La fondation Abbé Pierre dévoile les chiffres du Mal logement en Occitanie. En pleine crise sanitaire, les inégalités territoriales font ressortir de grandes disparités. La fondation s’interroge sur les politiques publiques mises en œuvre en faveur des mal-logés en Occitanie.
On estime à 4 millions le nombre de personnes sans logement ou mal-logées en France (données : association de lutte contre le Mal logement) La crise du logement touche « un français sur 5 soit près de 15 millions de personnes »
182 000 personnes mal-logées en Occitanie en 2019
En Occitanie les départements de la Haute Garonne et de l’Hérault font face à des situations d’urgence. Plusieurs raisons expliquent cette situation dramatique. Une démographie galopante deux fois supérieure à ce que connaît le reste de l’hexagone, un taux de chômage élevé, une pauvreté des jeunes de 30 ans supérieure à la moyenne nationale, et un manque structurel de logements sociaux."Le taux de pauvreté à l’échelle de la nouvelle région est nettement supérieur à la moyenne nationale : 16,7 % de la population vit sous le seuil de pauvreté (846 € en 2017), contre 14,3 % en France métropolitaine" précise la fondation Abbé Pierre.
Mais notre région compte aussi trop de logement vacant. L’Occitanie en possède 22 525 et ce depuis plus de deux ans, soit 10% des appartements vacants en France. (200 000 sur l’ensemble de l’hexagone)
Cette donnée est bien sur à prendre compte dans la question du mal logement. Car l’une des caractéristiques de cette problématique est le manque de logement disponible par rapport à la demande.Un plan du ministère de la ville et du logement prévoit de cartographier les logements vacants pour qu’ils soient communiqués aux communes dans le but d’accompagner les maires dans la création de plans territoriaux de lutte contre la vacance. Si malgré ces incitations, les propriétaires ne souhaitent toujours pas mettre leurs biens sur le marché, la loi Elan afin pourra réquisitionner les grands espaces, propriété d’entreprises pour en faire de l’hébergement d’urgence.
Les personnes vivant seules moins visibles que les familles
Si la situation des familles victimes du mal logement est fréquemment mise en avant, le sort des personnes seules est souvent passé sous silence. Pourtant les tendances démographiques, divorce, veuvage, maladie etc. conduit à un accroissement des personnes célibataires.Sébastien, vit à Montpellier dans un foyer ADOMA, anciennement foyer SONACOTRA, un des acteurs de l’insertion par le logement.
Cela fait deux ans qu’il a fait une demande de logement social. Pour le moment aucune réponse.
Son cas est loin d’être isolé. Alors en attendant, il loge dans un foyer qui héberge des jeunes travailleurs, des femmes seules avec enfants qui attendent des papiers ou des personnes en quête de reconstruction.
En cette période de confinement, la promiscuité est un réel inconvénient dans les foyers.
"Même si la désinfection est faite une fois par semaine, si des efforts sont faits sur la propreté, on partage des cuisines et des sanitaires et parfois avec le Corona ça fait un peu peur" Sébastien, locataire foyer Adoma Montpellier
Pour les gens malades ou fragiles, la vie dans les chambres n’est pas facile. Le foyer compte 285 chambres quasiment toutes occupées. Seuls quelques personnes parties avant le confinement n’ont pas pu rentrer à temps.
"Je paye 300 euros de loyer par mois pour 9 m2 avec 15 euros d’APL et une pension invalidité. En ce moment comme tout est fermé, la CPAM, les assistantes sociales qui ne répondent plus, beaucoup ont du mal à faire valoir leurs droits"
Plus de 10 ans d'attente pour un logement social
Une situation qui est d’autant plus difficile pour certains locataires qu’ils sont en demande de logements sociaux depuis plusieurs années.
Certains attendent un appartement depuis 10 ans ! L’antenne du DAL Montpellier a demandé un moratoire sur les loyers publics car de nombreuses familles se retrouvent sans revenus en raison de la crise sanitaire que traverse le pays. Avec le confinement le mal logement prend toute sa dimension.
Dans notre région plusieurs dizaines de milliers de personnes vivent en situation de surpeuplement, c’est à dire qu’il leur manque une pièce par rapport à la norme d’occupation. Celle-ci prévoit un minimum de 9m2 par personne seule, 16m2 par couple et 9m2 par personne supplémentaire. Le surpeuplement est « accentué » lorsqu’il manque deux pièces par rapport à cette norme.
2000 personnes à la rue prises en charge à Toulouse
A trois semaines d’un éventuel déconfinement, les associations, qui se mobilisent depuis plus d’un mois auprès des personnes et familles encore sans hébergement tirent la sonnette d’alarme. En Haute-Garonne, près de 2 000 personnes sont prises en charge à l’hôtel, un chiffre en hausse depuis le début du confinement pour accueillir des personnes sans-abri et alléger des structures d’hébergement collectives. Cependant le SIAO recensait encore 235 personnes différentes restées sans solution d’hébergement durant la semaine du 10 au 16 avril, malgré leurs appels au 115, (91 hommes seuls, 30 femmes seules, 4 personnes en groupe, 15 couples et 21 familles soit 80 personnes.)"A Toulouse, les associations alertent sur un nombre encore important de personnes sans solution d’hébergement et qui ont faim, la situation est grave et urgente" selon la Fondation Abbé Pierre
Un parc de logements sociaux inadapté
Soumis à des "inégalités territoriales fortes, les mal-logés subissent une implication très inégale de la part de leurs élus" selon la Fondation Abbé Pierre.
Le paysage est contrasté affirme-t-elle avec des collectivités pionnières qui peuvent se mobiliser rapidement et efficacement.
Mais, il y a des zones blanches où la question n’est pas portée, par indifférence ou par absence de services et d’opérateurs en capacité de révéler les besoins et des collectivités peu sensibles aux questions de l’habitat ou dont l’histoire les empêche de concevoir une politique locale pertinente à l’échelle intercommunale" selon la fondation Abbé Pierre
Le logement reste une compétence éclatée dans un « mille-feuille » institutionnel, dans lequel les responsabilités se diluent, entre municipalité, département, État, Justice, organismes Hlm, ce qui freinent l’action publique. Le problème récurrent reste la production de logements sociaux. Pas assez nombreux et inadaptés. Face à l’accroissement des personnes célibataires, il faudrait plus d’appartements de petites surfaces.
Aujourd’hui, 65% des 143 000 français sans domicile sont sans conjoint, ni enfant à charge.
Conséquence seulement 30% des demandes sont satisfaites et les expulsions sont légions. Même pendant le confinement.
A Montpellier, les associations qui se battent pour le droit à un logement équitable, font tout pour éviter que des familles qui attendent un logement social depuis des années ne se retrouvent à la rue, tout simplement parce qu’un propriétaire souhaite récupérer son bien.
En pleine urgence sanitaire, l’urgence du logement se rappelle encore plus brutalement à nous.