Rebondissement dans l'affaire du maire d'Agde qui entendait des voix et de la "voyante". Après leur placement en détention provisoire, c'était il y a 10 jours, trois nouvelles gardes à vue ont eu lieu. Les enquêteurs ont entendu deux cadres de la société Eiffage et un chef d'entreprise de l'Aude. Ils sont soupçonnés d'avoir participé au financement illégal de travaux chez la "voyante" mise en examen pour escroquerie.
Trois nouvelles auditions, ces derniers jours, dans l'affaire de corruption et d'escroquerie du maire d'Agde et de la "voyante", ont conduit à des mises en examen et un placement en détention provisoire ce week-end.
L'enquête, commencée il y a plusieurs mois, porte sur des infractions ou délits présumés estimés à plusieurs dizaines de milliers d'euros, notamment au préjudice de la municipalité d'Agde.
Trois hommes en garde à vue à Montpellier
Dans la période du 27 au 29 mars 2024, sous l'autorité du magistrat instructeur, les enquêteurs de la brigade financière du service interdépartemental de la police judiciaire de Montpellier ont placé successivement en garde à vue un chef d'entreprise de l’Aude puis deux cadres importants de la société de BTP Eiffage.
Samedi 30 mars, au terme de leur garde à vue, le magistrat instructeur a ordonné que lui soient présentés les deux cadres d'Eiffage.
Ils ont été mis en examen des chefs d'abus de confiance, de faux et d’usage de faux. L’un d’eux a été également mis en examen du chef de corruption active et son subordonné du chef de complicité de corruption.
Raphaël Balland, procureur de la République de Béziers.Communiqué de presse du 30 mars 2024 au soir.
Un cadre important du BTP en détention provisoire
Toujours samedi, dans la soirée, conformément aux réquisitions du parquet de Béziers et à la demande du magistrat instructeur, le premier était placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention.
Son subordonné était placé sous contrôle judiciaire avec notamment les interdictions de se rendre dans les locaux de la société Eiffage, d’exercer une activité de direction d’une société ou d’une agence d’une société, et de rentrer en contact avec plusieurs personnes en lien avec la procédure en cours.
"Ils sont, tous les deux, soupçonnés d'avoir participé au financement occulte de travaux effectués au domicile de la femme mise en examen et placée en détention provisoire le 21 mars 2024", explique le procureur de la République de Béziers.
Et il précise dans son communiqué : "Les personnes mises en examen bénéficient toujours à ce stade de la présomption d'innocence. Les investigations se poursuivent sous l'autorité du magistrat instructeur".
Une affaire surnaturelle et rocambolesque
Gilles d'Ettore, maire LR d'Agde depuis 2001, une des plus grandes stations balnéaires d'Europe, est soupçonné d'avoir utilisé des fonds publics au bénéfice de proches, notamment une amie "voyante".
"Ce sont des accusations qu’il conteste", dit son avocat Me Darrigade. Le maire recevait des instructions d'une "voix", explique le procureur, et "cette femme, qu’il considérait comme sa fille, était douée de pouvoirs surnaturels.".
Parmi les bénéficiaires présumés de l'argent détourné, la voyante et son mari. Au cours de sa garde à vue, celle-ci a reconnu avoir utilisé "un stratagème consistant à modifier sa voix auprès de nombreux interlocuteurs, y compris les membres de sa famille et ses proches amis", détaille le parquet. En utilisant au téléphone cette voix d'apparence masculine, posée et rauque, elle réussissait à leur faire croire qu'ils étaient en conversation avec un être surnaturel provenant de l'au-delà.
Le maire d'Agde était devenu l'un des plus proches amis de la voyante depuis leur rencontre en mai 2020.
Par sa ruse, elle a convaincu l'édile de recruter cinq personnes membres de sa famille ou de son proche entourage amical, dont son propre mari en qualité de directeur technique de la mairie.
Des mises en examen et des suspects en détention provisoire
Le 21 mars 2024, après 48 heures de garde à vue, le maire d'Agde, la voyante et son mari étaient présentés au magistrat instructeur qui décidait de les mettre en examen des chefs suivants :
- pour la femme : escroqueries, recel de détournements de fonds par une personne dépositaire de l'autorité publique, recel de corruption, et travail dissimulé
- pour le maire : détournements de fonds par une personne dépositaire de l'autorité publique, prises illégales d'intérêts et corruption
- pour le mari de la femme : recel de prise illégale d'intérêts, recel de détournements de fonds par une personne dépositaire de l'autorité publique, recel de corruption.
La femme et le maire étaient placés en détention provisoire dans la soirée par le juge des libertés et de la détention à la demande du magistrat instructeur et du parquet. Selon la décision, "il s'agissait de préserver les investigations à venir en empêchant toute pression sur les témoins et les autres personnes mises en cause, et pour éviter toute réitération des faits".
Le mari de la voyante était placé sous contrôle judiciaire avec notamment les interdictions d’exercer sa fonction de directeur des services techniques et d'entrer en contact avec une longue liste de protagonistes de la procédure.