Nouveau projet éolien retoqué dans l'Aude : les éoliennes sont-elles encore les bienvenues en Occitanie ?

L’éolien est né en Languedoc-Roussillon, mais aujourd’hui, l'opposition à l'installation de parcs éoliens se montre féroce et les promoteurs rencontrent des difficultés pour développer de nouveau projets sur le territoire.

Dans un arrêté rendu le 30 juin dernier, la préfète de l’Aude Sophie Elizéon a rejeté l’implantation d'un parc de 26 éoliennes réparties sur cinq communes des Corbières : Laroque-de-Fa, Davejean, Dernacueillette, Palairac et Cascastel. Les raisons de cette décision : la mise en danger de plusieurs espèces de grands rapaces protégés, et l'atteinte aux paysages des Hautes Corbières, entre autres. 

"S'il y avait un endroit en France où il ne fallait même pas essayer d'y aller, c'est bien ici, estime Matthieu Vaslin, du Collectif citoyen Corbières vivantes, opposant au projet et qui se réjouit de cette nouvelle. On a quatre espèces différentes de vautours, un château en course pour le classement à l'Unesco... les services de l'Etat avaient déjà conseillé à EDF de faire demi-tour, mais ils se sont entêtés", explique-t-il. 

Ce projet n'est pas le seul a avoir été retoqué récemment. En janvier dernier, la préfecture de l'Hérault a refusé à un promoteur suisse une demande de construction d'une centrale de cinq éoliennes de 120 mètres de haut à 400 mètres d’altitude à Pézènes-les-Mines. En cause, là aussi, les impacts attendus sur nombre d'espèces strictement protégées présentes sur le secteur du massif forestier des bois de Pouzes ; rapaces, chauves-souris, flore endémique...

Multiplier par 7 la production d'énergie éolienne en Occitanie


Les éoliennes ne sont-elles plus les bienvenues en Languedoc Roussillon, terre de la naissance de l'éolien ? "Beaucoup plus de projets sont retoqués parce qu'il y a beaucoup plus de projets qui se développent en parallèle", relativise Matthieu Vaslin. 

Aujourd'hui, l'Occitanie est la 3ème région éolienne de France, et 8,6% de sa production électrique provient de son parc éolien. Dans son plan énergétique, la Région s’est engagée à devenir la première région de France à énergie positive à l’horizon 2050.
 

Elle prévoit d'être en capacité de produire via des énergies renouvelables toute l'énergie (électrique et thermique) qu'elle consommera. Pour cela, elle prévoit notamment multiplier sa capacité de production d'énergie éolienne par sept, via la modernisation des équipements existants mais aussi par l'implantation de nouveaux parcs terrestres et flottants.

Aujourd'hui, les 189 centrales éoliennes existantes sont localisées en particulier dans l'Aude, l'Hérault et l'Aveyron, mais aussi le Tarn les Pyrénées-Orientales et la Lozère. 
 

Si les deux projets récemment refusés devaient s'implanter dans des zones encore relativement vierges d'industrialisation, comme dans les Hautes Corbières, ou sur la ligne de crête des Avant-Monts, d'autres projets dans des zones plus prisées par les promoteurs depuis des années rencontrent aussi leur lot d'oppositions. 

2 éoliennes et demi par commune


"La nuit, depuis le temple bouddhiste de Roqueredonde, un site très touristique, on peut apercevoir dans la vallée une multitude de lumières rouges qui clignotent. Ce sont des éoliennes. En pleine nature, on se croirait en boite de nuit", ironise Marjolaine Villey-Migraine, du collectif 34-12, qui s'oppose aux projets éoliens dans la zone de l’Escandorgue et des Monts d’Orb, près de Lodève, entre le Nord de l’Hérault et le sud de l’Aveyron. Dans le secteur, 120 éoliennes sont déjà implantées.

En ce qui concerne le parc régional du Haut Languedoc, à l’ouest de l’Hérault et à l’est du Tarn, une charte définit un nombre maximal de 300 éoliennes pouvant être installées. "On en est à 276 pour le moment, mais c’est déjà trop. Çça correspond à 2 éoliennes et demi par commune", note Jacques Biau, de l’association Toutes nos Energies.
 
 

On constate qu’il y a énormément de contestation ces dernières années parce que les gens désormais savent ce que c’est, ils les ont sous les yeux, et je crois que l’éolien comme énergie renouvelable vertueuse est de plus en plus remise en question.

Marjolaine Villey-Migraine, du collectif 34-12

 


Après 15 ans de lutte, elle ne compte plus les dossiers en cours. Ceilhes-et-Rocozels, Saint-Gervais-sur-Mare, Fraisse-sur-Agout… "Les promoteurs ont dû comprendre qu’il y avait beaucoup d’opposition chez nous, alors ils remontent au nord dans les communes plus éloignées, perdues, avec moins de moyens."

Des procédures allant jusqu'à 10 ans


Ces projets sont nombreux à être encore en cours d'instruction. "On estime que plus de 70% des projets sont suivis d’un recours juridique, soit de l'opposition soit du promoteur. Les procédures peuvent mettre jusqu'à 10 ans à aboutir", explique Marjolaine Villey-Migraine. Là où en Allemagne, les délais sont réduits à 2 voire 4 ans.

Ces recours à répétition et délais à rallonge pourraient-ils décourager les promoteurs? "Notre projet de 12 éoliennes entre Véraza et Saint-Polycarpe, près de Limoux, dans l'Aude, est dans les tuyaux depuis 20 ans, explique le promoteur Max Grua, de la société Valorem, basée à Carcassonne. Donc s'engager dans ce secteur des Corbières pour un projet éolien aujourd'hui promet un combat de longue haleine..."

"Il y a quelques années, dans l'Aude et l'Aveyron, les projets éoliens faisaient l'objet à 100% de recours judiciaire par des opposants, explique Cyril Darnis, de Soleil du Midi, installateur de panneaux photovoltaïques et d'éoliennes basé à Toulouse. Heureusement, depuis un ou deux ans, la première instance a été supprimée, ce qui fait que l'on passe directement à la Cour d'appel, et les délais sont considérablement réduits." 

Pour Cyril Darnis, ces procédures font partie du jeu, et l'opposition plus ou moins féroce ne l'empêche pas de porter ces projets qui vont, selon lui, dans le bon sens de la transition énergétique. Il estime que la réglementation en termes de biodiversité est déjà très exigeante et oblige les promoteurs à faire attention à l'environnement.

On est passé en quelques années d'études d'impact de 300 à quasiment 1500 pages. Il y a des zones trop sensibles au niveau de la biofaune où nous-mêmes nous décidons de ne pas aller. Pour autant, la technologie de protection des oiseaux et des chauve-souris a énormément évoluée, on peut désormais proposer de vraies solutions. Donc ce n'est pas parce qu'un projet a été refusé il y a 5 ou 10 ans quelque part que l'on va s'interdire d'y aller.

Cyril Darnis, Soleil du Midi, aménageur de parcs photovoltaïques et éoliens

Impliquer les locaux dans le projet


Afin de protéger les oiseaux, des systèmes de ralentissement, voire d'arrêt des pales, sont par exemple mis en place, précise l'aménageur toulousain. Le nombre de machines est également amené à être réduit s'il se situe dans une zone sensible. 
 
Au-delà de la faune sauvage à protéger, le problème souvent avancé par les opposants à l'éolien reste la modification du paysage et l'industrialisation des campagnes. "On a confiance que la prise de conscience de l'urgence climatique va se faire dans les territoires petit à petit, notamment en impliquant les locaux dans le projet et en permettant que les retombées économiques bénéficient aux habitants", temporise Cyril Darnis. Les financements participatifs et concertations citoyennes se développant de plus en plus dans la région. 

En attendant, les projets terrestres sont peu à peu délaissés au profit des projets éoliens offshore, aux large des côtes. Les deux premières fermes éoliennes flottantes devraient apparaître au large de Leucate-le-Barcarès et de Gruissan, dans le Golfe du Lion, dès 2024. 
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