Le professeur Henri Joyeux, professeur honoraire de la Faculté de Médecine de Montpellier, est impliqué dans ce que l'Agence du Médicament appelle un "essai clinique sauvage" sur au moins 350 malades d'Alzheimer ou de Parkinson. Les faits se sont déroulés dans une abbaye proche de Poitiers (Vienne).
Au moins 350 patient atteints de maladie d'Alzheimer ou de Parkinson auraient participé à ce que l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé appelle "un essai clinique sauvage" sous l'égide du professeur honoraire de la Faculte de Médecine de Montpellier Henri Joyeux, déjà décrié pour ses prises de position radicalement anti-vaccins. Les faits se seraient déroulés au sein de l'abbaye de Sainte-Croix, près de Poitiers (Vienne).
Des molécules proches de la mélatonine inoculées par patchs
La durée de cet essai est pour l'instant indéterminée. On sait que les malades séjournaient à l'abbaye, parfois une seul nuit, et consistait en l'application de patchs contenant deux molécules : la valentonine le 6-méthoxy-harmalan, proches de la mélatonine et développées par le biologiste Jean-Bernard Fourtillan, à la tête d'un laboratoire à Poitiers et qui, lui, n'est pas médecin.
Des effets inconnus
Sur le site internet du Fonds Josefa, créée pour faire la promotion de ces traitements, les deux scientifiques présentent ces molécules et leur application en patchs comme une "découverte essentielle" dans le traitement de plusieurs maladies neurologiques (Parkinson, Alzheimer, et troubles du sommeil notamment).
L'ANSM dénonce du "charlatanisme"
Les patients étaient ensuite soumis à des prises de sang pour analyses. C'est lors d'un contrôle, début septembre 2019, dans le laboratoire où ces prélèvements étaient traités que l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) a découvert l'expérimentation. Bernard Celli, le directeur de l'ANSM, a précisé à nos confrères de l'Agence France Presse (AFP) :
On est aux confins du charlatanisme. La confiance de ces patients a été abusée. La qualité, les effets et la tolérance de ces substances ne sont pas connus. Un risque pour la santé des participants ne peut être exclu.
La ministre de la Santé, "horrifiée", promet des sanctions
Dès jeudi soir, interrogée sur France Inter lors de l'émission Le Téléphone Sonne, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, est allée plus loin :
Je suis effondrée, horriffiée ! Il y aura des sanctions et des poursuites. La loi sur les essais cliniques en France est très claire : les Français qui rentrent dans un essai clinique ont toutes les informations nécessaires, la régulation est très stricte. Que des professeurs de santé, si on peut encore les appeler comme ça, se permettent de faire des essais cliniques sans la régulation nationale, je pense que c'est une faute lourde, grave et nous verrons quelles sanctions peuvent être prises.
L'ironique réaction d'Henri Joyeux
Interrogé à notre micro à sa descente du TGV en gare de Perpignan ce 20 septembre 2019, le professeur Henri Joyeux a préféré ironiser sur la réaction de la ministre :
Je suis inquiet, car Mme la ministre est "effondrée", elle perd son sang froid, il va falloir la réanimer ! Quel est le problème ? Il s'agit d'une étude scientifique qui n'est pas du tout un essai clinique.
La justice saisie
L'ANSM a d'ores et déjà interdit l'essai et saisi le pôle Santé du Parquet de Paris. Elle demande aux participants de ne plus utiliser ces patchs et de consulter rapidement leur médecin traitement pour un bilan complet. C'est le professeur Philippe Damier qui a lancé l'alerte il y a 5 mois après avoir entendu parler de cette expérimentation.
France Parkinson sonne l'alerte
Le neurologue, également président du comité scientifique de France Parkinson, l'avait même signalé sur le site internet de l'association. Philippe Damier est d'autant plus inquiet que selon lui, les participants devaient promettre de ne rien dire à leurs médecins et d'arrêter leurs traitements, ce qui peut engendrer des effets graves sur leur santé.
"Pas un essai clinique" selon Henri Joyeux
De son côté, le professeur Henri Joyeux a réagi en affirmant que ce qui était pratiqué au sein de l'abbaye de Saint-Croix n'avait "rien à voir avec un essai clinique" :
C'est une étude scientifique. [...] Elle a été faite sur des gens fortement intéressés par ce sujet. On n'a pas fait de recrutement. [...] Il y a des gens qui ont contacté le professeur Fourtillan.
Sur la chaîne You Tube du Fonds Josefa, où plusieurs vidéos font l'apologie des molécules étudiées par Jean-Bernard Fourtillan, les commentaires ont été désactivés.
Relents religieux ?
L'une de ces vidéos porte un titre peu scientifique, aux relents religieux : "Le système Veille-Sommeil dans la Création". Le commentaire qui l'accompagne incite toujours à financer ces recherches, via des achats de produits dérivés ou des dons. Voici ce qui est écrit :
Merci pour vos dons, les achats du livre et de la brochure [...] et vos encouragements. Ils vont nous aider à financer, de manière indépendante, la mise au point des formes galéniques des patchs, afin de les mettre à la disposition des patients, le plus rapidement possible. Vous serez régulièrement tenus au courant de la situation en consultant le site du Fonds Josefa.
L'œuvre du Sacré Cœur bien représentée au conseil d'administration du Fonds Josefa
Le conseil d'administration de ce fonds, présidé par Jean-Bernard et Marianne Fourtillan et co-présidé par le professeur Henri Joyeux, est aussi composé, notamment, de Bernard Lemaître, président d'un organisme financier baptisé "Insitution financière de la Seigneurie", de Christian Auclair, président de l'œuvre du Sacré Cœur et de Sœur Marie-Guyonne de Penhoat, présentée comme "conseillère spirituelle" et également responsable de l'œuvre du Sacré Coeur.
Henri Joyeux, de la radiation à la réhabilitation, mais toujours polémique
Le professeur Henri Joyeux est né et a effectué toute sa carrière à Montpellier. Cancérologue et spécialiste de chirurgie digestive renommé du temps où il exerçait, il a depuis pris des positions radicalement anti-vaccin qui ont conduit à sa radiation du Conseil Régional de l'Ordre des Médecins, avant sa réintégration, en appel en 2018, "au nom de la liberté d'expression". Il est aujourd'hui retraité mais continue à militer pour des thérapies alternatives et contestées.
Il est aussi l'ancien président de la très conservative confédérations "Familles de France" et ses positions personnelles sur la famille, la sexualité, l'homosexualité, ont fait l'objet de polémiques.