Suite à plusieurs accidents, le collectif "Un jour un chasseur" lançait une pétition en ligne signée par plus de 120.000 personnes. Une mission parlementaire sur la sécurisation de la chasse voyait alors le jour. Le rapport sénatorial vient d'être rendu public : colère des associations de victimes de la chasse et de défense des animaux.
Dans un communiqué commun, les associations de victimes de la chasse et de défense des animaux dénoncent le travail rendu par la Mission sécurisation de la chasse du Sénat.
Les 5 mesures phares demandées par ces associations n'ont pas été reprises. Maigre consolation : le contrôle de la consommation d'alcool et la présentation d'un certificat médical annuel font partie des préconisations. En revanche, le rapport mentionne aussi l'instauration d'un délit d'entrave à la chasse. De quoi mettre en colère le collectif "Un jour un chasseur".
Un "rapport indécent par rapport aux victimes de la chasse"
"On savait que nos propositions seraient étudiées et pas toutes reprises. On ne se reconnaît pas du tout dans ce rapport. Ça dépasse l’entendement et c'est indécent par rapport aux victimes de la chasse. Certaines de ces mesures préconisées vont même à contre-sens de ce que nous voulions".
La co-fondatrice du collectif "Un jour un chasseur", Mila Sanchez, ne mâche pas ses mots. Non seulement ce collectif n'est pas content, il est aussi très en colère de ne pas avoir été entendu et les 122.424 signataires de leur pétition non plus.
Elle a été lancée en ligne en septembre 2021 pour demander que l'exercice de la chasse soit davantage contrôlé et sécurisé. Avec plus de 120.000 soutiens en à peine 2 mois, le collectif avait été reçu à la Haute-Assemblée en décembre, entrainant pour la première fois la création d'une mission parlementaire suite à une e-pétition.
Le rapporteur de ce travail est le sénateur de l'Ain Patrick Chaize (LR) sous la présidence de Maryse Carrère, une sénatrice des Hautes-Pyrénées membre du groupe Rassemblement Démocratique et Social Européen (plutôt de gauche). Ces 2 personnes ne sont pas des chasseurs. Les auditions étaient filmées et diffusées sur le site du Sénat ce qui a provoqué des réactions des "pro ou anti-chasse", mais Maryse Carrère l'assure : "je n'ai reçu aucune pression de l'extérieur ni de l'intérieur. Le président Larcher est un chasseur, mais il n'est jamais intervenu."
Un travail bien évidemment clivant qui a demandé 48h d'auditions de 70 personnes avant d'être rendu public ce mercredi 14 septembre 2022.
Que trouve t-on dans ce rapport?
Le collectif "Un jour un chasseur" reçu en décembre 2021 au Sénat, puis les autres associations de défense des animaux en février 2022, avaient formulé des propositions dont 5 principalement :
- instaurer des jours sans chasse comme le mercredi et le dimanche
- donner une formation plus stricte aux chasseurs et renforcer la sécurité
- effectuer un contrôle des armes de chasse en circulation
- appliquer des sanctions plus dissuasives à l'encontre des chasseurs ayant provoqué des accidents mortels ou corporels
- prise en compte des "accidents de chasse" pour ce qu'ils sont en évitant leur banalisation
"On ne retrouve rien de tout ça alors que certaines de ces mesures sont appliquées à l'étranger comme des jours sans chasse ou le contrôle des armes", déplore Mila Sanchez.
Dans les 30 propositions des sénateurs, on retrouve peu de préconisations de ces associations alors que la mission avait déclaré que "toutes les pistes sont sur la table".
"Les 2 seules choses sur lesquelles nous avons été entendus sont le seuil d’alcoolémie maximal similaire à celui du code de la route et l'obligation de fournir un certificat médical annuel comme pour tous les sports avec une arme. En revanche, nous n'avons pas été suivi sur l'interdiction de la chasse pour les mineurs."
Comme un goût amer pour "Un jour un chasseur". De son côté, Maryse Carrère trouve le rapport "équilibré". "Nous avons écouté tout le monde, sans parti pris. On a fait un tour complet pendant 10 mois. Sur la demande d'instaurer un jour sans chasse, nous ne le voulions pas, car singulariser une activité n’amènerait rien. Ce serait dire indirectement que le reste du temps les chasseurs peuvent faire ce qu'ils veulent. On a voulu laisser la liberté aux territoires. Dans certains départements, ce jour ou ces jours sans chasse existent par exemple dans l'Ain. Mais chez moi dans les Hautes-Pyrénées, la chasse en zone de montagne ne pose pas de problème."
Une préconisation met vent debout le collectif "Un jour un chasseur" et les associations de protection des animaux : le délit d'entrave à la chasse. Actuellement, toute personne voulant s'opposer à un acte de chasse est punie d'une contravention. Les sénateurs souhaitent la transformer en délit. "Nous avons voulu un rapport équilibré. C'est un peu la contrepartie de ce que nous demandons par ailleurs : l'obligation pour les chasseurs de déclarer publiquement leur terrain de chasse", déclare la présidente du rapport.
"Un jour un chasseur" pas entendu
Le collectif "Un jour un chasseur" avait été créé suite au décès de Morgan Keane tué accidentellement en décembre 2020 alors qu'il coupait du bois dans le Lot. Ce mouvement assimilé souvent à un #MeToo de la chasse avait alors permis de libérer la parole de victimes.
Selon l'Office Français de la Biodiversité, la chasse aurait fait une vingtaine de morts tous les ans depuis deux décennies, 428 personnes exactement décédées entre 1999 et 2021. "il y a moins d'accident ces dernières années, assure Maryse Carrère. Mais un accident est un accident de trop."
Exit donc une journée sans chasse, le renouvellement tous les ans du permis de chasse, ou encore le respect de distances de sécurité autour des habitations car selon Maryse Carrère : "il serait impossible de chasser en France. Ce n'est pas la distance qui pose problème mais la posture du chasseur. Je rappelle qu'il est interdit de tirer face à une habitation".
La présidente reconnaît que le collectif a de quoi être déçu car "leurs propositions étaient exigeantes". Ce rapport sonne donc comme un échec. "Nos représentants ne répondent pas, ou n'ont pas envie de répondre aux attentes. On va contacter le ministère de l'Intérieur. Si ce n'est pas suffisant on ira plus haut. Nous en réfèrerons à l’Union Européenne", assure Mila Sanchez.
Rappelons qu'il s'agit pour l'instant de simples préconisations. Selon Maryse Carrère, les sénateurs décideront dans les prochaines semaines si tout ceci fait l'objet d'une proposition de loi.