Avec la hausse du prix de l'essence, de l'électricité et des denrées alimentaires, les Restos du Cœur peinaient déjà à trouver une stabilité financière cette année. Mais les demandes d'aide alimentaire encore plus nombreuses cet hiver achèvent décidément l'association, contrainte d'agir au détriment des plus précaires.
La précarité n'épargne personne, pas même celles et ceux qui œuvrent pour la ralentir. Rattrapés par l'inflation et la hausse des demandes d'aide alimentaire - liées à l'envol des chiffres du chômage et du coût de la vie - les Restos du Cœur sont à bout de souffle.
Des demandes d'aide alimentaire toujours plus nombreuses mettent également en péril l'équilibre financier de l'association vieille de quarante ans, qui présente aujourd'hui un déficit de près de 50 millions d'euros.
Une détresse généralisée
Symptomatique de cette détresse nationale, la question de la restriction budgétaire s'est exportée dans les branches départementales des Restos du Cœur. Dans l'Hérault notamment, l'association fait état d'un manque de moyens considérable. "Le prix des denrées alimentaires a augmenté, parfois de 15 % (les Restos du Cœur achètent un tiers des repas distribués), le prix de l'essence aussi... Et je ne parle pas de l'électricité : notre facture a triplé cette année", fait savoir Alain Capillon responsable départemental des Restos du Cœur de l'Hérault.
Entre 2022 et 2023, les Restos du Cœur héraultais ont connu une hausse de 20 % des demandes d'aide alimentaire. Soit un passage de 2,9 millions de demandeurs à plus de 4 millions, "voire à 5 millions bientôt si l'on ne fait rien", constate le responsable.
Alain Capillon fait également état de la pénurie de bénévoles que rencontre l'Hérault : avec 1300 bénévoles réguliers et 600 occasionnels, les rouages de l'association peinent tout de même à tourner. "Il me manque au moins 300 bénévoles réguliers, c'est-à-dire qui travaillent toutes les semaines, pour que tout fonctionne correctement."
Passage à un barème unique
Justement, "ne rien faire" n'est pas une option pour l'association. Des mesures, qui seront appliquées à partir du 20 novembre (rentrée hivernale pour l'association), ont donc été imaginées afin de réaliser des économies. Même si certaines décisions ont été prises "la mort dans l'âme", assure le responsable de l'Hérault.
Principalement, les Restos du Cœur ont annoncé réduire le seuil sous lequel doivent obligatoirement se placer les demandeurs pour pouvoir bénéficier de l'aide alimentaire en hiver. "Pour savoir si quelqu'un se situe sous le seuil, on calcule son reste à vivre du mois", explique Alain Capillon. "Jusqu'à présent nous avions un seuil d'été établi à 504 euros et un seuil d'hiver à 700 euros. Aujourd'hui, nous passons à un barème unique pour les deux périodes, aligné sur le régime d'été."
Autrement dit, seules les personnes ayant moins de 504 euros par mois pour vivre pourront obtenir l'aide alimentaire cet hiver. Une mesure drastique, couplée à l'abattement de deux repas sur l'ensemble des distributions hebdomadaires, qui devrait faire perdre entre 1000 et 2000 demandeurs à l'association et, ainsi, assurer sa viabilité.