Le procès de Dieter Krombach, accusé du meurtre de Kalinka Bamberski doit se rouvrir ce mardi
Dieter Krombach sera jugé en France
Le cardiologue allemand est soupçonné d'avoir tué la fille d'André Bamberski en 1982
Le procès de l'Allemand Dieter Krombach pour le meurtre de Kalinka Bamberski, aété renvoyé en mars dernier en raison de l'état de santé de l'accusé.
Initialement prévu du 29 mars au 8 avril, le procès n'avait finalement duré que quelques jours. Il a été renvoyé en raison d'un malaise coronarien dont a été victime Dieter Krombach, 75 ans, en détention, entraînant son impossibilité de comparaître dans l'immédiat.
Le nouveau calendrier d'audience prévoit un procès sur trois semaines au lieu des deux semaines fixées pour le premier procès. Les débats seront repris dans leur intégralité avec un nouveau jury et les témoins seront reconvoqués, y compris ceux qui ont déjà déposé à la barre.
Après avoir été transféré à l'hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière à la suite de son malaise, Dieter Krombach a réintégré le service médical de la prison de Fresnes (Val-de-Marne) où il est incarcéré.
Retrouvez ici notre dossier consacré au procès du mois d'octobre 2011
le procès de Dieter krombach ajourné
Le 8 avril 2011 : Krombach est hospitalisé après un malaise. Son procès est renvoyé.
La cour d'assises de Paris avait annoncé la suspension du procès de l'Allemand Dieter Krombach, accusé du meurtre de la jeune Kalinka Bamberski, dans l'attente d'un nouveau rapport médical sur l'état de santé de l'accusé victime d'un malaise. Le procès n'aura donc duré que quelques jours. L'audience s'était ouverte le 29 mars avant d'être suspendue le 4 avril. Le verdict devait être rendu le 8 avril.
Le procès reprendra dans son intégralité au cours d'une autre session d'assises, avec un autre jury à une date qui n'est pas encore fixée, même si la présidente de la cour Xavière Siméoni a dit espérer que l'audience puisse se tenir avant la fin de l'année.
Actuellement, Dieter Krombach, 75 ans, n'est plus en état de comparaître en raison d'un malaise coronarien survenu pendant le week-end, a estimé la cour d'assises sur la base d'une expertise médicale réalisée cette semaine. L'accusé avait été transféré de la prison de Fresnes (Val-de-Marne) à l'hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière. Les débats étaient suspendus depuisle 4 avril. Dieter Krombach a réintégré mercredi le service hospitalier de Fresnes.
L'accusé, qui se déplace à l'aide d'une béquille, était apparu affaibli depuis le début du procès, disant avoir subi plusieurs infarctus au cours des dernières années.
Réaction d'André Bamberski
André Bamberski, le père de Kalinka, a déclaré "être certain" que Dieter Krombach serait jugé un jour, après que la cour d'assises de Paris eut renvoyé sine die le procès du meurtrier présumé de l'adolescente. "Je n'ai aucun moyen d'agir pour que ce procès ait lieu", a-t-il cependant reconnu.
A ses yeux, le renvoi du procès dû à l'état de santé de M. Krombach, victime d'un problème coronarien, "confirme des dispositions prises pour que ce procès ne se tienne pas jusqu'à la fin". Un peu plus tôt devant la cour qui débattait de la suite à donner à l'audience, M. Bamberski avait pris la parole pour "demander à la cour d'être réaliste, de tenir compte de tous les stratagèmes (de la défense, ndlr) et de ne pas se laisser tromper par les manoeuvres quotidiennes". "Pour moi, M. Krombach fait des malaises cardiaques sur demande aux occasions qui lui conviennent", a-t-il accusé.
Ses premiers mots à la sortie de l'audience ont été pour Kalinka: "Je pensais que la défense aurait la décence d'en parler" avant la levée des débats, a-t-il confié.
Le déroulement du procès de mars-avril 2011
L'accusé, jugé pour le meurtre en 1982 de sa belle-fille Kalinka, a quitté le service médical de la prison de Fresnes (Val-de-Marne), où il était incarcéré, pour être transféré à l'hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière.Un expert mandaté par la cour devait rendre visite à l'accusé dans la matinée pour faire le point.
Le médecin allemand, qui se déplace à l'aide d'une béquille, apparaît affaibli depuis le début du procès, souffrant selon ses dires de problèmes cardiaques. Vendredi matin, le début de l'audience avait été retardé par la venue d'un médecin, alors que l'accusé se plaignait d'une douleur au genou.
1er avril : la supplique bouleversée du frère de Kalinka Bamberski
Nicolas Bamberski, le frère de la jeune Kalinka, a livré vendredi à la cour d'assises de Paris un témoignage entrecoupé de larmes pour dire sa détresse face au mystère de la mort de sa soeur et pour implorer Dieter Krombach, son ex-beau-père accusé, de "s'expliquer".
Venu une première fois devant la cour d'assises de Paris en 1994, Nicolas Bamberski avait dû affronter un box des accusés vide et un report du procès de Dieter Krombach, poursuivi pour le meurtre de sa soeur. Cette fois, le médecin allemand est à quelques mètres de lui, derrière la vitre du box, et le frère de la victime, quadragénaire à l'allure juvénile, n'hésite pas à s'adresser directement à lui, la voix étreinte par l'émotion. "Pourquoi tu n'as pas utilisé l'influence que tu avais dans cette ville de Lindau pour éclaircir la mort de Kalinka ?"
Son ex-beau-père, âgé de 75 ans, ne perd rien de ses paroles et lorsque la présidente lui propose de s'exprimer, Dieter Krombach fixe Nicolas Bamberski pour répondre dans un français teinté d'accent: "C'était très bien avec toi, on s'entendait très bien. Les quatre enfants, vous étiez une grande joie. Je t'assure, j'ai rien fait de mal à ta soeur, je regrette cette fin, je l'aimais, on a pleuré ensemble avec ta mère".
"Est-ce qu'elle est morte après les piqûres que tu lui as faites ?", insiste Nicolas Bamberski. "Ca n'a rien à voir avec ça, à 100%", répond l'accusé.
Jeudi 31 mars : témoignage de la mère de Kalinka et ex-femme d'André Bamberski et Dieter Krombach
La mère de Kalinka Bamberski, ex-épouse de Dieter Krombach jugé par les assises de Paris pour le meurtre de l'adolescente en 1982, a dit à la cour combien elle espérait la vérité: "ça fait vingt ans que ça dure, maintenant il faut qu'on sache". "Je suis venue ici pour avoir la vérité, pour qu'il (Dieter Krombach, ndlr) dise ce qu'il s'est passé. S'il est coupable, il faut qu'il paie", a déclaré Danielle Gonnin, entendue pour la première fois par la cour.
Pendant longtemps, reconnaît-elle, elle n'a pas cru à la culpabilité de Dieter Krombach avec lequel elle a vécu de 1977 à 1984: "je ne suis pas partie parce que j'avais des doutes sur la mort de ma fille. Pendant 28 ans, je n'ai jamais pensé qu'il était coupable de sa mort".
Les choses ont changé lorsqu'en mars 2010, elle a fini par se constituer partie-civile dans la procédure judiciaire française et a découvert toutes les pièces du dossier. "Maintenant, avec tout ce que j'ai lu, avec les rapports médicaux, j'ai lu tout ça et ça m'a chamboulée", reconnaît cette femme de 66 ans qui vit dans la région de Toulouse.
A la différence de Mme Gonnin, André Bamberski, le père de Kalinka, a rapidement été persuadé que Dieter Krombach a tué l'adolescente de 14 ans après l'avoir violée. Il a traqué le médecin allemand durant près de 30 ans pour obtenir qu'il soit jugé.
Danielle Gonnin s'est toujours tenue en retrait du combat de son premier mari, qu'elle avait quitté en 1976 pour vivre avec Dieter Krombach en Allemagne, où ses deux enfants l'ont ensuite rejointe.
Aujourd'hui, elle dit "ne plus reconnaître" dans le box des accusés le séduisant cardiologue qu'elle a aimé mais quitté en raison de ses trop nombreuses infidélités. "Je ne reconnais plus ni son regard, ni sa façon d'être".
Mercredi 30 mars : rejet de la demande de renvoi
La cour d'assises de Paris chargée de juger l'Allemand Dieter Krombach a rejeté mercredi la demande de renvoi du procès déposée par la défense, permettant la poursuite de l'audience.
La cour a rejeté toutes les exceptions de nullité soulevées par les avocats de l'accusé dès le premier jour du procès, mardi. "Je suis plus rasséréné qu'hier matin, le procès va enfin pouvoir se tenir", a réagi lors d'une suspension d'audience André Bamberski, le père de la victime.
Les avocats de Dieter Krombach avaient toutefois laissé planer, en fonction de la décision de la cour, la possibilité de refuser de participer au procès. Ils pourraient s'exprimer à la reprise de l'audience. La défense avait principalement appuyé sa demande sur deux arguments: les conditions d'interpellation à leurs yeux contestables du médecin allemand et l'incompatibilité juridique du procès français avec la procédure déjà menée en Allemagne dans cette affaire.
La cour d'assises a donc refusé de saisir la Cour de justice de l'Union européenne comme le souhaitait la défense pour trancher ce qu'elle considérait comme un conflit de compétence. Les juges n'ont pas retenu non plus l'argument de l'illégalité de l'interpellation de Dieter Krombach, soulignant que l'exercice des poursuites à l'encontre d'un mis en cause n'est pas subordonnée à son "retour volontaire" en France.
Le procès prévu jusqu'au 8 avril ouvre un nouveau chapitre dans cette saga judiciaire hors du commun, ponctuée de discrètes joutes diplomatiques franco-allemandes et d'un rocambolesque enlèvement pour livrer Dieter Krombach à la justice française.
Après trois décennies de péripéties judiciaires, Andrea Bamberski n'aspire désormais qu'à un procès "classique, indépendant et libre", explique Me Laurent de Caunes, l'un de ses avocats. Même souhait de la défense qui craint cependant, selon Me Philippe Ohayon, l'un des conseils de l'accusé, que la justice française se contente de "soutenir la demande de vengeance aveugle" d'un père éploré.
La chronologie complète du dossier
10 Juillet 1982
Kalinka Bamberski est retrouvée morte à l’âge de 14 ans alors qu’elle passait ses vacances à Lindau au bord du lac Constance (dans le sud de l’Allemagne) avec sa mère et son beau-père, le docteur Dieter Krombach.
La jeune fille est retrouvée morte sur son lit le corps recouvert de traces de piqûres et une déchirure au niveau du vagin. Après avoir dit que Kalinka était décédée d’une insolation, son beau-père, le docteur Krombach avoue lui avoir administré des injections pour la ranimer. Il changera plusieurs fois sa version de sfaits.
On apprendra à l’aide d’une expertise que Krombach avait administré une injection à base de fer à sa belle-fille car elle souhaitait bronzer plus vite et qu’il lui aurait donné un somnifère le soir même.
Le rapport d’autopsie de Kalinka ne parle pas de rapport sexuel et ne débouche sur aucune conclusion concernant le décès de la jeune fille, victime d’une asphyxie.
Février 1984
Le père de Kalinka Bamberski dépose plainte en France. Une instruction est ouverte à Paris après le classement de l’affaire par la justice allemande.
4 décembre 1985
Le corps de Kalinka est exhumé au cimetière de Pechbusque, près de Toulouse d’où est originaire sa famille.
17 Août 1987
Malgré des expertises établissant que ces injections avaient « probablement conduit » au décès de la jeune fille, le parquet de Kemptem (Allemagne) prononce un non lieu contre le docteur Dieter Krombach.
Le père de la jeune Kalinka demande à ce que de nouvelles expertises soient faites par le professeur Spann de l’institut médico-légal de Munich. Il mobilise la presse et fait signer des pétitions. Le parquet lui répond alors que l’autopsie ne donne rien car les parties génitales de la jeune fille ont été perdues. La justice locale classe donc à nouveau l’affaire. Le père décide donc de se tourner vers la justice française.
Un an plus tard, un rapport d’experts judiciaires à Paris pointe des anomalies et des lacunes dans les études toxicologiques réalisées en Allemagne
Une enquête est ouverte en France en 1992. Un médecin légiste français affirme bien que les piqûres administrées à Kalinka par son beau père sont bien la cause du décès.
09 Mars 1995
Dieter Krombach est condamné par contumace à 15 ans de réclusion criminelle par la cour d’assise de Paris pour le viol ayant entraîné la mort de sa belle-fille Kalinka Bamberski.
30 mars 1995
Dépêche adressée par Laurent Le Mesle, sous-directeur des affaires et des grâces judiciaires à la chancellerie , à Jean-Fançois Burgelin, procureur général à Paris, lui demandant de ne pas procéder à l’arrêt de condamnation sans l’en avoir au préalable informé
19 avril 1996
Rapport de Burgelin signalant que l’arrêté est suspendu
19 Mars 1997
Krombach est placé sous mandat de dépôt et incarcéré à Munich pour les viols de six jeunes filles.
23 Mars 1997
Krombach est mis en liberté pour raisons médicales, en l’occurrence des problèmes cardiaques.
9 septembre 1997
Dieter Krombach est condamné par le tribunal de Kempten pour agression sexuelle sur une jeune patiente
9 octobre 1997
Reconnu coupable du viol d’une patiente après lui avoir administré des somnifères, Dieter Krombach est condamné à deux ans de prison avec sursis à la surprise générale ainsi qu’à deux ans d’interdiction d’exercer.
7 ou 14 janvier 2000
Le docteur Krombach est intercepté en Autriche puis relâché quelque temps après.
13 février 2001
La cour européenne de justice oblige la France à indemniser le Dr allemand Dieter Krombach à 100.000 francs "pour frais et dépens", jugeant sa condamnation par contumace non équitable.
27 décembre 2002 au 2 janvier 2003
Dieter Krombach est en vacances en Egypte. La justice française est au courant mais ne demande pas son interpellation
2003
André Bamberski dépose une plainte contre X pour « corruption et non exécution d’une décision par les autorités judiciaires »
Décembre 2004
Un mandat d'arrêt européen est lancé contre Krombach. Mais l’Allemagne refuse d’extrader le docteur. Il semblerait que ce docteur Krombach bénéficie de nombreux appuis diplomatiques, que ce soit en Allemagne ou en France. Apparemment, le docteur fût agent secret pour son pays.
07 avril 2005
Le parquet général de Munich (Allemagne) a rejeté le mandat d'arrêt européen émis par le parquet général de Paris à l'encontre du médecin Dieter Krombach.
19 mai 2005
Le père de Kalinka se bat toujours et en appel même au président français Jacques Chirac. Malgré ses huit courriers au garde des sceaux, ses demandes restent sans réponses.
20 novembre 2006
Dieter Krombach est arrêté en Allemagne pour exercice illégal de la médecine dans des cliniques
17 Juillet 2007
Krombach est condamné à 28 mois de prison en Allemagne pour escroquerie et exercice illégal de la médecine. Il est incarcéré depuis son arrestation le 20 novembre 2006.
30 octobre 2007
Le procureur général de Paris Laurent Le Mesle a été entendu comme témoin par la juge d'instruction Nathalie Poux. Il est soupçonné de " corruption des autorités judiciaires " dans le cadre de l'affaire Kalinka Bamberski.
2008
Après 26 ans, le père de Kalinka se pose des questions sur le rôle de la justice française.
10 juin 2008
Le docteur Krombach sort de prison.
Fin juillet 2009
La juge d’instruction prononce une ordonnance de non-lieu, après 27 ans d’imbroglio judiciaire franco-allemand. Les dysfonctionnements de la justice sont toutefois reconnus
09 octobre 2009
André Bamberski fait la connaissance d’Anton Krasniqi lors d’un voyage en Allemagne
17 octobre 2009
André Bamberski es prévenu par téléphone de la présence de Krombach à Mulhouse. Il est arrêté le jour même à son hôtel en possession de 19 000€ en liquide.
Nuit du 17 au 18 octobre 2009
Dieter Krombach est enlevé à son domicile en Allemagne. Il est retrouvé pieds et poings liés sous le porche d’un immeuble de Mulhouse. Il est arrêté par la police française et incarcéré à la prison de Fresnes
André Bamberski est placé en garde à vue.
20 octobre 2009
André Bamberski sort libre de sa garde à vue. Il est mis en examen pour « enlèvement, séquestration arbitraire, coups et blessures volontaires et association de malfaiteurs »
21 octobre 2009
André Bamberski reconnait avoir donné son aval pour enlever Dieter Krombach
27 octobre 2009
La justice allemande délivre un mandat d’arrêt international contre André Bamberski qui a reconnu avoir organisé l’enlèvement du docteur Krombach en Allemagne. Le parquet de Kempten délivre également un mandat contre Anton Krasniqi un Kosovar chargé d’enlever le médecin.
03 novembre 2009
L'examen prévu par la cour d'appel de Paris de la demande de remise en liberté du docteur Krombach prévue est finalement reporté au 10 Novembre
10 novembre 2009
La cour d'appel de Paris rejette sa demande de remise en liberté.
03 décembre 2009
La chambre de l’instruction de Toulouse examine la demande d’extradition vers l’Allemagne pour André Bamberski
08 et 09 décembre 2009
André Bamberski est convoqué par le juge d’instruction de Mulhouse où il est confronté à Anton Krasniqi
10 décembre 2010
La chambre de l’instruction de Toulouse rejette la demande d’extradition pour André Bamberski
03 mars 2010
La cour de cassation rejette la demande de libération provisoire de Dieter Krombach
11 mars 2010
Sortie du livre d’André Bamberski « Pour que justice te soit rendu » aux éditions Michel Lafont
Eté 2010
Un rapport toxicologique confirme la présence de traces de somnifère dans le sang de Kalinka Bamberski
Janvier 2011
Dieter Krombach restera en prison jusqu'à son procès devant la Cour d'assises de Paris le 28 mars prochain
18 janvier 2011
Nouvelle audition d’André Bamberski par le juge d’instruction de Mulhouse
28 mars 2011
Procès de Dieter Krombach devant la cour d’assises de Paris
André Bamberski, un père qui réclame justice
Si Dieter Krombach comparaît devant les assises de Paris, c'est du fait de l'obstination d'un homme, André Bamberski, qui a consacré sa vie à traquer le médecin allemand qu'il accuse d'avoir tué sa fille Kalinka en 1982, jusqu'à le faire enlever en Allemagne.
Loin d'évoquer un Don Quichotte un peu allumé, cet homme robuste aux cheveux blancs, à la voix posée, fait plutôt penser à une machine de précision, Terminator de la traque judiciaire.
Lors d'un entretien avec l'AFP, dans une villa dominant les coteaux du sud de Toulouse, André Bamberski s'interrompt plusieurs fois pour converser avec son avocat parisien et prendre connaissance de 64 pages de fax, les dernières conclusions des avocats de Dieter Krombach. L'ancien expert-comptable et commissaire aux comptes s'est mué en expert judiciaire pour les besoins de son combat, faisant du code de procédure pénale son livre de chevet.
Durant toutes ces années, il ne s'est "accordé aucun repos, partageant tout (son) temps entre le suivi de l'enquête et (son) activité professionnelle", "consacrant vacances, week-ends, soirées à des démarches incessantes", raconte-il dans un livre paru en 2010, intitulé "Pour que justice te soit rendue..." André Bamberski explique avoir fait de ce sacerdoce un "travail à temps plein" après sa retraite anticipée en 1999. Depuis lors, il a toujours exigé de ses avocats de mener la lutte judiciaire sur un pied d'égalité avec eux.
Destin hors du commun pour un homme dont le caractère a été forgé par les épreuves: au printemps 1940, à l'âge de trois ans, une "rafle", raconte-t-il dans son livre, les sépare, lui et sa soeur, de leurs parents arrivés quelques années plus tôt de Pologne dans le nord de la France. "Transférés en Pologne, nous avons été pris en charge par des parents éloignés avant d'échouer dans une prison de Varsovie", écrit André Bamberski qui ne sera rendu à ses parents qu'en août 1946 par la Croix-Rouge internationale.
Mobilisé durant la guerre d'Algérie, il est parti s'installer dès son retour, en 1962, au Maroc où il a rencontré son ex-femme, Danielle, et où sont nés leurs deux enfants Kalinka (1967) et Nicolas (1971). C'est aussi au Maroc que Danielle a rencontré Dieter Krombach avec lequel elle est partie vivre après le retour du couple Bamberski en France en 1974.
"Le soulagement" ne viendra qu'avec le verdict"
André Bamberski explique dans un entretien avec l'AFP que l'heure du soulagement ne viendra qu'après le verdict des assises de Paris
(propos recueillis par Dominique BEAUJOUIN)
Question: Quel est votre sentiment alors que Dieter Krombach va comparaître 29 ans après le décès de votre fille au domicile de celui qui était alors son beau-père?
Réponse: "Le soulagement, ce sera seulement le 8 avril au soir quand le verdict sera prononcé. En attendant, je connaîtrai encore de grandes tensions. J'y ai été habitué longtemps, et il n'y avait pas l'espoir, mais depuis le 18 octobre 2009 (ndlr: l'enlèvement de Krombach en Allemagne et son interpellation en France), il y a l'espoir au bout.
Il y a eu un supplément d'information, des éléments importants, une expertise médicale complémentaire, des témoignages de trois jeunes filles venues dire qu'elles avaient été victimes d'abus sexuels du Dr Krombach. Nous considérons avec mes avocats que la condamnation est imparable.
Dieter Krombach a refusé tous les interrogatoires de la juge d'instruction, peut-être dira-t-il à l'audience +j'exerce mon droit au silence+. J'estime que tout ce qui est fait par ses avocats, les demandes de nullité du procès, sont des manoeuvres pour continuer à intimider les autorités judiciaires."
Q: Vous avez dénoncé les "faiblesses françaises" face au "nationalisme judiciaire allemand". Pourtant la justice française a rejeté les demandes de remise en liberté de M. Krombach, depuis qu'on l'a retrouvé ligoté près du commissariat de Mulhouse.
R: "J'ai les preuves écrites des pressions allemandes. Je dois reconnaître qu'à partir du moment où j'ai été certain que la France le garderait en détention jusqu'à son procès, j'ai dit: +la France politique et judiciaire a changé de position+. De plus la juge d'instruction a été consciencieuse et compétente, je ne peux pas me plaindre.
Le 18 octobre a changé les choses. Dès ma garde à vue après l'enlèvement, les médias se sont saisis du sujet, l'opinion publique a été mise au courant, et plus personne n'a pu faire marche arrière, j'ai reçu des soutiens innombrables, même si je suis conscient que j'ai mis tout le monde dans la merde.
Je suis habituellement pessimiste et craintif, mais tel que le dossier se présente depuis le supplément d'information, on aura ce que je réclame depuis longtemps, un procès complet et équitable."
Q: Vous êtes vous-même menacé de prison pour l'enlèvement de Dieter Krombach...
R: "J'ai accepté la proposition qui m'a été faite de faire transporter le Dr Krombach d'Allemagne en France, cela je l'assume, mais je n'ai participé à rien. J'ai été mis en examen à Mulhouse comme auteur principal avec deux hommes qui ont effectué l'enlèvement. L'instruction devrait être terminée en avril-mai. Si celle de l'affaire Kalinka avait été ne serait-ce qu'un dixième de fois aussi efficace, il n'y aurait pas eu besoin d'enlèvement. Le procès ne devrait pas se tenir avant septembre 2011.
C'est passible de 10 à 20 ans en comptant séquestration, coups et blessures, association de malfaiteurs. Oui je crains de la prison ferme, mais pour le moment ce n'est pas mon souci. J'aurai suffisamment de temps pour y penser après le procès d'assises."
Une épine dans la coopération franco-allemande
Innocent pour les Allemands, suspect pour les Français, l'Allemand Dieter Krombach, met à rude épreuve la coopération judiciaire entre les deux pays dans un espace judiciaire européen qui se cherche encore.
Au coeur du litige, la règle de droit dite "non bis in idem" ("pas deux fois pour la même chose"): nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement pour des faits définitivement jugés dans un autre Etat, un principe acté dans le droit communautaire.
Or pour les autorités allemandes, la France contrevient à ce principe car en septembre 1987, la cour d'appel de Munich, examinant l'ensemble des incriminations, a rendu une ordonnance de non-lieu à l'égard de Dieter Krombach, interdisant l'exercice de poursuites ultérieures à son encontre, sauf élément nouveau. C'est aussi sur ce fondement que l'Allemagne a toujours refusé de mettre en oeuvre le mandat européen qui visait le cardiologue allemand depuis 2004.
A l'opposé, la justice française considère que la règle "non bis in idem" ne s'applique pas dans ce cas car la décision allemande ne revêt pas l'autorité de la chose jugée et n'a pas valeur de jugement définitif.
"Ce n'est pas à la justice française de juger la justice allemande", tempête Me Philippe Ohayon, l'un des avocats de M. Krombach qui plaidera de nouveau, à l'ouverture du procès, la nullité de la procédure et demandera que la France saisisse la Cour de justice de l'Union européenne afin de trancher ce conflit de compétence.
Cette saisine serait effectivement bienvenue pour arbitrer le différend juridique, estime de son côté Juliette Lelieur, maître de conférence à l'université de Rouen, spécialiste en droit européen et auteur d'une thèse sur la règle "non bis in idem". "La commission européenne a lancé à plusieurs reprises des propositions pour harmoniser les compétences des Etats sur cette question, mais ceux-ci sont encore très réticents", explique Mme Lelieur. "La solution actuelle, c'est la discussion amiable entre Etats, au cas par cas", poursuit-elle.
Dans le dossier Krombach sont répertoriés plusieurs échanges écrits entre les autorités françaises et allemandes sur le sort de la procédure que la France, durant longtemps, n'a pas semblé pressée de voir aboutir. André Bamberski va plus loin en imaginant que le médecin qui a travaillé pour le consulat d'Allemagne au Maroc a bénéficié de protections haut placées dans son pays.