Les paysages du sud de la France risquent de se transformer en steppes d'ici 2070, à cause des canicules à répétition, annonce Serge Zaka. L'agrométéorologue affirme que certaines espèces d’arbres méditerranéens vont progressivement disparaître d'Occitanie, d’ici 2070. En revanche, la vigne elle, devrait résister !
Depuis quelques jours, l'Occitanie connaît une quatrième vague de chaleur estivale. La première alerte canicule a été donnée le 26 juin avec des températures au-dessus de 33° dans l’Hérault, le Gard et les Pyrénées Orientales. Juillet a été marqué par une deuxième vague brûlante qui a duré 12 jours d’affilée dans les Pyrénées-Orientales. En août, 15 jours de canicule avec des records de chaleurs à Carcassonne où le mercure a passé la barre des 43°.
Le lundi 4 septembre 2023, jour de la rentrée scolaire, fut la journée la plus chaude jamais enregistrée pour un mois de septembre selon les relevés de Météo France.
Cet été 2023 fait partie des plus chauds jamais enregistrés dans la région et les conséquences pour l'environnement sont des plus inquiétantes avec un fort stress hydrique et de gros risques d’incendies.
Un paysage de steppe dans 50 ans
Ce phénomène intense, lié au changement climatique, va considérablement modifier nos paysages, selon Serge Zaka.
Invité du journal régional de France 3 Occitanie mercredi 6 septembre 2023, l'agrométéorologue montpelliérain a expliqué que "la biogéographie, l’aire de répartition des espèces", va connaître de profonds changements :
Le plus flagrant, que l’on va observer d’ici 2070, c’est la remontée de la garrigue vers Lyon et vers Bordeaux : les cigales, le romarin, le thym, le chêne vert méditerranéen pourraient remonter la vallée du Rhône. Et dans notre région, la biogéographie va ressembler plutôt à des steppes qu’on observe du côté de l’Andalousie.
Serge Zaka, agrométéorologue de Montpellier
"Certaines espèces d’arbres, comme le hêtre, vont disparaître complètement du sud de la France. Le chêne vert méditerranéen, lui va progressivement disparaître d’ici 2070" explique ce passionné de la nature.
À Perpignan par exemple, l’ampleur des dégâts est déjà impressionnante : comme en atteste un reportage de nos confrères de France 3 Pays catalan, dans les espaces publics de la ville, la plupart des pelouses ont grillé, après de longs mois sans arrosage.
Les arbres sont en piteux état, nombre d'entre eux semblent avoir séché sur pied. Selon Catherine Dault, la directrice de la nature et les cultures urbaines, "ils n’ont plus eu l’apport d'eau régulier à cause de la fin de l’arrosage, la moitié des arbres dans les parcs urbains a énormément souffert".
En temps normal, la mortalité des arbres est estimée de 2 à 5 %. En 2023, elle pourrait dépasser les 10%, car ces deux derniers étés, la chaleur et la sécheresse ont été particulièrement intenses à Perpignan.
La vigne va résister mais le vin va changer
Du côté de l’agriculture, Serge Zaka prévoit aussi d'importants bouleversements : "Pour les abricots, la variété rouge du Roussillon pourra être cultivée dans la vallée du Rhône, et même jusqu’à Bordeaux d’ici 2070, donc elle sera plus vraiment du Roussillon. La variété Colorado, elle va plutôt s’étendre dans les Pyrénées-Orientales".
En revanche, la vigne devrait parvenir à s'adapter et l'on boira toujours du vin de la région dans un demi-siècle !
La vigne, c’est l’espèce la plus résistante aux canicules et aux sécheresses. En France, il y aura une évolution du goût et du degré d’alcool. Les cépages italiens, grecs et espagnols vont arriver dans la région. On aura toujours du vin, mais il n’aura pas le même goût en 2070.
Serge Zaka
Une des preuves de ce changement climatique selon ce climatologue, c'est d'ailleurs l'évolution des dates des vendanges : elles ont avancé de 20 jours dans la région Occitanie, depuis ces 70 dernières années.
Des épisodes cévenols plus violents ?
Plus de chaleur en été, donc plus de déluge en automne ?
"Pas forcément", répond Serge Zaka : "Certes, avec un été plus chaud, la mer monte en température et il y a plus d’énergie pour provoquer des précipitations plus intenses, mais encore faut-il qu'il y ait une dépression pour déclencher les orages".
On a gagné à peu près 20 % de pluie sur les épisodes cévenols dans la région depuis 1950, mais il faut qu'une dépression vienne se positionner sur la péninsule Ibérique pour les mettre en route. Pour le moment, les facteurs sont présents mais il n’y a pas l’élément déclencheur.
Serge Zaka
Le pire n'est pas sûr
Tout cela n'empêche pas le climatologue au chapeau de conclure sur une note optimiste, car selon lui nous n'avons pas encore atteint "un climat de non-retour", même si nous sommes sur une mauvaise pente : "Il n'est trop tard pour réagir, bien au contraire ! Tous les efforts que nous allons faire maintenant pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, en agriculture, dans la consommation, les logements ou encore dans le transport, on en verra les effets à partir de 2050. Seulement, c’est dès maintenant qu’il faut les réduire les gaz à effet de serre, il ne faut pas que cela empire."