Ce jeudi 15 décembre, l'association Les Amis de la Butte, un responsable de la sonorisation et celui de l'éclairage étaient jugés devant le tribunal correctionnel de Cahors pour homicide involontaire dans le cadre du décès de Barbara Weldens. La chanteuse est morte le 20 juillet 2017 par électrocution lors du festival de musique "Léo Ferré" à Gourdon (Lot).
C'est un décès qui a suscité beaucoup d'émotion. Un concert tragique. Le 19 juillet 2017 à Gourdon, dans le cadre de la 9e édition du festival de musique "Léo Ferré", la chanteuse Barbara Weldens s'effondre sur scène, dans l'église des Cordeliers de la commune.
Agée de 35 ans, elle s'effondre sur scène
Âgée d'une trentaine d'année, enceinte de 6 mois, la chanteuse héraultaise trouve la mort lors de la dernière chanson du concert alors qu'elle était pieds nus et qu'un orage grondait ce soir-là sur le Lot.
Le public de 200 spectateurs avait d'abord cru à une performance artistique avant de comprendre que l'artiste venait de décéder sous leurs yeux. Tout le village de Gourdon est sous le choc, tout comme le monde de la musique.
Morte électrocutée
La mort par électrocution est alors établie assez rapidement par l'enquête et l'autopsie pointe du doigt une défaillance technique du matériel utilisé lors de la soirée plutôt qu'une électrocution liée à la météo.
Selon le communiqué du parquet de Cahors en date du 19 octobre 2022, "l'information judiciaire aura mis en exergue un lien de causalité entre le décès de l'artiste et des défauts électriques au niveau des luminaires et du microphone utilisé."
Jugés pour homicide involontaire
Suite à ces éléments, le parquet a alors décidé de renvoyer devant le tribunal correctionnel de Cahors le responsable de la sonorisation, celui de l'éclairage et l'association organisatrice du festival Les Amis de la Butte.
Ils étaient jugés ce jeudi pour homicide involontaire. "Le délit reproché est notamment puni de trois ans d'emprisonnement, de 45 000 euros d'amende et l'interdiction d'exercer une activité professionnelle en lien avec les faits pendant cinq ans ou à titre définitif", précise encore le procureur dans un communiqué.
L'audience doit déterminer quelles fautes ont été commises
L'audience a débuté dans une ambiance très lourde et douloureuse. Très vite les débats ont mis en évidence des erreurs et des manquements graves dans l'installation électrique du concert.
Deux experts sont intervenus dans le dossier. Ils indiquent qu’il y a eu deux sources à l’origine de cet accident, deux défauts majeurs indirects liés clairement à des problèmes de branchement.
Tout d'abord deux projecteurs ont été branchés par un musicien électricien, un proche de Barbara et jugé ce jeudi, avec un coffret électrique sur une armoire où il n’y avait pas de disjoncteur.
"Du bricolage inconscient", selon les experts
«C’était du bricolage inconscient», affirme l'un des experts à la barre. Ce musicien avait pourtant l'habitude de gérer la sonorisation et l’éclairage de concerts depuis des années. Mais ce jeudi, il a avoué n'avoir jamais eu de formation d’électricien.
Selon les experts, "il n'aurait jamais dû brancher ces projecteurs de la sorte surtout que son matériel était vieux et obsolète". En effet quand il y a eu un dysfonctionnement électrique, sans disjoncteur, le courant n'a pas été coupé.
A cette installation défaillante, s'est ajouté un deuxième facteur aggravant lié au micro. En effet l'un des fil du micro n’était pas isolé et faisait contact avec une pièce métallique.
Selon les expertises, Barbara était protégée quand elle était sur scène car les câbles étaient isolés mais quand elle est descendue devant la scène, pied nus, elle a été mise en contact avec cette fuite de courant venant des deux projecteurs sur le périmètre de l’installation électrique.
Il y aurait dû avoir un contrôle de sécurité
Le président du tribunal a mis en évidence l’incompétence des intervenants qui n’ont pas eu de contrôles pendant l’organisation de ce festival et de ce concert. "S’il y avait eu un contrôle de sécurité, l’accident aurait pu être évité", a -t-il expliqué ce matin.
La partie civile a mis en évidence que ce type de contrôle était très rare dans de petits festivals où "c'est souvent la débrouille". Une chose est sûre les proches de Barbara Weldens (la partie civile) ne souhaitent pas engager de poursuites pénales envers le musicien électricien, le responsable de la sonorisation et l'association qui organisait le festival.
Les proches de Barbara vivent dans le milieu de l'intermittence. Ils vivent aussi parfois "ce bricolage" dans le monde du spectacle lié souvent à un manque de moyens. Ils n'ont pas d'esprit de revanche vis à vis de ces techniciens du spectacle qui ont failli, car ils se sont dits qu'ils auraient pu être à leur place.
Me Denis Boucharinc, avocat de la partie civile
Proche de la chanteuse, l’électricien musicien reste traumatisé par cet accident. Il n'a plus organisé de concert depuis.
"Une faute caractérisée et une négligence grave" pour la substitut du procureur
Ce jeudi 15 décembre, la substitut du procureur de la République a donné son réquisitoire. Selon elle, le musicien électricien en charge des lumières est coupable d'une faute caractérisée ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Elle a requis deux ans de prison dont 18 mois avec sursis assortie d'une interdiction d'exercer sa profession à son encontre.
Concernant le responsable de la sonorisation, la substitut a relevé une négligence grave. Elle a requis 1 an de prison avec sursis.
Quant à l'association "Les Amis de la Butte", elle leur reconnaît une faute indirecte pour ne pas avoir effectué les contrôles requis et leur demande 200 000 euros d'amende avec sursis.
"Il y avait déjà eu des soucis électriques dans l'église des Cordeliers"
Les avocats de la défense, eux, ont plaidé la relaxe et ont pointé l'absence de la mairie de Gourdon sur le banc des accusés. Selon la défense, l'église des Cordeliers de Gourdon avait déjà connu des soucis électriques.
L'église des Cordeliers avait objectivement déjà été soumise à de multiples accidents électriques avant ce drame. Un certain nombre d'artistes, de lycéens qui s'y sont produits avaient été victimes de graves accidents électriques. Une élève qui se produisait avec son lycée s'était même retrouvée couchée par terre après une décharge avant cette catastrophe. J'invite tout le monde à être très prudent avec ce lieu. Mon client n'est pas électricien, il est artiste et il n'a jamais revendiqué aucune compétence électrique. Quand il se produit dans l'église, il est sous la responsabilité de ceux qui connaissent ce lieu, c'est à dire la commune de Gourdon. Il aurait fallu un contrôle minimum. La mairie, c'est la grande absente de ce procès.
Me Thierry Carrère, avocat de la défense
Des débats qui auront été éprouvants et difficiles pour toutes les parties. Le jugement a été mis en délibéré au 16 février 2023.