Suicide d'un dentiste : "il ne supportait pas de ne pas pouvoir adresser ses patients à des confrères" témoigne sa collègue

Après le suicide d'un jeune dentiste de 30 ans à Cahors, nous avons cherché à comprendre les conditions de travail et la pression qu'il dénonçait dans sa lettre laissée à ses collègues. Nous nous sommes entretenus avec sa collègue Juliette Périé, dentiste dans le même cabinet.

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Lundi 6 septembre, un jeune dentiste de 30 ans a mis fin à ses jours dans le cabinet où il pratiquait à Cahors. Dans un mot laissé à ses collègues, il a expliqué ne plus supporter la pression liée à son métier. Comme dans beaucoup de territoires ruraux, le Lot manque de dentistes et les conditions de travail de ces praticiens se sont dégradées ces dernières années. Nous avons posé trois questions à Juliette Périé, dentiste et collègue du jeune homme.

Quelles sont les tensions que vous vivez aujourd'hui dans le cadre de votre travail de dentiste?

Juliette Périé : Au quotidien on est surchargé d'appels de la part de patients, qui sont dans des états pitoyables et qui souffrent énormément. Certains n'ont pas été vus depuis plus de 3 ans, avant le confinement et ils n'étaient peut-être pas suivis. Et maintenant qu'ils ont besoin de soins et qu'ils le demandent, ils tentent d'obtenir des rendez-vous dans plus de 25 cabinets sans qu'on puisse les soigner. Nous, on ne peut plus accueillir de nouveaux patients. On a des personnes qui nous font confiance depuis des dizaines d'années et on ne peut pas leur dire d'attendre un an. Car on en est déjà là. Pour certains patients, on a des rendez-vous jusqu'en février 2024. Le planning est déjà plein et les demandes trop nombreuses par rapport à la quantité de praticiens que nous sommes dans le Lot.

Vous en tant que praticien, comment le vivez-vous ?

J.P : C'est très lourd au quotidien. Si on veut prendre un peu de temps pour nous, il faut qu'on le prévoie 6 mois à l'avance. Annuler ne serait-ce qu'une journée c'est 25 patients à reporter, à replacer et à recharger sur des journées déjà pleines. C'est une forte pression. Je pense que ce jeune ne supportait pas de ne pas pouvoir adresser ses patients à des confrères. On a très peu de spécialistes. Heureusement, certains savent se rendre disponibles pour une grosse urgence, ou quand le patient est en danger. On a des patients poly-médicés où la prise en charge doit être rapide. Et quand on appelle les spécialistes, ils ont eux aussi 6 mois de délai. Un enfant qui a des gros soucis en bouche, il n'a pas choisi de ne pas être soigné. Il est en souffrance et ça a un impact sur sa croissance. Des antibiotiques à répétition, c'est très mauvais pour un enfant. Comme on a un service pédiatrique débordé à Cahors, on est obligé d'orienter les familles vers d'autres CHU. Et l'enfant va devoir continuer à souffrir encore pendant de longs mois avant d'être vraiment pris en charge. On risque des septicémies.

Comment réagissent les patients quand ils sont refusés ?

J.P : Heureusement que nous, praticiens et assistantes formons une équipe soudée. Car on se fait souvent agresser par les patients. Alors je comprends que, quand on a mal, souvent l'agression prend le dessus, la méchanceté aussi. Parfois je suis obligée d'aller porter plainte au commissariat. Ce sont la plupart du temps des patients que l'on ne connaît pas. Notre patientèle est plus compréhensive.

Dans le département du Lot, de nombreux dentistes ont pris leur retraite et n'ont pas été remplacés. On en dénombre une centaine. Il en faudrait au moins 10 de plus selon l'Ordre des chirurgiens-dentistes.

Les professions de santé et de l'action sociale font partie de celles qui connaissent le plus fort taux de suicide, selon l'étude menée par santé France en 2019.

Article écrit en collaboration avec Jean-Pierre Zahn.

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