À Maraussan, commune de l’Hérault qui compte 3500 inscrits, plus d’un électeur sur deux s’est déplacé aux urnes dimanche pour les élections européennes. La liste de Jordan Bardella a frôlé les 50%. Des habitants de la commune expliquent leur choix, sans fard, et pourquoi ils le réitéreront aux Législatives.
Place du 14 juillet à Maraussan, le Café des Colonnes, qui existait depuis le 19e siècle, vient de fermer. Comme, avant lui, deux épiceries, le bureau de tabac, la boucherie, la boulangerie et bien d'autres commerces.
Troisième génération d'une famille de petits commerçants, Fred Roger, le cafetier, a grandi entre Béziers, où il est allé à l'école, et sa ville de cœur, Maraussan. Seulement voilà, "les gens ne viennent plus au bar (...) Ils n’ont plus les moyens." Alors il a jeté l'éponge.
J'en ai connu des hauts et des bas mais des bas comme ça, jamais.
Fred
Covid, baisse du pouvoir d'achat, hausse du prix de l'énergie sont passés par ici. "Les gens n’habitent plus le centre du village." Fred dit ne plus reconnaître plus sa commune. "Il n’y a quasiment plus de Maraussanais à Maraussan."
Dans cette commune de 5 000 âmes dans l'ouest de l'Hérault, le RN a brisé le plafond de verre dimanche 9 juin 2024 en engrangeant plus de 47% des voix. La liste de Jordan Bardella est arrivée largement en tête des élections européennes. C'est un peu plus que dans le reste du département. Derrière, Raphaël Glucksmann dépasse à peine 12%.
"Tenter autre chose"
Le sentiment d'abandon et de déclassement a grandi au fil des années. La peur du lendemain. Celle aussi d'une insécurité, imaginaire ou pas, a fait le reste. "J’ai peur pour moi, j’ai peur pour mes enfants. On n’est même plus en sécurité au sein de l’école (…) On n’a pas les moyens d’acheter une maison, on n’y arrive plus", regrette Dorothée, la quarantaine, lunettes de soleil vissées sur la tête. Elle a glissé la liste de Jordan Bardella dans l'urne dimanche. Comme une ultime tentative de changer les choses, dit-elle.
On tente tout, rien ne marche, on est au bord du chaos.
Dorothée
"On nous a trop promis, on nous a trop bernés", lâche la mère de famille qui se désole de la dégradation des services publics. Elle met en cause la politique du gouvernement et du président de la République, mais pas seulement. Dorothée, comme beaucoup à Maraussan, "veut tenter autre chose". Le Rassemblement national au pouvoir, "on a envie d'y croire (...) On se dit pourquoi pas".
Célia, Franco-Tunisienne de 28 ans et mère de trois enfants détonne dans les rues de la commune. "Franchement, ça m'encourage à aller voter." Dimanche, elle ne s'est pas déplacée. Mais apprendre la victoire écrasante de l'extrême droite dans sa commune la motive, affirme-t-elle, à se rendre aux urnes pour les élections législatives et à voter "pour les gens de gauche".
Des gens de gauche, la commune héraultaise en a vu passer. Jean Jaurès était venu, le 1er mai 1905, célébrer un idéal, celui de la coopération viticole. Le premier mouvement coopératif viticole de France était alors né ici, à la cave de Maraussan. 119 plus tard, le buste du socialiste, figé devant la mairie, est le témoin, malgré lui, d'une nouvelle histoire.