Emmanuel Négrier politologue, chercheur au CNRS de Montpellier décrit les trois énigmes de ce second tour : l’existence et l’intensité de la mobilisation électorale ; la transfiguration du FN en parti de second tour et la nouvelle identité politique de cette région.
Trois énigmes étaient au cœur de ce second tour : l’existence et l’intensité de la mobilisation électorale ; la transfiguration du FN en parti de second tour ; la nouvelle identité politique de cette région.
La mobilisation a été supérieure de plus de 10% vis-à-vis du premier tour, ce qui est une augmentation plus forte encore que celle de l’élection présidentielle de 2002, particulièrement dramatisée (+7%). C’est elle qui assure la victoire de la nouvelle liste Delga, à gauche, mais elle profite aussi au FN et à la liste Reynié, quoique diversement. Cette participation, bien que meilleure, reste contrastée selon les bureaux de vote, dans un rapport du simple au double en taux, entre les bureaux populaires, aux scores parfois inférieurs à 40%, et les autres. Seule la victoire est belle, dit-on. Mais la gauche serait bien inspirée de ne pas faire de triomphalisme.
Le FN n’est certes pas le vainqueur du second tour, mais il progresse entre les deux tours de près de 150000 voix, dépassant les 800000 au total ! Une progression qui se décline là où le FN a surgi dans les années 1980, surpris encore dans les années 1990 avant de s’enraciner dans les années 2000 et de s’établir aux commandes publiques dans les années 2010, à Beaucaire, à Béziers, entre autres. Ceux qui pensent que le FN au pouvoir c’est la garantie de voir son vrai visage, et les électeurs s’en détourner en sont pour leur frais : le FN, établi, progresse encore. Ses bastions sont tous confirmés, de Castelsarrasin à Vauvert, de Pont-Saint Esprit à Saint-Laurent de la Salanque, de Montech à Mazamet ou Graulhet. Le FN s’impose comme force hégémonique à droite sur une faiblesse à la fois classique et actuelle de la droite républicaine : sans vraie racine idéologique dans cette région, elle a alterné des positions contradictoires à l’égard du FN, entre imitation et réprobation : faiblesse dont le FN a tiré parti, en bon opportuniste.
La gauche n’est pas mieux, du point de vue de sa consistance idéologique, entre Pierre Laurent et Emmanuel Macron, pour personnaliser (à l’excès, mais c’est plus simple). Et il est stupéfiant de voir le FN piocher aussi dans les registres vert et rose, la célébration des circuits courts, des tarifications sociales.
Enfin, pour la région, la fusion aura été une aubaine pour la gauche. Le Languedoc-Roussillon, certes dans une autres configuration politique de campagne et de leadership, aurait arithmétiquement perdu l’ancienne région Languedoc-Roussillon : 40,42% pour Le FN ; 40,13 pour la gauche, et un peu moins de 20% pour la droite.
À ces trois énigmes s’ajoute évidemment celle du jour : quelle gouvernance (politique, territoriale et sociale) de cette région ? Le mystère demeure.
Le nombre de sièges obtenus par formation politique