Législatives 2022 : bulletins de vote, tracts, meetings, quand le coût de la campagne électorale contraint les petits candidats à jeter l'éponge

La démocratie a un coût... Et certains s'en rendent compte un peu tard. Le financement d'une campagne aux législatives peut être un frein pour les plus petits candidats.

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Oscar Essomba a préféré jeter l'éponge ! Ce chef d'entreprise, installé à Béziers, avait pourtant passé un premier écueil : celui de l'enregistrement de sa candidature aux législatives sur la 6e circonscription de l'Hérault, par la Préfecture du département. Mais l'entrepreneur n'avait pas mesuré le coût d'une candidature : "Il ne me semblait pas que ce serait aussi onéreux", nous a-t-il confié par téléphone. C'est notamment l'impression des bulletins qui a découragé ce passionné de politique, qui s'était déjà engagé en 2010 sur la liste de Raymond Couderc pour les Régionales : "la préfecture demande au moins 40.000 bulletins, avec des normes précises. Je n'ai pas les moyen d'engager de tels frais."

Des frais multiples à engager

Ce ne sont pas les seuls frais que les candidats doivent engager : ils doivent aussi payer pour l'impression de leurs affiches, de leur profession de foi, ainsi que de leurs éventuels tracts. Et il faut aussi financer tout le reste, notamment les déplacements, le loyer pour un éventuel local, les éventuelles locations de salles pour des meetings ou des rencontres....

Des frais qui peuvent être décourageants, mais qui n'empêchent pas forcément d'être candidat. Michel Martin, le candidat du Parti Communiste Révolutionnaire Français sur la troisième circonscription de l'Aude, a ainsi prévenu ses sympathisants et éventuels électeurs sur sa page Facebook qu'il n'aurait pas les moyens de faire imprimer les professions de foi et les bulletins. Et il propose donc un document pour que les citoyens les impriment eux-mêmes. 

Bien évidemment, la loi encadre très strictement le financement des campagnes pour les élections législatives. Des règles complexes, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques proposd'ailleurs des petits guides pour les candidats et leurs mandataires financiers. Les candidats doivent notamment respecter un plafond de dépense : l'article L52-11 du code électoral le fixe à 38.000 euros par candidat, majoré de 0,15 centimes par habitant de la circonscription.

Mais une campagne peut coûter bien moins cher ! Muriel Ressiguier a été élue députée en 2017. Elle était alors soutenue par La France insoumise. Mais en 2022, la députée de la deuxième circonscription de l'Hérault n'a pas reçu l'investiture de son parti. Elle se présente donc seule : "Je pense engager entre 15.000 et 20.000 euros. L'essentiel de ce budget, environ 60%, sera consacré aux tracts et aux affiches. Les bulletins représentent aussi un petit budget : la préfecture en demande 100.000. Il faut aussi 64.000 profession de foi, autant qu'il y a d'inscrits sur les listes électorales de la circonscription."

Le financement de la campagne de 2017 avait relevé du casse-tête pour Muriel Ressiguier : "Il y a  cinq ans, j'ai financé ma campagne sur mes fonds propres, j'avais réalisé un emprunt personnel de 3500 euros à cette fin. Et je n'avais pas reçu d'argent de la LFI". La qualification pour le second tour a été une surprise, et a nécessité de trouver des fonds supplémentaires : "On a du faire un appel aux dons : de mémoire on a réuni un peu moins de 2000 euros pour financer la campagne du second tour." Paradoxalement, le financement de la campagne de 2022 est plus facile : "Pendant mon mandat de député, j'ai financé, comme la loi le permet, mon parti politique ; mais aussi un autre mouvement politique du nom d'Ensemble (ndlr : sans relation avec le mouvement qui réunit plusieurs formations politiques de la majorité présidentielle ). qui m'en a reversé une partie pour financer ma campagne."

Un candidat qui ne représente que lui-même ne peut pas se plaindre d'être seul. Et il y a le remboursement des dépenses qui agit comme un correctif.

Emmanuel Négrier, chercheur politologue au CEPEL

Des financements conséquents à réunir qui interrogent sur l'accès à l'élection. "C'est une forme de sélection par l'argent", assure Oscar Essomba. Qui poursuit :"Un paysan des hauts-cantons de Béziers, qui voudrait s'engager en politique pour défendre ses idées, ne peut pas se présenter !" 

Muriel Ressiguier abonde : "Cette année, si je n'avais pas été déjà députée, je ne sais pas si j'aurais pu, financièrement, me présenter. Cela pose clairement la question de l'accès à la députation." Des propos que tempère Emmanuel Négrier, chercheur et politologue au centre d'études politiques et sociales de Montpellier : "Une élection, c'est participer à une processus représentatif. Un candidat qui ne représente que lui-même ne peut pas se plaindre d'être seul. Et il y a le remboursement des dépenses qui agit comme un correctif." Et le politologue remarque aussi que les candidats qui partent seuls sont rarement issus des classes les plus populaires.

Car si les frais sont engagés par les candidats, ils peuvent toutefois espérer obtenir un remboursement d'une partie de leurs dépenses. Il faut pour cela réunir plus de 5% des suffrages exprimés. Et voir son compte de campagne approuvé par la Commission Nationale des Comptes de Campagne et des Financements Politiques. Un système qui peut apparemment être dévoyé. Des proches de Marine le Pen avaient été condamnés en 2020 pour avoir dévoyé ce système à des fins d'enrichissement personnel. L'affaire doit faire l'objet d'un procès en appel.

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