Emmaüs célèbre ce jeudi les 70 ans de l’appel de l’abbé Pierre. À Montpellier, l’une de plus grandes communautés de France accueille une centaine de compagnons. Les migrants sont de plus en plus nombreux. Ils viennent se reconstruire ou se projeter dans l’avenir.
Le 1er février 1954, révolté par le sort des sans-abri, l'abbé Pierre lançait un appel au secours. Soixante-dix ans plus tard, les combats du fondateur d'Emmaüs sont toujours d'actualité. Les communautés lancées en 1949 et l'association fondée en 1985 ont continué de grandir et d'œuvrer en faveur du logement, de l'emploi, de lien social, et contre les discriminations et l'exclusion. Montpellier compte l'une des plus grandes communautés de France.
"Je pense au travail et ça me plaît !"
Francisco connaît par cœur les rayons de la librairie d'occasion où il travaille. Ici, il trie les 4m³ de dons quotidiens, les range, fixe les prix et conseille les acheteurs. C'est son rôle dans la communauté Emmaüs. Francisco a tout appris en échangeant avec des clients bouquinistes. Et cette activité a donné un sens à sa vie.
"Il y a 10 ans je ne connaissais rien sur le livre. Maintenant, je connais un peu. Les autres disent beaucoup. Pour moi non, Francisco Delgado, compagnon Emmaüs. Des fois, ça m’empêche de dormir parce que je pense à la librairie, je pense au travail qu’il faut faire le lendemain. Et ça me plaît ! Trop ! C’est une passion."
Ici, dans cette communauté, je suis bien. On est respectés, on est dignes."
Francisco Delgado
D'origine espagnole, Francisco est déjà passé par trois autres communautés. Il y a cinq ans il a posé ses valises dans l’Hérault. Car il les a beaucoup traînés en France et en Europe, entre débrouille et petits boulots dans la restauration. "À mon âge, c’est un peu difficile de trouver un travail. Même dans mon pays. Ici, dans cette communauté, je suis bien. On est respectés, on est dignes. Dignes."
100 compagnons, 26 nationalités
Comme Francisco tous les compagnons sont logés, nourris, blanchis, soignés et même coiffés. En échange ils travaillent 40h par semaine et reçoivent un pécule de 410 euros. 100 compagnons de 26 nationalités différentes ont adhéré à ces principes.
Yokpo Sonomou, originaire de Guinée, est arrivé ici il y a un an. Après avoir vécu dans un squat, il occupe désormais une chambre toute équipée et rêve d'un avenir meilleur. "La préfecture de Montpellier a décidé de fermer ce squat", se remémore Yokpo.
"L’association 'Avec toi' qui m’a hébergé pendant un certain temps m’a fait savoir qu’il y avait une communauté qui s’appelait Emmaüs, qui hébergeait les gens et surtout qui les aidait à travailler. Et au bout d’un certain temps, qui les aidait à avoir leurs papiers. J’ai trouvé ça très intéressant."
Pour atteindre cet objectif, il doit donc participer à la vie de la communauté dans l'esprit d'entraide et de solidarité voulu par l'abbé Pierre. Sa mission : recevoir le public qui vient déposer des affaires. "Le travail, c’est se rendre compte qu’on est utile à soi et utile aux autres. Ça fait du bien d’être en contact avec les gens tous les jours, des gens qui vous apportent des trucs, qui vous sourient."
Le travail, c’est se rendre compte qu’on est utile à soi et utile aux autres.
Yokpo Sonomou
Depuis la création d'Emmaüs il y a 74 ans, le profil des compagnons a beaucoup changé. Aujourd'hui les migrants représentent 60% des personnes accueillies. "Nous leur disons bien que les papiers ne dépendent pas de nous, que les papiers dépendent de monsieur le préfet et de la préfecture et qu’on doit respecter les lois de la République pour l’obtention de ces papiers", détaille Martine Marragou, présidente de l’antenne Emmaüs à Montpellier - Saint-Aunès.
"Ils ont une sorte de cursus de trois ans à effectuer dans nos communautés. Et ensuite, dans la mesure où ils ont suivi les cours de langues, les cours de citoyenneté, à ce moment-là, nous étudions le dossier que nous transmettons à la préfecture." Pour Martine Marragou, la communauté soigne "les bleus à l'âme" par le travail.
Trois heures par semaine des bénévoles se relaient donc pour leur donner des leçons de français personnalisées. Houari Dbklnin, un compagnon originaire d’Algérie, note l’importance de ces cours "pour travailler, faire les CV, parler avec les gens".
En respectant les engagements fixés par la communauté, les migrants mettent toutes les chances de leur côté pour être régularisé. Chaque année, jusqu'à huit d'entre eux obtiennent des papiers.