Après les révélations de pollution dans les eaux potables du Gard, l'Agence régionale de santé (ARS) a annoncé, ce lundi 18 mars, qu'une campagne de prélèvements est en cours dans toute l'Occitanie. Les résultats seront connus "courant avril" mais ils ne concerneront qu'une partie des polluants éternels (PFAS). Explications.
Ce sera obligatoire en 2026 mais l'Occitanie prend de l'avance sur les autres régions de France. Après les révélations de pollution dans les eaux potables du Gard, l'Agence régionale de santé (ARS) annonce que des prélèvements sont en cours dans toute l'Occitanie.
Des taux records d’acide trifluoroacétique (TFA) ont été relevés autour de la ville industrielle de Salindres, d'après une enquête conjointe de France 3, Le Monde et du média belge RTBF.
[#Eau] 🚰 Didier Jaffre et les équipes santé environnementale de l'@ARS_OC ont fait le point ce matin avec la presse sur les questions d'actualité liées au contrôle sanitaire de l'eau que nous buvons et aux analyses sur les #PFAS dans l'eau en #Occitanie.https://t.co/01q4QJ8UKq
— ARS Occitanie (@ARS_OC) March 18, 2024
Les TFA sont de la famille des per- et polyfluoroalkylés (PFAS), des composés chimiques utilisés dans l'industrie pour leurs propriétés antiadhésives ou encore imperméables, qui persistent jusqu'à 1000 ans dans l'environnement, ainsi surnommés "polluants éternels".
L'ARS, qui n'a pas donné suite aux sollicitations de nos confrères dans le cadre de l'enquête citée plus haut, réagit cette fois-ci en conférence de presse, ce lundi 18 mars 2024.
329 sites testés en Occitanie
L'agence s'engage à surveiller la concentration en polluants éternels des eaux de 329 sites occitans, dont celui de Salindres, dans le Gard.
"Ces sites n'ont pas été choisis au hasard. (...) Ce sont des lieux susceptibles de générer des perfluorés. (...) On s'attend à retrouver des PFAS", précise l'ingénieur en santé environnementale Yannick Duran lors de la conférence de presse.
L'ensemble des résultats sera connu "courant avril", précise encore le directeur de l'ARS Didier Jaffre, qui en donne néanmoins un aperçu : sur les 120 prélèvements déjà réalisés, aucun "dépassement de norme" n'a pour l'instant été enregistré.
Des tests qui ne concernent pas les TFA
La "norme" mentionnée par l'ARS, c'est celle prévue par l'Union européenne pour 2026. À partir de cette date, la somme des concentrations de 20 PFAS, définis comme préoccupants par Bruxelles, ne devra pas excéder 1 microgramme par litre d'eau.
Si ce seuil n'est pas franchi dans les sites analysés jusqu'ici, il faut lire entre les chiffres. D'abord, l'ARS ne cible que les 20 PFAS définis comme les plus dangereux pour l'environnement et la santé. Relevés dans des taux exceptionnels à Salindres, les TFA n'en font pas exemple pas partie.
“Cette norme n’est pas un seuil sanitaire”
Rien ne garantit ensuite que l'UE ait fixé un seuil en dessous duquel il n'existe plus aucun risque pour la santé humaine ou l'environnement. “Cette norme n’est pas un seuil sanitaire”, concède Yannick Duran lui-même, en conférence presse ce matin.
C'est d'ailleurs l'inquiétude des militants écologistes. "Comment a été conçue cette norme ? Sur la base de quelles données scientifiques ? À notre avis, elle est beaucoup trop élevée et il faut absolument la revoir", craignait une représentante de Générations futures, l'ONG lanceuse d'alerte à Salindres, dans une interview accordée à France 3 Occitanie.
Charge à l'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire alimentaire nationale) d'évaluer ces risques sanitaires. À ce jour, cela n'a pas encore été fait concernant les PFAS ou les TFA. L'ARS, elle, s'en tient à ce qu'elle définit comme son "rôle" : "garantir que l'eau distribuée est conforme aux normes existantes".
Des "risques considérables" pour la santé
"Nous avançons en fonction de l'évolution de l'état des connaissances sur le PFAS", avance enfin le directeur de l'ARS Didier Jaffre.
Si le lien entre polluants éternels et certains cancers est désormais prouvé, aucune étude épidémiologique ne s'est encore concentrée sur les TFA et leurs conséquences sur la santé, par exemple.
Invité sur le plateau de France 3 Occitanie le 7 février, le professeur en endocrinologie pédiatrique à l'Université de Montpellier Charles Sultan évoque tout de même de "risques considérables" pour l'organisme. Parmi lesquels l'obésité, des troubles de la reproduction ou encore des tumeurs du système nerveux.
EELV réalise ses propres tests
En parallèle et à l'approche des élections européennes, le parti Europe Ecologie Les Verts (EELV) lance sa propre campagne de prélèvements sur tout le territoire français.
L'eau potable de six sites a été analysée en Occitanie : Alès en aval de Salindres, le canal de Fabrègues, alimenté par les eaux du Rhône - dont on sait qu'elles sont polluées aux PFAS - puis Marseillan, Sète et Mauguio. Les résultats seront rendus publics à la fin du mois de mars.
Le but du parti ? Faire accélérer la législation européenne en matière de polluants éternels, pour que soient "interdits et remplacés ceux qui peuvent d'ores et déjà l'être", explique la porte-parole d'EELV à Montpellier Julia Mignacca, qui se réjouit de l'annonce de l'ARS.