Le prix de la truffe au kilo explose : près de 2.000€ sur les marchés de centre ville à Toulouse (Haute-Garonne). Un prix exorbitant dû à la pénurie. La sécheresse estivale en est la cause. L'autre point noir : la qualité... médiocre.
En France, la récolte de truffes est pauvre cette année. Pauvre en quantité et médiocre en qualité en ce début de saison. La raison est à chercher du côté de la météo estivale : la sécheresse de plus de deux mois qui a sévi en juillet et août 2022.
"Elle est un peu sèche, dure, "boisée" dit-on dans le métier. Bref elle a souffert, explique Pierre-Jean Pébeyre, conserveur à Cahors et directeur de l'entreprise Pébeyre. Comme le temps n'est pas froid, s'ajoutent à ça les bestioles, des vers, des petits insectes qui la mangent. Elle est "bouffée de partout". C'est une très mauvaise récolte en très petite quantité"... N'en jetez plus !
"Aucun goût !"
Un constat partagé par les consommateurs qui s'avèrent déçus par la qualité des truffes achetées à prix d'or sur les marchés du Lot où on peut s'en procurer à des tarifs allant jusqu'à 1.300€. En Haute-Garonne, l'inflation est exponentielle : 1900€ le kilo au marché Victor Hugo au centre ville de Toulouse (Haute-Garonne).
"J'en ai acheté quelques grammes pour 50€, explique cette habituée du marché. Je l'ai découpée soigneusement pour l'utiliser notamment sur des toasts à déguster... Aucun goût ! J'ai regretté de n'avoir pas ajouter de l'huile aromatisée à la truffe pour avoir au moins l'illusion de trouver un tout petit peu de goût. C'est dire !" ajoute-t-elle agacée.
Même constat pour cet autre acheteur dépité : "je l'ai achetée samedi matin. Tout le monde s'est jeté dessus. J'en ai pris une de 20 grammes. Un peu d'odeur mais pas de goût... J'ai l'impression d'avoir acheté quelque chose qui ne valait pas ce prix-là !".
"90% de la truffe vient d'Espagne"
La demande est forte mais les professionnels ne cèdent pas tous aux sirènes. Ils savent par expérience que la truffe est meilleure après les fêtes. Simple question de maturité. Michel Carrendier, chef du restaurant "La Garenne" situé à Saint-Henri à Cahors, n'en cuisine pas pour le moment. "Je préfère attendre mi-janvier qu'elle soit mûre. Le problème c'est : à quel prix on va la trouver ? Elle va rester chère cette année car il n'y en a pas beaucoup".
Le restaurateur reconnaît que, malgré le fait qu'elle soit estampillée du cru par les divers marchés du Lot, la truffe vient essentiellement d'Espagne. "Beaucoup de trufficulteurs vont la chercher de l'autre côté de la frontière. Il n'y a pas de différence de qualité, tant que c'est de la Tuber melanosporum. Elle peut aussi venir du Gard, de la Marne où on s'est mis à la cultiver... aucune différence. C'est une question de terroir, de comment elle est ramassée et surtout irriguée... Les gens qui ont de la truffe cette année, ce sont ceux qui ont irrigué".
Un sentiment d'échec
Un fait que Pierre-Jean Pébeyre ne démentira pas. Depuis le début des années 80, il milite pour l'irrigation. "90% de la truffe vient d'Espagne, tranche-t-il. C'est un constat d'échec absolu de notre système de production depuis une trentaine d'années. Dans les années 80, j'ai expérimenté l'irrigation, on a saboté mon équipement, crevé mes tuyaux". Or la solution était là explique l'artisan.
"On a trouvé, en travaillant avec l'université de Toulouse, comment éviter que les truffes qui naissent ne meurent rapidement. La méthode a été décrite, publiée : il faut de l'eau et amener de la matière organique à la truffe, des fertilisants. Ce que fait l'Espagne depuis 20 ans. Ce sont là-bas des agriculteurs qui la cultivent, pas des notaires ou des dentistes à la retraite qui s'amusent comme ici. En France, on a préféré le folklore, les bancs de la truffe, on a surfé sur cette image médiatique. Le résultat est là !".
Quid du réchauffement climatique ?
Et qu'on ne parle pas à Pierre-Jean Pébeyre de réchauffement climatique ! "En Espagne, il y a de la truffe et pas en France alors que le climat est plus sec là-bas. La truffe pousse à 20 cm sous terre. Elle est plus protégée qu'un fruit des à-coups du climat : les gros orages, les tempêtes, les sécheresses. Elle peut s'en débrouiller si le temps est très sec. Il suffit que des orages éclatent de temps en temps".
Une plus grande sécheresse comme celle qu'on a vécu cet été lui est en revanche quasi fatale. D'où la nécessité d'irriguer et de nourrir la Tuber, estime Pierre-Jean Pébeyre, avant de conclure : "ce qu'il y a de dramatique, c'est que moins il y en a, plus on en parle".
Irriguer aujourd'hui, est-ce la solution ? L'été, les restrictions sont légion et malgré cela, l'eau potable commence à manquer dans différents secteurs. Manque de jugement ou évolution inéluctable... ces changements semblent sonner le glas de la production de truffes.