Surtourisme : pour éviter le trop plein au cirque de Gavarnie, les voitures de vacanciers interdites au centre du village

Pour garder son centre-ville piéton et éviter la surtourisme, la commune de Gavarnie (Hautes-Pyrénées) interdit l'accès aux voitures des non-résidents dans la journée. Conséquence : les automobilistes doivent se garer sur le parking municipal au début du village.

C'est un "coup de gueule" prévient le P'tit Pyrénéen, un compte d'actualité locale des Hautes-Pyrénées géré par un particulier. Sur les réseaux sociaux, un post de l'internaute a généré de fortes réactions sur l'accès et les tarifs des parkings sur la commune de Gavarnie (Hautes-Pyrénées).  Au Cirque de Gavarnie classé au patrimoine de l'Unesco, l'accès au centre-ville est restreint afin de lutter contre la surfréquentation et pollution touristique. La question sous-jacente : comment lutter contre la surfréquentation touristique sans toutefois restreindre l'accès de ces lieux protégés aux plus pauvres ? 

Entre 9h et 17h30 seuls les résidents peuvent accéder au centre-ville en voiture

Dans un post Facebook, partagé plus de cent fois en quelques heures, le compte raconte l'histoire d'une famille de touristes. Alors qu'ils voulaient aller se garer sur un parking en altitude, plus proche du cirque de Gavarnie, des agents de circulation les enjoignent à aller se garer avant l'entrée du village. Le tarif y est de sept euros quel que soit le temps passé dans le parking. L'internaute parle même d'une "arnaque" car le parking en altitude inaccessible — dont le tarif est de cinq euros — n'était "pas du tout complet".

Est-ce pour autant une "arnaque" ? En réalité, la commune impose une restriction d'accès au centre-ville durant l'été. "Entre 9h et 17 h 30, seules les personnes qui ont un logement en centre-ville peuvent y accéder", précise l'office de tourisme. Les voitures qui n'ont pas l'accès doivent, elles, se garer dans le parking public avant la route vers le col des Tentes. Le tarif pour 24 heures est au prix fixe de sept euros pour les voitures et de dix euros pour les camping-cars.

Depuis quelques années, la commune a décidé d'ordonner cette restriction d'accès pour préserver l'un des plus célèbres cirques naturels du monde. Il faut dire que le lieu attire des centaines de touristes chaque jour.

Un site au Patrimoine mondial de l'Unesco

La question de la surfréquentation touristique et de l'impact sur les communautés locales n'est pas nouveau à Gavarnie. Formé par de gigantesques murailles de 1 700 mètres de haut, ce cirque naturel est un haut lieu du tourisme dans les Pyrénées. La France a classé le cirque en 1941 puis en a fait un "grand site" en 1989 afin de pouvoir prendre les mesures nécessaires face à un afflux massif de touristes. En 1997, le cirque de Gavarnie est même inscrit au Patrimoine mondial de l'Unesco. 

Bien que cette cause soit plus que louable, les internautes se questionnent sur la pertinence d'un tarif fixe jugé trop important. Est-ce juste que le tarif soit le même pour deux heures stationnement que pour 24 heures ? Cependant, certains mettent en avant le coût que cette surfréquentation touristique peut provoquer pour les communes. En réponse à la publication du P'tit Pyrénéen, une internaute s'emporte : "Croyez-vous que faire payer les parkings, c'est pour faire du fric ? Croyez-vous que les 150 habitants du village ont les moyens de créer et entretenir des infrastructures pour recevoir [et] gérer les déchets de milliers de personnes ?"

Gavarnie n'est pas la seule commune à avoir à gérer ces afflux massifs de touristes. Le gouvernement a dévoilé, le 18 juin 2023, un plan pour mieux réguler le surtourisme, et notamment dans les zones dans lesquelles on observe des pics d'affluences, à l'instar du Cirque de Gavarnie.

(MAJ - jeudi 17 août) La mairie de Gavarnie a souhaité apporter ces longues précisions :

"Oui nous devons nous améliorer, tout le temps ; oui Gavarnie (au sein d’un territoire touristique très riche - Lourdes, Cauterets, Tourmalet / Pic du Midi …) est un lieu très fréquenté ; oui le village de Gavarnie mérite des améliorations certaines ;
Mais je tiens à rappeler quelques évidences toujours bonnes à avoir en perspective tant elles sont oubliées dans les différentes analyses (souvent trop rapides) que nous pouvons lire actuellement sur ce sujet :
- Et oui en juillet et août il y a du monde ; mince ce sont les grandes vacances, cette année comme les précédentes, mais cela est un fait qui nous dépasse : les pays européens sont organisés comme cela (vacances scolaires concentrées qui entrainent vacances des parents, fermetures d’entreprises…) – on nous parle alors de tourisme de masse du aux congés pour tous…et pourtant… plus d’un français sur deux ne part pas ou ne peut pas partir en vacances. Là est plutôt la véritable interrogation. Et ce n’est pas un phénomène récent mais une véritable interrogation structurelle et de société !
- Et oui il fait meilleur en juillet/août, et oui les jours sont plus longs qu’en septembre ou octobre ; cela n’est pas de notre contrôle non plus et n’est pas près de changer. Juin est un bon mois mais les actifs et les enfants travaillent…
- Et oui la météo (surtout en montagne) influe énormément sur la fréquentation...les réseaux sociaux n’ont pas encore réussi à gérer ces aléas naturels…ne désespérons pas…
- Et oui il est des sites majeurs qui attirent « naturellement » plus que d’autres, mais le tout un chacun n’a-t-il pas le droit de les découvrir à partir du moment où sont respectées un certain nombre de règles permettant de préserver ces sites. Certains les appellent les sites « instagrammables » de par leur attrait visuel, on peut le regretter, mais là aussi ce n’est pas un phénomène local mais plutôt un fait de société et de consommation.
- Et oui, plus il y a de monde, plus il y a de problématiques à gérer mais est-ce pour autant du surtourisme ou de la sur fréquentation ? tout est plutôt question d’organisation, de pédagogie, d’offre et de services…
Le cirque de Gavarnie fait partie du site patrimoine mondial transfrontalier Pyrénées Mont-Perdu pour ses valeurs naturelles et son paysage culturel lié à une activité pastorale transhumante très marquée, il est la porte d’entrée principale du parc national des Pyrénées depuis 1967, site classé et protégé depuis plus de 90 ans, Grand Site Occitanie et en cours de relance d’une Opération Grand Site de France. La question de la gestion des flux y est donc un sujet majeur et ne date absolument pas d’aujourd’hui ou de ce fameux après-covid, les pics de fréquentation y sont connus mais très très limités dans le temps. Gavarnie est un vrai lieu d’excursions, peu de séjour. Il est identifié comme un des lieux « qu’il faut avoir fait » …
Alors comment devons-nous agir ? Nos prédécesseurs ont pris le sujet à bras le corps au début des années 90 (et oui…déjà plus de trente ans…) en instaurant durant les périodes estivales une semi piétonnisation de l’accès au village. Seuls les résidents, les secours, les livreurs et les personnes ayant des réservations dans un logement y ont accès avec leurs moyens de locomotion.
Des parkings ont été aménagés en amont du village et vont d’ailleurs être améliorés à partir de l’année prochaine. Ces parkings sont payants et forfaitaires (7€ pour 24h00 pour les voitures et 10 € pour 24h00 pour les camping-cars, les vans…) et nous assumons totalement cet aspect forfaitaire du paiement. La commune de Gavarnie-Gèdre c’est 330 habitants qui accueillent sur près de 23.000 ha (une des plus grandes de France – à titre de comparaison Toulouse représente 11.800 ha et Paris 10.500 ha…) peu ou prou 800 à 850.000 personnes par an avec toutes les charges que cela induit : personnel, déchets, travaux d’entretiens du coeur urbain et des sentiers (près de 100 kms), équipements pour les activités de loisirs, contraintes sur l’assainissement et l’approvisionnement en eau potable, accès PMR, bornes de recharges électriques…). La raison est simple et claire : un véhicule quelle que soit sa durée de stationnement impose les mêmes contraintes en termes d’entretien, de gestion, de bilan carbone par exemple. C’est cela qui est payant et non pas l’accès au site contrairement à ce qui est écrit sur le post du Petit Pyrénéen, cité dans votre article. L’existence d’un parking privé moins cher au plus haut du village n’a rien à voir avec la commune mais ne simplifie pas il est vrai le message que nous souhaitons faire passer. Il est accessible en dehors des horaires de semi piétonnisation (entre 19h00 et 10h00).
Les places PMR sont situées au coeur du village et sont accessibles tout au long de la journée.
Concernant le prix que nous pratiquons de 7€ par voiture, il suffit de se renseigner un minimum pour vite se rendre compte qu’il est dans la tranche basse des sites majeurs.
Par ailleurs, certes ces parkings sont équipés de 11 horodateurs, mais précisons que 7 agents de parkings sont également présents sur site tout au long de l’été pour réguler les flux vers les places de parkings, aider, renseigner, amener le sourire que les horodateurs n’offrent pas. De plus l’office de tourisme assure un accueil hors les murs très fréquent, facilitant ainsi la prise de renseignements. Nous tenons absolument à maintenir cet aspect « humanisé » à l’accueil de nos lieux de stationnements.
Maintenant une précision très importante : cette organisation a été pensée non pas pour limiter le nombre de personnes sur place, mais pour désengorger le coeur du village des centaines de véhicules quotidiens à cette période précise, pour le rendre plus agréable. Cela a donc été accompagné de travaux importants sur le coeur du village et sachez que la commune va réinvestir fortement dès cet automne dans l’embellissement de ses espaces publics ce au profit de ses habitants en premier lieu et de ses visiteurs. Je le dis très souvent à l’ensemble de nos partenaires institutionnels comme privés : « là où on vit bien, on accueille bien ». Il n’est donc en rien question de gestion du surtourisme dans notre réflexion et notre travail.
Il n’est pas question de nier que durant l’été nous avons, comme ailleurs, une dizaine de jours de forts pics de fréquentation mais il n’est pas envisageable de calibrer nos structures d’accueil pour seulement 10 jours dans l’année…inconcevable en termes de gestion des finances publiques.
Nous sommes également conscients que la qualité de l’accueil et de la visite peuvent être grandement améliorées, ne serait-ce que par le travail sur la réhabilitation des espaces publics, le traitement des enseignes, pré enseignes, publicités qui marquent fortement le paysage urbain, l’amélioration des façades ses bâtiments du village, l’occupation du domaine public, l’amélioration des services de commodité... Toutes ces réflexions sont engagées par la commune et ses partenaires publics et vont dès 2024 donner lieu à des actions concrètes. Tout cela a un coût important que malgré les aides importantes de nos partenaires publics institutionnels, le potentiel fiscal de 330 habitants ne peut pas absorber. Ainsi, une fois les frais de fonctionnement induits par cette fréquentation retirés, la totalité des bénéfices engendrés dans les parkings sont réemployés dans l’investissement sur cette qualité d’accueil, de l’offre et des services proposés.
Autre exemple très concret de notre volonté de gérer ces flux de véhicules, ce qui a été réalisé sur le cirque de Troumouse il y a maintenant 5 ans avec :
- La réglementation de la route d’accès en zone coeur du parc national pour empêcher les voitures d’y avoir accès,
- La mise en place de parkings gratuits 3,5 kms plus bas, d’un parking ayant droit (éleveurs et personnes montant avant 9h00) à 400 mètres du point sommital de la route et d’un système de navette payant.
Une action qui a aujourd’hui fait plus que ses preuves, plébiscitée par nos visiteurs, mais qui là encore n’était pas faite pour gérer du « surtourisme » ou des personnes mais des flux de véhicules au coeur de paysages exceptionnels et en zone coeur du parc national des Pyrénées.
Comme vous le voyez notre approche n’est donc pas la limitation du nombre de personnes sur sites, la capacité d’accueil à la journée étant importante. Nous considérerions cela comme un échec sur des sites aussi vastes. Toutefois nous réfléchissons constamment à l’amélioration de ces conditions de vie et de découverte, aux mobilités du quotidien et à celles de nos visiteurs. Ainsi, dans le cadre d’un appel à projet national, dont nous avons été lauréat, va être lancée une étude sur les mobilités à Gavarnie-Gèdre (mesure précise de ces mobilités, pistes d’actions concrètes sur les mobilités intra villageoises et d’accès aux sites d’altitude, expérimentation)
Nous avons plutôt très clairement une approche de préservation du paysage naturel et urbain, du patrimoine matériel et immatériel en « traitant » les moyens d’accès et les offres d’accueil et non pas la fréquentation.
Cela est totalement différent !
Il peut parfois y avoir des petits conflits d’usage entre nos visiteurs (une faible minorité n’ayant pas les codes de la montagne et de ses pratiques) et l’activité pastorale en particulier, mais cela reste assez marginal. La pression touristique existe mais n’est pas à un point d’alerte sur notre territoire.
Notre objectif est de trouver en toute saison le bon équilibre entre préservation des ressources, des espaces, des paysages, du patrimoine, des pratiques locales, de l’économie, de faciliter un accès le plus lisible possible à nos paysages et points de vue exceptionnels ; nos paysages comme le démontre magistralement l’inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO appartiennent à tous, il n’est donc pas question d’en limiter l’accès à qui que ce soit. Ainsi le village de Gavarnie est accessible librement avant 10h00 et après 19h00 ; à Troumouse la navette n’est pas obligatoire pour accéder au site, un sentier ayant été ouvert depuis le parking pour 1 heure de marche…dans les 2 cas les accès PMR sont préservés grâce à des dérogations."
Huguette Savoie
Maire de Gavarnie-Gèdre

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