Comme le disait son mentor, le poète Occitan Félix Castan, c’est « aussi présent et invisible que l’air que nous respirons ». Le rapport Paris / province insupporte Claude Sicre. Associé au peintre Hervé Di Rosa, ils partent à l’assaut du "centralisme intellectuel et culturel".
Pour l’ex Fabulous Trobador, « il n’y a que dans la langue française qu’on trouve un terme pour désigner tout ce qui n’est pas la Capitale ». « Province » appelée aussi par Apollinaire le « continent oublié de la France ». Province qui étymologiquement signifie pour les auteurs, région vaincue, soumise, interdite de grande initiative.
Difficile, en cette année électorale qui arrive, de ne pas voir dans cet ouvrage (soutenu par le Conseil Régional et préfacé par Carole Delga) un acte militant. Mais difficile aussi de donner tort à ses auteurs face à « cette machine à uniformiser » qu’ils dénoncent. La démonstration est sans appel.
Relisez maintenant et vous allez voir ça partout ! En fait, ce qui me semble invraisemblable, c’est que cela n’ait jamais été vu. Car il n’y a rien que de très logique : l’axe central de la construction de la nation et de l’Etat français, et donc de toute la vie de cette nation et de cet Etat, c’est la centralisation ».
Hervé Di Rosa se veut le concepteur de « l’art modeste ». Il a d’ailleurs fondé en 2000 à Sète le MIAM (Musée International des Arts Modestes ». Une création « en alternance à l’arrogance culturelle » pour « revaloriser des cultures humbles et questionner les frontières de l’art contemporain ».
Claude Sicre de son côté s’est toujours voulu le défenseur d’une culture populaire. « Toutes les modes populaires viennent du populo » écrit-il en ce sens. Ce qu’il note en revanche, c’est qu’il y a toujours ensuite « des enfants des classes supérieures pour les récupérer, prendre la tête du mouvement depuis Paris et tout devient ennuyeux ».
Pourquoi opposer savant et populaire ?
L’art ou la culture populaire ce sont aussi notre folklore, nos traditions, notre patrimoine, appelez-les comme vous voudrez. Par exemple pourquoi être allé s’enticher d’Halloween alors que « chaque région possède d’antiques coutumes pour la fête des morts ? »
Eh bien non, nous ne sommes pas en Italie où le moindre village, et parfois les villes, ont conservé sans forcer des traditions culturelles locales d’une profondeur historique incroyable (jusqu’à la Grèce antique) ».
Exemple de cet art ou de ce patrimoine dit, à tort, « mineur » : la pétanque. Et Sicre de nous conter Bernard Champey. « Né à Romans, enfant d’une famille d’ouvriers dans la chaussure, champion du monde junior de longue (lyonnaise) à 15 ans, professionnel à 16 ans en Italie, trois fois champion du monde sénior, qui traîna un an aux USA à donner des leçons de pétanque aux italo-américains de Las Vegas (l’entourage de Sinatra) battant au Texas les champions du lancer de fer à cheval et ailleurs les champions de bowling dans leurs festivals, introducteur des jeux de boules en Chine où il passe trois mois par an depuis quarante ans reçu comme un prince… » Le héros du prochain livre de Claude Sicre ?
Aimer sa région ne veut pas dire ne plus en sortir
Les influences des deux auteurs de « Notre Occitanie » ne renient toutefois pas leurs références aux « illustrés », à la BD, au rock ou encore au graffiti. « L’occitanisme est venu chez nous après l’Américke des rêves et les USA des voyages comme aboutissement d’une recherche » écrit Claude Sicre. Retrouver des racines ou une identité n’est en rien se fermer à d’autres inspirations. Aimer sa région ne veut pas dire ne plus en sortir.
Mais la dichotomie Paris/province a la vie dure. « Ce qui est étonnant, c’est de s’apercevoir que plus les gens sont haut-placés, plus ils vivent intérieurement et mondainement dans ces fadaises » surenchérit Claude Sicre. « Toute une éducation à refaire. Qui ne peut partir que d’en-bas, du « provincial » dans tous les sens du terme »
Le provincial « qu’il faut toujours rester au fond, pour ne jamais triompher et devenir une autorité sans partage ».
« Notre Occitanie » d’Hervé Di Rosa et Claude Sicre, éditions Anagraphis.