Enseignant décapité : comment lutter contre les rumeurs et la montée de la haine sur les réseaux sociaux ?

Avant sa mort, Samuel Paty avait montré des caricatures de Mahomet pendant un cours. Choqués, des internautes avaient à l'époque exprimé leur indignation sur Internet. Deux spécialistes montpelliérains décryptent le rôle joué par les réseaux sociaux dans les phénomènes de société.

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Samuel Paty était devenu une cible sur les réseaux sociaux : en octobre dernier, le professeur d'histoire-géographie avait montré à ses élèves les caricatures de Charlie Hebdo, dans le cadre d'un cours sur la liberté d'expression. Ses motivations pédagogiques avaient été incomprises de certains. Des internautes, dont des parents d'élèves, avaient alors fait part de leur indignation sur la toile.  

"Les insultes et menaces ont fusé. Il était traité de 'pédophile', de 'pervers'. Certains disaient : 'il faut le virer, il faut le buter'. C'était terrible", a confié une mère de famille au micro de LCI au lendemain de l'attentat. 

Pour Michel Moatti, maître de conférences en sociologie des médias à la faculté Paul Valéry de Montpellier, il est encore trop tôt pour désigner les réseaux sociaux comme les responsables de l'assassinat du professeur francilien.

Il faut être très prudent et ne pas commencer à montrer trop vite du doigt des coupables. Mais les réseaux sociaux ont une responsabilité indiscutable dans ce qu'il s'est passé. Ils ont contribué à la montée en puissance d'un discours de haine à l'égard de Samuel Paty.

"La théorie du complot a une place très forte"

Le cas de Samuel Paty n'est pas isolé. Les réseaux sociaux peuvent devenir des exutoires pour certains internautes qui, noyés dans la masse, n'hésitent plus à afficher publiquement leurs opinions et à partager des (fausses) nouvelles, lorsqu'ils se sentent touchés.

"Avant, le seul son de cloche, c'était les médias : ils étaient là pour donner une sorte de lecture officielle de l'actualité", décrypte Michel Moatti. "Mais depuis la démocratisation des réseaux sociaux, les internautes se disent qu'ils peuvent accéder à des informations plus vraies, plus libres, moins biaisées : ils ont l'impression, parfois à tort, de se faire une idée plus juste du monde."

Selon lui, cette théorie se vérifie particulièrement auprès des jeunes générations, à la recherche de "leur propre vérité". 

Un avis que partage Dominique Antoni, journaliste et vice-président du Club de la presse Occitanie. Après les attentats de Charlie Hebdo, il a lancé "Esprit Kritik" : cette opération, déjà menée auprès de 4000 collégiens et lycéens de la région depuis 2016, a pour but de sensibiliser les jeunes à l'utilisation des réseaux sociaux et à l'interprétation de l'information. 

Aujourd'hui, on remarque que les jeunes générations sont très méfiantes vis-à-vis du pouvoir, que ce soit le pouvoir politique ou médiatique : la théorie du complot a une place très forte. Il faut les aider à déconstruire leurs préjugés.

Quelles solutions face aux dérives sur les réseaux sociaux ?

Pour Dominique Antoni, il est possible de casser la spirale de haine et la circulation de "fake news". "Cela passe d'abord par l'éducation. Avec 'Esprit Kritik', nous essayons d'offrir des outils aux jeunes pour qu'ils sachent démêler le vrai du faux. Après, libre à eux de s'en saisir. Nous donnons les clés de la voiture, mais c'est à eux de conduire."

Pour le journaliste, il est également essentiel "d'allumer des contre-feux". "Les médias doivent continuer leur travail de vérification de l'information."

Les solutions doivent aussi être institutionnelles, ajoute Michel Moatti"La seule chose que l'on puisse espérer, c'est que cet attentat provoque un électrochoc. Il faut que les pouvoirs publics apprennent à mieux cibler les comportements suspects sur les réseaux sociaux, afin d'éviter qu'un drame ne se reproduise."
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