ENTRETIEN. Mystère des peintures de Pierre Soulages qui coulent : cinq questions à la spécialiste du maître du noir et de l'outrenoir

Moins de six mois après la mort de Pierre Soulages à Nîmes, à l'âge de 102 ans, l'artiste et sa peinture sont sous les feux de l'actualité. Le noir de trois de ses oeuvres se liquéfie avec le temps. Un mystère étudié par des conservateurs et des chercheurs du monde entier. Parmi eux, Pauline Hélou de La Grandière venue inspecter les toiles du Maître exposées au musée Fabre de Montpellier.

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Le musée Fabre de Montpellier, grâce aux dons successifs du couple Soulages, possède une collections de 34 toiles réalisées entre 1951 et 2012 par cette star mondiale de la peinture, connue pour ses tableaux abstraits aux nuances infinies de noir.

Une collection unique qu'il convient de surveiller et de bichonner. D'autant que la peinture de certaines toiles, peintes entre 1959 et 1960, s'est mise récemment à couler ou plutôt suinter. Un phénomène qui nous parait étrange mais qui ne l'est pas pour les spécialistes et les scientifiques. Il est d'ailleurs apparu une première fois dans les années 90, intriguant Pierre Soulages lui-même.

France 3 Occitanie a rencontré Pauline Hélou de La Grandière lors d'une inspection de veille sanitaire de la collection Soulages à Montpellier. Elle a restauré plus d'une centaine de toiles du chantre de l'art abstrait.

France 3 Occitanie : Que voit-on sur les tableaux atteints par le mystère des coulures ?

Pauline Hélou de La Grandière : "A l'échelle microscopique, on observe des fluidifications de certaines couches de peinture, sur certaines petites surfaces. C'est à dire quelques centimètres carrés sur des toiles de plusieurs mètres carrés. Alors, des coulures non. En plus, il n'y a rien de dramatique à nos yeux, en revanche, cela nous informe sur un type de matériaux et un type de vieillissement de ces matériaux. Si on arrive à comprendre le type de vieillissement de ces matériaux, on peut donner les bonnes prescriptions de conservation pour ces oeuvres".

La peinture utilisée par Soulages est-elle spéciale ?

Pauline Hélou de La Grandière : "C'est de la peinture à l'huile. De l'huile traditionnelle siccativée au plomb comme il est d'usage avec un noir d'Ivoire. Donc, un matériau très standard et très classique. C'est pour cela que c'est encore plus intéressant. Cela peut nous renseigner sur toutes les peintures à l'huile de cette période".

Combien de toiles sont touchées dans le monde ?

Pauline Hélou de La Grandière : "Moi, je travaille sur 113 oeuvres de Soulages dans le monde réalisées entre 1958 et 1960. Il y a trois peintures, deux à l'étranger et une en France, qui présentent des débuts de coulures visibles à l'oeil, mais à l'oeil expert".

Est-ce un phénomène mystèrieux ?

Pauline Hélou de La Grandière : "Plus qu'un mystère, c'est atypique. Comprendre les causes de ce phénomène est un travail de recherche pluridisciplinaire assez long avec plusieurs laboratoires. Je mène une thèse la-dessus. Mais le ministère a plusieurs suspects. Nous n'avons pas de conclusion stricte et de coupable formel mais les conditions de séchage et le parcours de conservation des oeuvres, lumière, chaleur, climat, sont des pistes à suivre".

Donc, rien d'original ou de réellement mystérieux ?

Pauline Hélou de La Grandière : "Non. Mais il faut aussi prendre en compte les rouleaux de toile pré-enduite que Pierre Soulages utilisait à cette époque. Comme nombre de ses contemporains à Paris. Le phénomène s'est déjà produit sur des toiles d'autres peintres. Le suspect est la préparation à base de blanc de plomb, le Céruse, puis les couches de couleurs apportées. Pour Soulages, ce sont des toiles peintes en hiver, à Paris, à une période, en 1960, où il y avait beaucoup de pollution et où Soulages a peint énormément. Mais une seule hypothèse ne peut être la seule cause. C'est toujours un faisceau d'hypothèses et leur combinaison qui pourrait être une explication".

De nombreux mois de travail, avec des chercheurs, seront encore nécessaires pour élucider scientifiquement les causes de cette transformation moléculaire de la matière.

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