Par le biais d’une photo de classe de 1982, le film nous plonge dans les années 80. Les anciens élèves d’un collège de Cahors dans le Lot se retrouvent et se remémorent leur adolescence. Entre témoignages, commentaire et images d’archives, le film nous fait revivre ces années de transition, oscillants entre espoirs et désillusions
"Nos années menthe à l'eau" : un film de Marie-Christine Courtès à vous le jeudi 18 janvier 2024 à 22h50. Une coproduction France 3 Occitanie et Les Films du tambour de soie.
Une belle idée que d’évoquer une époque en partant d’une photo de classe pour refaire le chemin. Retour en 1982. Le documentaire nous raconte quels goûts, quels parfums et quelles couleurs avaient les années 80.
Marie-Christine Courtès, la réalisatrice du film, est sur la photo. Elle fait partie des anciens élèves de la 3ème F du collège Gambetta à Cahors. Parmi ses anciens camarades de classe, ils sont plusieurs à avoir accepté de revivre des moments de leur jeunesse pour nous embarquer dans leurs souvenirs et nous plonger dans la réalité des années 80.
Les années menthe à l’eau
Les souvenirs remontent. C’est la rentrée des classes. Tous les copains et copines sont heureux de se retrouver. Les mêmes qu’en 4ème ou presque. Visite du collège. L’internat. Les pions. Fumer en cachette. Les profs. Certains plus académiques que d’autres, plus imprégnés de l’époque post-70 et avec lesquels il était plus facile de partager "Avec notre prof de français, on avait étudié la chanson que j'adorais : "Champagne" d’Higelin".
Nous sommes nés en 1968, pour la plupart loin des barricades. Pendant notre dernière année de collège, nous avons joué aux grands et tenté, avec plus ou moins de légèreté, de liquider ce qui nous reste d'enfance
Marie-Christine Courtès, réalisatrice et ancienne élève de la 3ème F du collège Gambetta à Cahors
Virginie raconte. Pour elle, cette rentrée, elle l’a faite la boule au ventre. Elle arrivait de Suisse et avait le sentiment d’être arrachée à son milieu naturel. "Mes parents se séparaient, je ne me sentais pas bien". Pourtant avoue-t-elle, c’est une année où elle s’est bien "marré", évoquant l’amitié et ses partages : idées, confidences, livres et k7 audio.
Qui regardait "Dallas" le samedi soir ? "L'Amérique et son univers impitoyable". Et puis, le ciné. C’était l’époque de "La boum 2" avec Sophie Marceau, qui à 2 ans près, avait le même âge que les élèves de 3ème F. Sur les images d'archives, on retrouve les sous-pulls à col roulés, les jupes plissés, pantalons velours et chemises à carreaux.
On se souvient des boums avec les platines, les premières boules à facettes et les slows, très en vogue et qui ont disparu de la circulation depuis les années 2000. "On allait aussi en boite" se remémore une des anciennes d’élèves "et sans présenter notre carte d’identité". La dernière génération qui n’a pas eu à se préoccuper du sida, du moins à l’adolescence.
Une période de transition
"Mes parents n’avaient pas la télé (..), en 6ème, je faisais semblant d'avoir vu Goldorak. Puis en 4ème, c'était assumé, je le revendiquais même" ajoute l'ancienne élève. Tout en entrant dans la salle religieuse où la photo d’époque avait été faite, elle s’exclame : " L’odeur ! ça sentait comme ça !" Les souvenirs à travers les sens. Et puis ce détail qui la questionne. Un lieu religieux dans une école publique. Nous sommes soixante-trois ans après la séparation de l'église et de l’état.
Le fossé est grand entre le Causse, où Alain et moi habitions, et Cahors, la préfecture, avec ses administrations et ses commerces.
Marie-Christine Courtès, réalisatrice du film
"Ma mère apprend la cuisine moderne et l’usage des arts ménagers, tandis que mon père entre deux communions vante les engrais, les machines à traire et les vertus de l’endettement" raconte la réalisatrice dans son commentaire. A ce moment-là défilent des images d’archives, le père de famille découpant la volaille dans la salle à manger où la tapisserie d’époque, incontournable, nous ramène à quelques vieux clichés.
Retour sur les années Mitterrand. Mai 81 et l’arrivée de la gauche au pouvoir, avec notamment, la hausse du smic, les retraites à 60 ans, et le gage d’une vie meilleure. Le Lot est le département qui a voté le plus à gauche. Un département rural peu peuplé "avec autant de vaches et 3 fois plus de brebis" et où 1/3 des actifs travaillent dans l’agriculture raconte le film. Evoquant aussi en parallèle, la grande bourgeoisie et ceux qui collaient les affiches UDF.
C'était vécu comme un grand changement à l'époque. La bourgeoisie cadurcienne avait peur que ce soit la révolution, la coalition socialo-communiste.
Une des anciennes élèves de la 3ème F
Entre espoirs et désillusions
Très vite, la France et le département du Lot avec elle, commence à brader les utopies des années 70 et l’insouciance des trente glorieuses pour prendre le virage de la rigueur. Le néolibéralisme s’impose. La crise, la rentabilité, le chômage de masse, la désillusion. Flash-back sur la crise agricole, les manifs, la mise en avant des entreprises.
Tout au long du film, la réalisatrice alterne témoignages et images d’archives pour dresser le portrait de cette période remplie d’espoirs mais aussi, de crises et de désillusions. Elle pose aussi la question : qu’est devenue aujourd'hui cette jeunesse des années 80 ? Un récit qui oscille entre la nostalgie des rêves d’adolescents et la réalité́ des vies d’adultes.