Au 8 de la rue Neuve à Rodez, artère tortueuse de la vieille ville ruthénoise, le plasticien Claude Lévêque a créé un lieu de pause entre deux points de son installation aux néons, "Le Bleu de l'Oeil", pour le Musée Soulages.
Un art contemporain qui veut accompagner le public en trois lieux différents, du 25 avril au 27 septembreAu musée Soulages, bientôt un an et quelque 270.000 entrées, une salle entière est consacrée à la partie majeure de son installation.
"Il ne faut pas perdre de vue le concept de Soulages, explique Benoît Decron, directeur des musées du grand Rodez, commissaire de l'exposition.
Un musée monographe s'épuise s'il reste autour d'un seul artiste", dit-il citant le concepteur des "outrenoirs" (au-delà du noir).
Vidéo : l'expo Levêque à Rodez, un reportage de Floréal Torralba et Dominique Cantrelle
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Lévêque a élargi son aire géographique à la ville
"J'y suis venu longuement. Cette démarche a déjà un an et résulte de longues marches à Rodez", explique cet artiste, né à Nevers il y a près de 63 ans, et créateur de séries d'installations à Paris, New-York ou Tokyo.
Claude Lévêque "sait de manière intuitive utiliser les lieux pour des objets. On se trouve quelque part entre l'imaginaire et le réel", commente Benoît Decron.
Au musée Soulages, dans une immense pièce de quelque 200 m2 mise à sa disposition, deux immenses plaques noires forment un triangle horizontal. En leur sommet, se découpent des formes de montagnes et de plaines lointaines. Derrière cet horizon, la lumière orangée du coucher du soleil.
Sur ces murs noirs, une série verticale de lignes bleues-blanches de néons, pas tout à fait droites, pour donner l'impression de "vibrations", explique l'artiste à une poignée de journalistes.
Entre théâtre et rêve
On s'y perd, dans une immensité qui paraît comme un décor de théâtre mais qui n'en est pas un. Un rêve éveillé dans le silence, part essentielle de la rencontre avec ce paysage de toutes pièces.
"Le Bleu de l'Oeil" est le titre de l'exposition mais aussi de cette installation.
Pourquoi le bleu? Une inspiration du roman "La Grande Chute" de l'écrivain autrichien Peter Handke.
"Soudain le ciel était devenu bleu. Il n'était pas seulement bleu mais bleuissait et bleuissait", y lit-on. Cette couleur permet au personnage qui parle "une illumination des choses qui l'entouraient, la lumière d'un dernier jour, +de mon dernier jour+".
"Oui, explique Claude Lévêque, c'est ce qu'elle (la couleur bleue) représente sur la vie, sur la mort".
L'affiche de l'exposition montre le visage d'une vierge polychrome pleine de douceur et d'humilité, datée du XVIe siècle, mais dont Lévêque a coloré les yeux en bleu.
Cette statue se trouve au musée Fenaille, un hôtel particulier dont la construction remonte au Moyen-Age. Dans son sous-sol, au milieu d'une courette entourée d'escaliers de pierre et d'un puits, "Le Châtiment" attend le visiteur: c'est la troisième partie de l'installation de Claude Lévêque.
Un tronc d'arbre dénudé entouré d'un néon rouge à la forme brisée s'élève vers le ciel: en fait une pyramide de verre par laquelle passe la lumière du jour.
Lévêque explique qu'il avait conçu cette oeuvre en partie pour la Pyramide du Louvre, mais l'a adaptée à cet espace spectaculaire, qui navigue entre le médiévalet le contemporain.
Parti du Musée Soulages vers "Le Châtiment", le spectateur traverse la vieille ville et prend la ruelle Monteil. Tout au bout, l'attend une boutique blanche, vide, tout en profondeur.
Dans ses deux vitrines, des mots inscrits dans des néons blancs-bleus, conçus et écrits "maladroitement de la main gauche" par le filleul de Lévêque, Romaric Etienne, 14 ans.
A droite de la porte d'entrée "La mer aveugle" et à gauche "Le long couloir".
On est au 8 de la rue Neuve.
Une pause. On revoit toute sa vie avant "Le Châtiment".
Vidéo : Claude Levêque devenu artiste "par échec scolaire, par lâcheté, inadaptation au monde compétitif"; un reportage de Luc Tazelmati