Emma Bezzina, en seconde au lycée Jules Guesde de Montpellier, vient de remporter, avec deux autres lycéens de Paris et de la Drôme, le concours d'écriture "Penser l'autre". Au total, 3000 jeunes ont participé, dans toute la France à ce concours de nouvelles présidé par Lilian Thuram.
Le concours a été lancé dans le cadre du festival "Etonnants voyageurs" et c'est pendant ce festival, le week-end prochain que seront récompensés les 3 lauréats à Saint Malo. C'est Lilian Thuram, l'ex-champion du monde, qui a monté une fondation pour l'Éducation contre le racisme, qui leur remettra leur prix car c'est lui qui a présidé le concours en proposant de réfléchir sur le thème "Penser l'autre". Lilian Thuram avait écrit deux incipits pour inspirer les écrivains en herbe. Agés de 11 à 18 ans. Ils ont envoyé 3 000 nouvelles, venues de 30 académies.
Emma Bezzina, lauréate pour sa fable animalière moyennageuse
Elle est élève de seconde au lycée Jules Guesde de Montpellier. Emma Bezzina a choisi, dans sa nouvelle intitulée La soue, de remonter le temps. Nous sommes dans la nuit du 15 décembre 1256, en province de Rouergue, au royaume de France. Une histoire de porcs venus de loin, et différents des cochons traditionnels de la ferme...
Un concours d'une grande exigence
Avec Lalie Gabriac et Alexandre Meyer, les deux autres lauréats de Paris et de la Drôme, Emma Bezzina a été choisie pour recevoir son prix des mains de Lilian Thuram à Saint-Malo et participer à un atelier d’écriture durant le festival.
Les débats entre les membres du jury, réuni courant avril, ont montré leur exigence vis-à-vis des nouvelles envoyées. Parmi eux, des membres de l'Éducation Nationale, des éditeurs mais aussi l'écrivain Yahia Belaskri.
Les 15 meilleures nouvelles, avec celle d'Emma Bezzina en bonne place, seront publiées dans un recueil imprimé à 15 000 exemplaires.
Lilian Thuram "bluffé" par la nouvelle d'Emma
Interrogé ce vendredi matin sur France Inter, le président du concours, Lilian Thuram, n'a pas caché son admiration pour les écrivains en herbe: "J'ai été bluffé par la qualité d'écriture des enfants de 5e , 4e ou Terminale. Parler, et écrire aussi bien sur le thème du regard sur l'autre, c'était important dans notre actualité. Ils ont beaucoup écrit sur la question des migrants, et cela prouve bien à quel point ils se questionnent sur l'égalité. On a essayé au mieux de trouver l'équilibre entre le témoignage et la qualité des récits. Moi j'ai essayé de rester dans le rôle du lecteur, pour voir les récits qui me procuraient le plus d'émotion et de réflexion. Ces enfants ont plein de qualités et les gagnants sont vraiment incroyables.
Dans le texte qui s'appelle La Soue, explique Lilian Thuram, il est question de cochons dans une ferme pour raconter la difficulté que nous avons nous-mêmes à nous percevoir égaux par rapport aux autres. Cette métaphore montre l'intelligence d'une toute jeune fille et sa finesse de perception. Cela raconte aussi l'impossiblité de l'existence individuelle. L'histoire du racisme, c'est cela, ceux que l'on méprise ne sont pas vus comme individus mais comme groupe. L'auteure a compris intuitivement ce mécanisme de construction des "nous" et des "eux" qui fondent l'idée du racisme. Et lorsqu'on accepte cette construction, on voit les gens par des critères identitaires, par la religion, la sexualité, la couleur de peau, etc.