Le campagnol, petit rongeur dévastateur, appelé aussi rat taupier, connaît un pic de pullulation dans de nombreux territoires d'Occitanie, ravageant les paysages et menaçant l'équilibre économique de plusieurs filières agricoles telles que l'élevage, l'arboriculture ou le maraîchage.
C'est un petit rongeur d'une vingtaine de centimètres qui pèse entre 100 et 300 grammes, mange chaque jour son poids en racines, creuse des galeries dans le sol qu'il transforme en gruyère et laisse sur son passage de petites mottes. L'herbe se raréfie, puis disparaît progressivement, jusqu'à ce que la terre recouvre totalement les pâtures.
Les campagnols pullulent dans 9 des 13 départements d'Occitanie
Selon la Fédération Régionale de Défense contre les Organismes Nuisibles (FREDON) d'Occitanie, pour la première fois les populations de campagnols explosent dans 9 des 13 départements de la région (voir la carte ci-dessous). Si le campagnol terrestre se régale en Aveyron, en Lozère et dans les vallées des Hautes-Pyrénées, son cousin le campagnol des champs ravage les campagnes du Tarn, de l'Aude, du Tarn-et-Garonne et de l'Hérault, tandis qu'un autre membre de la famille, le campagnol provençal sévit dans le Gard.
Les dégâts sont très importants et concernent pour la première fois une vaste zone sur toute la région Occitanie alors que traditionnellement on était plutôt sur une alternance de pullulations, tantôt sur un secteur ou tantôt sur l'autre
Les rongeurs s'attaquent ainsi aux prairies, mais détruisent également les récoltes en grandes cultures, comme la pomme de terre, ou encore les arbres fruitiers dont ils mangent les racines, notamment dans le Gard ou le Tarn-et-Garonne.
Ces dernières semaines, les campagnols terrestres se sont particulièrement illustrés en Lozère et dans l'Aveyron, notamment en Aubrac. Sur cette terre d’élevage, les rats taupiers ont miné les prairies. Ne reste plus aux bêtes à la belle saison, dans le meilleur des cas, qu'à brouter une herbe mélangée à la terre. Tandis qu'en hiver, elles se nourrissent d'un fourrage gorgé de poussière qui infiltre à l'occasion leurs voies respiratoires.
Cette surpopulation de rats taupiers à proximité des captages d’eau, nombreux en Aubrac, pose en outre un problème de santé publique. Lors de la réouverture de leurs abreuvoirs, des agriculteurs déplorent d'y retrouver des cadavres de rats en décomposition. Au total, à la fenaison, ces pullulations provoquent une baisse de production de 30 à 40% du fourrage.
Mes prés, on dirait des champs, tellement ils sont ravagés par les campagnols
Même constat dans les Hautes-Pyrénées. "Mes prés, on dirait des champs, tellement ils sont ravagés par les campagnols", constate à Arrens Marsous l'éleveur Maurice Habatjou. Chaque année, son Groupement de défense contre les organismes nuisibles GDON) finance avec l'aide du Parc National des Pyrénées des piégeurs pour tenter d'éradiquer les populations de campagnols sans utiliser de produit chimique pour éviter de contaminer les prédateurs du rongeur. Des nichoirs (notamment destinés aux chouettes effraies) sont également installés pour attirer ces prédateurs.
Le piégeage constitue un moyen de lutte parmi d'autres. Depuis l'interdiction fin 2020 de l'anticoagulant Bromadiolone, les espoirs des agriculteurs se sont tournés vers un autre produit à base de phosphore de zinc. D'autres produits phytosanitaires, le compactage des sols, des installations pour les prédateurs ou encore l'envoi de gaz pour faire exploser les galeries des rongeurs sont également utilisés.
Il n'y a pas une méthode plus efficace qu'une autre. Toute la problèmatique de ces campagnols, c'est que quand on est en pic de population, on ne peut rien faire. Seule une lutte précoce à basse densité de population, lorsque les campagnols ne sont pas encore en phase de pullulation, et seule une lutte collective pourront permettre de limiter durablement la présence de ces ravageurs sur nos territoires.
"Jusqu'à 1000 campagnols par hectare"
Le campagnol se reproduit très rapidement, avec une portée de quatre à huit petits par femelle tous les 21 jours. "On en dénombre jusqu'à 1000 par hectare", affirme un agriculteur. Ces pullulations reviennent par cycles, espacés d'environ cinq ans.
Ce phénomène aurait en partie une explication climatique. "Les cycles de pullulation se sont raccourcis ces dernières années", observe le directeur de la FREDON Occitanie. Les rongeurs, mieux nourris, sont soumis à des hivers plus doux. "On se demande si ces pullulations ne sont pas un effet du réchauffement climatique", avance Matthieu Keller, chercheur au Laboratoire de Physiologie de la Reproduction & des Comportements à l'Université de Tours.
"En hiver, ces animaux sont à l'arrêt sur le plan reproducteur et connaissent une forte mortalité. Il est évident que si l'hiver est plus doux, leur mortalité diminue". "Peut-être que ça amplifie le problème tout comme la destruction des haies qui étaient autant de refuges pour les prédateurs des campagnols au profit de vastes étendues de prairies permanentes".
Pour l'heure, les dégâts provoqués par les campagnols en Occitanie sont en cours de chiffrage. Le phénomène a été classé en danger sanitaire prioritaire au niveau régional. Une réunion prévue le 2 avril sous l'égide du préfet de Région devrait contribuer à mettre en place un plan de lutte à grande échelle. "Il faut lutter collectivement sur des territoires complets et parvenir à une gestion la plus globale et la plus collective possible", insiste Philippe Tixier Malicorne.
Un Fonds national agricole de Mutualisation Sanitaire et Environnemental (FMSE) a par ailleurs été mis en place pour aider les agriculteurs à lutter contre ces pullulations de campagnols.