 40, la rosace..."

Selon le journaliste de Riposte Catholique, le lieu est en désuétude. "Tout se casse la gueule. C'était juste des bâtiments pour que les moines s’isolent, un lieu de retraite. Il a fait construire la plupart de ce qui est visible aujourd'hui mais sur un espèce de marais donc ce n'est pas stable. Même le cloître se casse la figure. Quand je suis entré dans la sacristie, elle était soutenue par des étais. Il y a des portes et des fenêtres qui donnent sur du vide..."

Les visites se font rares. Dans le dernier article publié par Riposte Catholique, on retrouve une information surprenante :  "il est difficile de comprendre pourquoi le collège public Mendès France de Vic-en-Bigorre a organisé, au sein de la structure gérée par l’ex-religieux, deux sorties scolaires de ses élèves les 12 et 15 mai derniers…"

Nous avons tenté de vérifier cette information auprès du rectorat de l'académie de Toulouse. Au moment de publier cet article, nous n'avons pas eu de réponse.

Le père Mercier désormais en prison aura bien des choses à éclaircir auprès de la justice. Il serait aussi dans le collimateur pour détournement de fonds.

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