Les juges des tribunaux de commerce sont en grève ce lundi contre une disposition de la Loi Marcon qui prévoit que les contentieux des grandes entreprises soient réservés à certains tribunaux. Aucun tribunal n'est labellisé dans la région. Encore une compétence donnée à Toulouse.
Les juges des tribunaux de commerce estiment avoir été "traités avec dédain et arrogance" par Bercy au sujet d'une disposition de la loi Macron. Ils ont décidé de stopper toute activité juridictionnelle à partir de ce lundi 11 mai.
Cette disposition de la Loi Marcon prévoit que les contentieux des grandes entreprises soient réservés à des tribunaux de commerce spécialisés (TCS). Les juges s'inquiètent notamment de l'impact de cette réforme sur la "justice de proximité".
En Languedoc-Roussillon, aucun tribunal n'est labellisé. Cette compétence est aussi donnée à Toulouse. Pour rappel, le préfet de la région Midi-Pyrénées a été chargé de la fusion Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées. La rectrice et la directrice de l'ARS sont eux aussi Toulousains.
Plus de 98% des tribunaux ont suspendu leurs audiences aujourd'hui", soit "près de 130 tribunaux de commerce sur 135", a assuré Yves Lelièvre, président de la CJCF. "Au total, ce sont plus de 3.000 juges qui sont en arrêt total d'activité."
"On en a ras-le-bol", a résumé lors d'un point-presse Yves Lelièvre, président de la Conférence générale des juges consulaires de France, qui estime que cette action est "la seule manière de se faire entendre" face aux "décisions technocratiques" prises par Bercy.
Les juges consulaires s'opposent à une disposition de la loi sur la croissance et l'activité ou loi Macron, qui crée des juridictions "spécialisées" "pour les plus grandes entreprises en difficulté", dans un soucis de rapidité et d'efficacité.
Ces seuils doivent être déterminés par décrets, mais le gouvernement envisage de les fixer à 150 employés et 20 millions d'euros de chiffre d'affaires, des bornes que la Conférence juge trop basses et qui priveraient les entreprises moyennes d'une "approche de proximité plus adaptée à leurs besoins."
Le Sénat a validé, mercredi dernier, la création des très controversés tribunaux de commerce spécialisés (TCS) dans le cadre de l'examen du projet de loi Macron, mais en proposant, contre l'avis du gouvernement, que leur compétence ne soit automatique que pour les entreprises de plus de 250 salariés.
Les patrons d'entreprises de plus de 150 salariés en difficulté devront ainsi faire "200 ou 300 kilomètres" pour se rendre dans l'un des huit tribunaux spécialisés, argue M. Lelièvre, et les procédures de prévention ne pourront plus être menées au niveau local pour ces entreprises.
La Conférence générale des juges consulaires de France demande :
- l'insertion dans la loi Macron d'une référence à la classification des entreprises de la loi de modernisation de l'économie (LME) de 2008, soit un seuil de 250 salariés
- que le nombre de tribunaux spécialisés soit fixé à 15 et non 8
- l'assurance que la prévention sera maintenue au niveau local pour ces entreprises
Les tribunaux de commerce avaient déjà protesté en décembre notamment contre cette mesure au cours d'un mouvement de quatre jours, avant finalement de le suspendre. Le ministère de l'Economie n'a pas réagi dans l'immédiat. Les juges consulaires sont des chefs d'entreprises, dirigeants ou cadres supérieurs élus pour deux ou quatre ans par leurs pairs, et travaillent bénévolement pour les tribunaux de commerce.
Reportage à Montpellier.
E. Jubineau et J. Mörch