Déconfinement : les circuits courts en perte de vitesse

La crise sanitaire a fait émerger de nouveaux modes de consommation. Pour répondre à la fermeture des marchés et aux clients en recherche de produits locaux et bio, les producteurs ont ouvert des drive fermiers. Mais depuis le déconfinement les acheteurs retournent vers les grandes surfaces.
 

Chaque vendredi, depuis le 1er mai, c’est jour de distribution à Gignac dans l’Hérault. Au bord de l’A75, dans la ferme oléicole du Mas Palat transformée en base arrière, les producteurs s’activent pour remplir les cagettes pour répondre aux commandes des clients. Des fruits, des légumes bien évidemment, mais aussi des viennoiseries, des huîtres, du fromage ou encore du vin. Une trentaine de producteurs du Nord de l’Hérault et de l’Aveyron s'est regroupé pour proposer aux clients un panier complet. L’improvisation des premiers temps a laissé place à une organisation mieux rodée. Mais aujourd’hui, seulement 19 colis en préparation au lieu de 55 pendant la crise !
 



Pourtant, ceux qui ont fait le déplacement sont convaincus du bien fondé de ce concept. « C’est une manière simple de récupérer ses courses et surtout ce sont de bons produits locaux » lance une habitante de St Jean-de- Fos à 15 mn de là. Tandis qu’une voisine raconte qu’elle aussi allait avant au supermarché, elle a abandonné les grandes surfaces pour contribuer à ce projet.

Un contexte différent


C’est le 15 avril que Magali Dorques, agricultrice à Villeveyrac, Sébastien et Alexandre Mora, producteur d’olives, Guillaume Camplo, éleveur de bovins au Caylar et Loïc Bénézech, viticulteur à St Privat ont l’idée de monter cet agridrive. Alors que les fruits et légumes devaient bientôt être récoltés et que les producteurs de lait jettaient déjà leur production, il y avait urgence. 

« Nous avions perdu tous nos marchés de plein air à cause de la crise. Alors on s’est dit qu’il fallait trouver une solution. Nous avons trouvé ce lieu, mais cela n’a pas été simple car il a fallu coordonner 30 agriculteurs sur les livraisons et prendre la main sur un logiciel. C’est toute une organisation qu’il a fallu mettre en place »

Magali Dorques, agricultrice à Villeveyrac

Et en plein confinement cela fonctionne. Les clients sont solidaires. Ce drive répond alors à un besoin réel. Virginie, qui fabrique du pain et des viennoiseries dans l’Aveyron travaille en circuit court depuis 2008 et voit beaucoup d’avantages à la vente directe. « Le système de drive nous sécurise. Tout ce que nous produisons est vendu. C’est un débouché important pour nous » explique-t-elle.

Repenser le modèle



Mais le déconfinement est passé par là. 

« Les clients ont repris leurs vieilles habitudes et retrounent dans les supermarchés. On espère pouvoir maintenir ce drive, mais on ne peut pas continuer sur cette pente. On communique beaucoup et on réfléchit à un nouveau lieu de vente où les gens pourraient voir les produits et rencontrer les producteurs. Sur notre site, nous mettons chaque jour en avant l’histoire d’une ferme : les gens ont besoin du contact avec le produit et son producteur ».

Magali Dorques

S’adapter encore. Un magasin de producteurs devrait voir le jour en novembre.

Les précurseurs des circuits courts


A Villeveyrac, Magali Dorques et son mari possèdent une dizaine d’hectares. Ils y cultivent des fruits et légumes bio depuis la naissance de leur petit garçon en 2004. Issus d’une famille de vigneron conventionnel, ils ont rompu avec avec la tradition et se convertissent mêmeau bio. « Une femme qui s’installe en Agriculture Biologique, c’était compliqué pour Villeveyrac. Mais aujourd’hui, il y a 4 exploitations agricoles en bio et nous avons même des partenariats avec des producteurs conventionnels pour faire évoluer les choses » raconte Magali.
 


Et ce sont d’abord sur les marchés que les Dorques vont écouler leur production jusqu’à une rencontre étonnante. Un groupe de consommateurs de Poussan leur propose d’acheter leur production sous forme de paniers entiers. Ils veulent s’engager sur un an. « Cela nous a paru incroyable. Cela ne correspondait pas à ce qu’on rencontrait sur les marchés. » Ils créent alors une AMAP ( Association Pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne ), un système de production qui n'est plus soumis au sacro-saint prix du marché. « En un an, le groupe s’est étoffé et nous avions plus de 100 familles. Toute notre production était vendue » s’enthousiasme Magali. 

De l’Amap au distributeur


Aujourd’hui, les Dorques vendent toujours en Amap, mais ont repris les marchés. « L’Amap est un peu passée de mode et il a fallu relancer notre circuit de commercialisation. » Alors un ami producteur audois leur souffle une idée : un distributeur automatique. Ils seront les 2ème en France à choisir ce système alternatif. « Nous pouvons vendre en toute liberté, sans être présent à la ferme. Et les clients peuvent venir quand ils le souhaitent » ajoute Magali.

La tentation des grandes surfaces


La crise sanitaire a-t-elle amorcé un changement de comportement vers une agriculture plus saine, plus durable et plus juste ? Magali en doute. Elle déplore le comportement des grandes surfaces.

« Ils font de la pub autour du lien direct avec l’agriculteur, mais il est beaucoup plus commercial que réel. Il suffit de voir à quel prix ils achètent les courgettes et les concombres bio en surproduction cette année. C’est 40 centimes de moins que l’an dernier ! »

Alors Magali espère que les clients reprendront le chemin des circuits courts, dans le monde « d’après ».
 
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