"Le moustique, ennemi public n°1 ?" C’est la question que pose un livre grand public auquel ont collaboré des scientifiques montpelliérains. Le moustique tigre est devenu le cauchemar de nos étés mais aussi un problème de santé publique. L’ouvrage fait le point sur les connaissances et les moyens de lutte.
"Montpellier, c’est un peu la Mecque de la recherche contre le moustique ! Elle concentre une communauté scientifique très active sur le sujet". Didier Fontenille, directeur de recherche à l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement) est l’un des meilleurs experts. Avec 3 autres spécialistes du CIRAD et de l’lnstitut Pasteur, il souhaitait proposer un ouvrage accessible sur un insecte au final très mal connu. Voici 8 infos étonnantes à connaître sur le moustique.
1/ Depuis quand est-il sur terre ?
Les premiers moustiques sont apparus plus de 200 millions d’années avant les hommes et ont conquis tous les endroits de la planète grâce à une extraordinaire capacité d’adaptation.
La quasi-totalité des femelles est hématophage, c’est-à-dire qu’elles se nourrissent du sang de vertébrés. Essentiellement de celui des animaux, mais aussi hélas, du nôtre !
2/ Un moustique ou des moustiques ?
Il existe 3600 espèces répertoriées à ce jour. On dénombre 65 espèces en France métropolitaine mais dans l’hexagone, 5 peuvent réellement causer des problèmes de santé à l’homme en transmettant des maladies.
Le principal ennemi est le moustique-tigre potentiellement porteur des virus de la dengue, du chikungunya, du zika.
3/ Pourquoi l’été 2022 a été un enfer ?
Pour 2 raisons principales :
- Le tourisme ayant repris après le covid, les voyageurs ont à nouveau ramené le virus de la dengue.
- Le nombre de moustiques a augmenté. Sa présence sur le territoire s'étend et son abondance aussi. En raison de plusieurs facteurs liés à la météo (la chaleur favorise son développement) et à nos propres actions.
4/ Une menace pour notre santé ?
Depuis cette année, le moustique est devenu un problème de santé publique selon l’entomologiste médical Didier Fontenille. On a battu des records de contaminations et certains cas sont en plus sans doute passés sous les radars.
65 cas autochtones de dengue ont été relevés en France, principalement en Occitanie et en Paca. Il s’agit donc de personnes qui ont été piquées et contaminées localement, sans avoir voyagé dans un pays à risque.
Si on ne trouve pas de solutions pour lutter contre les moustiques, le nombre de cas devrait augmenter chaque année, idem pour le zika et le chikungunya. Et la zone de contamination devrait s’étendre à Nouvelle-Aquitaine et Rhône-Alpes.
5/ Est-ce l’animal le plus dangereux au monde ?
Notre expert nuance : ce n’est pas le moustique qui tue, mais les agents pathogènes qu’il transporte. Néanmoins, il est le principal ennemi de l’homme. Les anophèles, moustiques qui transmettent le paludisme, tuent 400 000 enfants par an dans les zones infestées.
Il y a 10 ans, ce chiffre s’élevait à 1 million de victimes mais des progrès importants ont été faits grâce aux moustiquaires imprégnées .
6/ Faut-il éradiquer le moustique ?
C’est non pour les scientifiques ! Ils ont leur place comme n’importe quel insecte. Et leur invasion est la conséquence d’un déséquilibre des écosystèmes causé par l’homme. On le sait peu mais les moustiques participent à la pollinisation. Ils font partie de la chaîne alimentaire.
Il n’est pas raisonnable d’éliminer tous les moustiques mais il est indispensable de lutter contre ceux qui n’ont rien à faire ici
Didier Fontenille, directeur de recherche à l'IRD à Montpellier
7/ Quelles sont les techniques les plus efficaces ?
Aujourd’hui, il existe plusieurs stratégies de lutte :
- Eviter les « collections » d’eau, c’est-à-dire vider tous les réceptacles, tous les endroits où le moustique peut pondre. Si la lutte était faite très sérieusement, on diminuerait de 80% le risque.
- Démoustiquer préventivement grâce à des insecticides biologiques
- Continuer la recherche sur les pièges à moustiques, peu opérationnels pour l’instant.
8/ Qu’est-ce que la technique de l’insecte stérile ?
Le principe : les mâles sont stérilisés au rayon X. Les œufs issus de leur accouplement n’éclosent pas.
Cela permet de diminuer les populations de moustiques. La technique a été testée avec succès sur l’Ile de la Réunion.
La métropole de Montpellier est très intéressée par la technique. Une expérimentation pourrait être lancée sur la commune de Prades-le-lez en 2023 ou 2024.
"Le moustique, ennemi public n°1 ?" de Sylvie Lecollinet, virologue au CIRAD, Anna-Bella Failloux, chef de l'unité arbovirus et insectes vecteurs de l'Institut Pasteur, Nonito Pagès, entomologiste médical au CIRAD et Didier Fontenille, directeur de recherche à l'IRD.