Naufrage mortel d'un navire de pêche au large d'Agde : le capitaine sera jugé pour homicides involontaires, escroquerie et travail dissimulé

Le 30 novembre 2020, un bateau de pêche faisait naufrage au large d'Agde avec à son bord deux marins-pêcheurs. Ils étaient morts noyés. Le propriétaire du bateau sera jugé en novembre.

A l'issue de très nombreuses investigations diligentées sous l'autorité du parquet de Béziers par les militaires de la gendarmerie de la brigade de surveillance du littoral de Port la Nouvelle et de la brigade de recherche maritime de la compagnie de gendarmerie maritime de Marseille, portant sur le naufrage mortel du navire de pêche Romain Luca, le 30 novembre 2020 au large d'Agde, le propriétaire et capitaine du navire, un homme de 61 ans domicilié à Agde, a été placé en garde à vue le 29 juin 2022 puis présenté au parquet de Béziers le 30 juin 2022. Il a été ensuite placé sous contrôle judiciaire par le juge des libertés et de la détention dans l'attente de son procès qui se tiendra devant le tribunal correctionnel de Béziers le 28 novembre 2022 à 14 heures. Il devra répondre d'homicide involontaire, d'exécution de travail dissimulé et d'escroquerie. Il a été placé sous contrôle judiciaire.

Homicides involontaires

Le capitaine du navire sera jugé pour deux homicides involontaires dans la nuit du 29 au 30 novembre 2020 au préjudice de ses deux marins-pêcheurs, par la violation manifestement délibérée d'obligations de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail. Il encourt 5 ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende, en l'espèce notamment :

  • en s'abstenant de donner des informations à la sécurité à bord du navire et en n'ayant dispensé aucune formation à la sécurité, en violation du code du travail ;
  • en n'ayant pas ordonné, dès le départ du port, à ses marins-pêcheurs de revêtir leur vêtement de travail à flottabilité intégrée (VFI) alors qu’ils étaient en action de travail de nuit ;
  • en ne réalisant aucun exercice sur la mise à l'eau du radeau de sauvetage en cas d'abandon du navire ;
  • en n'ayant pas disposé le radeau de sauvetage dans des conditions permettant son emploi ;
  • en commettant des fautes d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer en l'espèce en embarquant sur le ROMAIN LUCA à trois marins alors que le permis de navigation n'en autorisait que deux, en allant naviguer avec un bateau de la quatrième catégorie au-delà de la zone autorisée des cinq milles, en s'abstenant d'alerter les secours alors que les circonstances le commandaient, et alors qu'il ordonnait l'abandon du navire, en ne demandant pas à ses marins-pêcheurs de revêtir un VFI, et en ne mettant pas à l'eau le radeau de sauvetage.

Exécution d'un travail dissimulé

Le deuxième délit reproché au capitaine du bateau : l' exécution d'un travail dissimulé entre le 1er juin 2016 et le 29 novembre 2020, en employant illégalement sur cette période le plus jeune marin pêcheur décédé. Il encourt trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende.

Escroquerie

Il sera jugé pour escroquerie pour avoir fait une fausse déclaration d'assurance qui lui avait versé à une indemnité de 80 000 € après que son navire avait soi-disant sombré dans la zone des cinq milles (peine encourue : cinq ans d'emprisonnement et 375 000 € d'amende)

Le capitaine conteste les accusations

Le capitaine du navire conteste avoir commis l'escroquerie en affirmant qu'il aurait tout de même été indemnisé même s'il avait déclaré que le naufrage avait eu lieu au-delà des cinq milles. Il conteste également plusieurs des fautes retenues par le parquet comme ayant causé les homicides involontaires, en affirmant notamment qu'il n'avait pas eu le temps d'utiliser les équipements de secours (gilets et radeau de sauvetage) en raison de la gite trop importante du navire et qu'il avait ensuite tout tenté pour porter assistance à ses deux jeunes marins-pêcheurs, en vain.

200 000 euros saisis

Dans l'attente de la décision du tribunal en vue d'une éventuelle confiscation, 105 580 € ont été saisi à la demande du parquet et sur autorisation du juge des libertés de la détention: 80 000 € sur le plan épargne logement du capitaine du navire et 25 580 € retrouvés en espèces dans un coffre lors de la perquisition à son domicile effectuée par les gendarmes le 18 février 2021.

Les enquêtes

Selon le parquet de Béziers et les enquêteurs, les investigations et expertises judiciaires intégrant également les investigations techniques du BEA mer ont permis notamment d'établir les éléments suivants :

  • les autopsies des deux frères marins-pêcheurs privilégient l'hypothèse de décès par noyade ;
  • l’épave du Romain Luca a été retrouvée à 8,7 milles du Cap d'Agde après avoir déclenché pour la première fois sa balise de détresse à dix milles du Cap d'Agde, alors que ce navire ne devait pas réglementairement dépasser les cinq milles ;
  • le permis de navigation n'autorisait que deux personnes à bord ;
  • l'un des deux frères marins-pêcheurs décédés travaillait illégalement à bord sans être déclaré, ni même titulaire d’aucun brevet professionnel ;
  • l'envoi de robots sous-marins le 26 mai 2021, dans le cadre d'une collaboration parquet de Béziers/BEA mer, puis le renflouement du navire le 19 janvier 2022 au port de la criée du Grau-d’Agde après avoir été accidentellement crocheté par un autre chalutier, permettent à l'expert judiciaire et au BEA mer de privilégier l'hypothèse d'une déconnexion d'un flexible d'évacuation de l'eau sur le pont du navire comme étant à l'origine de son enfoncement par l'arrière, puis de son chavirage dans une eau à 16° et une mer agitée ;
  • les règles de sécurité n'avaient pas été respectées par le capitaine avec notamment l'absence de formation et d'utilisation du matériel de secours.

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