L'annonce faite ce matin au cours d'un petit-déjeuner au Café Bras de Rodez a fait l'effet d'une bombe. Le peintre Soulages, maître de l'Outrenoir, a annoncé en buvant son petit crème qu'il renonçait définitivement au noir. "Trop déprimant" a-t-il jeté en ajoutant un nuage de lait à son breuvage.
"Je ne veux plus broyer de noir"
C'est pourtant bien le noir qui a fait la renommée internationale de Pierre Soulages. Enfant, il boudait les crayons de couleur et dès son plus jeune âge dessinait avec une mine de plomb. A partir des annnées cinquante, il lui consacre la quasi-exclusivité de sa palette. Pourquoi le noir ? Pour la lumière qui naît du contraste et de l'interaction avec le blanc. Le musée de Rodez à qui il a donné son nom il y a 2 ans envisage sérieusement d'aquareller ses outrenoirs.Le "grand rêveur du noir" se repent
"Noir c'est noir, il n'y a plus d'espoir" a fredonné le peintre ruthénois de passage sur sa terre natale au cours d'une conférence de presse improvisée. A 95 ans passés, il a décidé de s'offrir une seconde jeunesse et une dose supplémentaire d'espérance, en revisitant son éventail de couleurs."Au printemps, j'attaque le rouge" a-t-il annoncé tout de go aux visiteurs médusés du musée qui en ont lâché leur catalogue raisonné en se demandant si le maître ne faisait pas là un caprice dû à son grand âge ou à un abus de Marcillac.
Soulages en quelques chiffres
Né le 24 décembre 1919 à Rodez, Pierre Soulages a réalisé quelque 1 550 tableaux. En 1979, il invente l'outrenoir, une expression qui marque un tournant dans sa carrière et sa manière de faire. Sa réflexion est fondée sur les états de surface du noir et de la lumière qu'elle propage. Reliefs, entailles, sillons dans la matière noire créent des jeux de lumière et de couleurs.Pour son 90eme anniversaire, en 2009, le Centre Pompidou présente la plus grande rétrospective jamais consacrée à un artiste vivant : 502 000 visiteurs affluent pour visiter les oeuvres de l'artiste. En 2005, Pierre Soulages décide de donner à sa ville natale 500 oeuvres : broues de noix, eaux-fortes, sérigraphies, travaux préparatoires des vitraux de l'abbaye de Conques et quelques outrenoirs.