Suite au placement en détention provisoire d'un policier soupçonné de violences en réunion lors des récentes émeutes urbaines, le syndicat SGP-FO Police 34 lance un appel au service minimum dans l'Hérault.
"Tant que notre collègue sera en détention, nous n'interviendrons que pour des appels d'urgence." Le 21 juillet dernier, l'unité SGP-FO Police 34 a relayé dans l'Hérault l'appel au service minimum lancé par le syndicat national.
On n'est pas contre le fait qu'il y ait une enquête, la vérité doit être rétablie, et s'il y a des fautes, il doit être jugé comme tout le monde. Par contre, la détention provisoire n'est pas nécessaire.
Fabrice Aebi, secrétaire départemental adjoint SGP-FO Police 34
Cet appel à "se mettre en 562", comme on dit dans le jargon, fait suite au placement en détention provisoire d'un policier à Marseille (Provence-Alpes-Côte-d'Azur), accusé de violence en réunion contre un jeune dans la nuit du 1er au 2 juillet, lors des émeutes urbaines qui ont secoué le pays. Un temps dans le coma, la mâchoire fracturée et l'œil abîmé, l'homme de 21 ans affirme avoir été la cible, sans raison selon lui, de coups et d'un tir de flash-ball. Les quatre policiers de la BAC en question ont été mis en examen pour "violences volontaires aggravées".
Intervention uniquement pour les cas graves
En quoi consiste le service minimum évoqué ? À défaut d'avoir le droit de grève, les policiers peuvent invoquer le code 562 pour n'intervenir que dans les cas graves, c’est-à-dire les cas d'atteintes aux biens et aux personnes. "Concrètement, si on voit une voiture griller un feu rouge, on n’interviendra pas, pareil pour les tapages nocturnes", explique Fabrice Aebi. Quid des personnes qui pourraient être tentées d'intervenir par elles-mêmes en l'absence de la police ? "Si ça dégénère, là on interviendra", précise-t-il.
Clairement, n'espérez pas trop voir la police intervenir ces prochains jours si un ivrogne hurle dans la rue.
Bruno Mengibar, secrétaire départemental SGP-FO Police
"On interviendra toujours pour les appels d'urgence au 17, car on se doit de protéger la population, mais on patrouillera moins et on ne prendra plus d'initiative", renchérit Bruno Bartosetti, responsable du syndicat pour le sud de la France, rappelant toutefois que cela restera du cas par cas. "Si on sent qu'un automobiliste n'est pas maître de son véhicule, qu'il fait des zigzags ou qu'il roule très vite et donc représente une menace, là par contre on peut décider d'intervenir."
Selon Bruno Mengibar, secrétaire départemental de l'Unité SGP-FO Police 34, l'appel est très suivi en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, et commence à prendre dans l'Hérault ainsi qu'en Île-de-France. "Certains policiers ont commencé à se placer en arrêt maladie. Sur certains sites, on monte jusqu'à 43% de taux d'absence, alors qu'on est plutôt d'ordinaire à 6%. Forcément, cela va encore plus nous inciter à prioriser que d'habitude."
Une enquête oui, la détention non
Si les syndicalistes affirment ne pas contester les charges qui pèsent sur les policiers et vouloir respecter le bon déroulement de l'enquête, ils estiment abusif le placement en détention provisoire du policier mis en examen.
Nous voulons un aménagement de notre statut juridique pour que la garde à vue ne soit pas systématique en cas d'usage d'arme à feu lorsque les circonstances sont claires.
Bruno Mengibar, secrétaire départemental SGP-FO Police
"La détention doit rester l'exception et elle doit être motivée. Lorsqu'on place quelqu'un en détention provisoire, c'est parce que la justice estime qu'il n'y a pas de garanties de représentation et qu'il existe un risque de réitération, rappelle Bruno Mengibar. Or, ce fonctionnaire possède une famille et un domicile, rien ne conduit à croire qu'il ne se présentera pas s'il est convoqué. De plus, comment pourrait-il y avoir un risque de réitération vu qu'il a été suspendu ? On voit bien que la détention provisoire n'est pas du tout justifiée ici. On a l'impression d'un deux poids deux mesures par rapport à des criminels qui restent en liberté dans l'attente de leur jugement", estime le syndicaliste, qui plaide plutôt pour un placement sous contrôle judiciaire avec assignation à résidence, comme pour les trois autres policiers en examen.
Pourquoi cette détention selon eux ? "C'est pour acheter la paix sociale, tacle Fabrice Aebi. Le gouvernement craint que les émeutes reprennent, donc il fait peser sur nous une présomption de culpabilité."
Les récents propos du président de la République, qui a qualifié d'"inexcusable" et "inexplicable" la mort de l'adolescent tué par un tir policier à Nanterre le 27 juin dernier, ont mis le feu aux poudres pour les syndicalistes. "Comment peut-il savoir ce qui est inexcusable si le policier n'a pas encore été jugé ? Il est sorti de son devoir de garant de la présomption d'innocence", s'indigne Bruno Mengibar, estimant que, à l'inverse, le jeune qui accuse les policiers marseillais de violence se trouvait déjà "en faute" dans la mesure où il était sur un lieu d'émeute. Dans le cas de l'adolescent tué à Nanterre, Nahel, une vidéo prise sur place avait mis à mal la version du policier auteur du coup de feu, qui avait dans un premier temps affirmé que la voiture fonçait dans sa direction.
Je mets n'importe qui au défi de rétablir l'ordre pendant des émeutes.
Bruno Mengibar, secrétaire départemental SGP-FO Police
Les trois syndicalistes mettent en avant le climat de tension extrême dans les rangs des forces de l'ordre, qui a atteint son paroxysme durant les émeutes et a fatidiquement provoqué des "dégâts collatéraux".
"À Marseille, il a fallu qu'on travaille avec un manque d'effectif, des policiers qui ont travaillé 12h par jour pendant une semaine d'affilée et des cellules de garde à vue qui étaient toutes pleines, énumère Bruno Bartosetti. On était en première ligne et ça se retourne contre nous."