Alors que les huîtres ont étonnamment bien résisté aux canicules à répétition de l'été, les producteurs de l'étang de Thau (Hérault) s'inquiètent maintenant des conséquences de l'été indien : d'importantes mortalités ont été détectées, ces derniers jours. Les stocks pourraient bien s'en ressentir lors des fêtes de fin d'année.
Jusqu'à présent, pour les conchyliculteurs de l'étang de Thau dans l'Hérault, on avait évité le pire avec la canicule hors normes de l'été dernier. Même si les suivis et les comptages tendaient à montrer que l'année 2022 ne serait pas exceptionnelle en terme de production, les huîtres avaient bien résisté aux températures extrême de la saison estivale.
Mais voilà que l'automne leur joue un mauvais tour : une importante mortalité sur les huîtres de toutes tailles élevées dans le bassin de Thau a été détectée cette semaine. Un phénomène lié à la chaleur prolongée de cet été indien :
On a l’habitude de ce type de mortalité mais ponctuellement, car normalement le bassin se refroidit en cette saison. Là, cette mortalité est en lien avec cet automne très chaud qui dure trop longtemps.
Patrice Lafont, président du comité conchylicole de Méditerranée
"L'huître, stressée par la chaleur pendant l'été, a arrêté de s'alimenter et donc de grandir, mais elle a repris sa croissance en septembre quand les températures ont baissé", explique ce conchyliculteur de Mèze.
Ce phénomène inquiétant devrait avoir des conséquences sur les volumes d'huîtres, le stock pourrait être moins fourni pour les fêtes de fin d'années.
Mais au delà, l'avenir des professionnels du bassin risque d'être compromis par le réchauffement climatique qui pourrait bien bouleverser l'écosystème de toute la lagune.
Une lagune qui encaisse les coups de chaud
Pour Franck Lagarde, chercheur en science marine à l'Ifremer, à Sète, "grâce au travail réalisé ces 20 dernières années pour réduire la pollution, la lagune a pu encaisser le coup de la canicule. On a davantage de résistance, et c'est aussi grâce à une année sèche : il n’y a pas eu de pluies cet été, donc pas de ruissellement qui font habituellement remonter les apports d’azote et phosphate dans la lagune".
Si l'apport en nutriments a considérablement diminué ces 20 dernières années, c'est grâce à la modernisation des stations d'épurations, devenues plus modernes et plus efficace, explique ce scientifique de l''Ifremer.
Résultat : 90 % de la pollution au phosphate a disparu, il y a une bien meilleure oxygénation dans la lagune, comme en atteste le retour des herbiers de zostère ( cousins de la Posidonie), dans l'étang de Thau.
La bascule vers un nouveau monde
Néanmoins, le réchauffement climatique pourrait bien rendre vains tous ces efforts. Selon Franck Lagarde, "à cause de ces canicules à répétition, on est désormais à +1,6° dans la lagune en moyenne".
Or, au-delà d'une hausse de 1,5° selon la communauté scientifique internationale, "on bascule dans un nouveau monde, un monde inconnu avec l'émergence possible de virus, de tous petits organismes qui s’adaptent et qui gagnent la bataille de la vie dans une lagune plus chaude, mais ces populations invisibles vont changer, elles ne seront pas les mêmes qu’avant."
Quelles seront les conséquences pour la vie dans la lagune ? Pour le moment, c'est encore l'inconnu, un inconnu jugé plutôt angoissant pour les scientifiques de l'Ifremer comme pour les conchyliculteurs locaux.