Dans la vallée du Lot, les images sont saisissantes. Les arbres ont déjà revêtu les couleurs de l'automne. Un phénomène lié à un important stress hydrique et aux canicules à répétition qui frappent l'Occitanie depuis le mois de juin. L'Office national des forêts suit cette évolution de près et s'inquiète de la durée du phénomène.
Difficile de ne pas le voir. Alors qu'une nouvelle vague de chaleur va frapper l'Occitanie en milieu de semaine, dans les jardins ou en forêt, nos arbres sont déjà durement impactés par la sécheresse.
Après quelques chutes de feuilles en juillet, des arbres entiers se parent désormais de leurs couleurs automnales comme dans la vallée du Lot autour de Vers où les forêts de chênes ont pris des couleurs de rouge, jaune, orangé.
Un stress hydrique sans précédent
Une situation anormale liée à l'accumulation de deux phénomènes météorologiques intenses. Des canicules à répétition accompagnées d'une sécheresse sans précédent, résultat : nos arbres sont soumis à un stress hydrique sans précédent.
Nous sommes très inquiets. Les arbres sont comme les humains, ils ont besoin d'eau et de transpirer pour fonctionner. Cette évaporation s'effectue au niveau des feuilles et elle va tirer sur toute la colonne d'eau, ce qui permet la circulation de la sève, vitale au fonctionnement de l'arbre. Mais avec la sécheresse et les fortes chaleurs, les arbres n'ont pas assez d'eau pour transpirer. Du coup ils ferment les ouvertures de leurs feuilles, leurs stomates, pour faire une pause et limiter la photosynthèse. Quand la chaleur et le stress hydrique deviennent trop importants, ce phénomène s'aggrave. Les feuilles jaunissent et tombent.
Thomas Villiers, responsable du pôle élaboration des aménagements forestiers et développement technique à l'Office national des forêts
Des chutes de feuilles en plein mois d'août. Un constat inquiétant qui pose la question de la survie de nos arbres. "Normalement cela n'empêchera pas les arbres de repartir, mais ils restent des incertitudes. Si nous ne sommes pas trop inquiets pour les feuillus comme les hêtres ou les chênes en revanche pour les résineux (sapins, épicéas, pins...), si ils perdent toutes leurs aiguilles là, on n'est pas certain que l'arbre reparte", rajoute Thomas Villiers de l'ONF.
Certains événements climatiques sont irréversibles
Ce spécialiste des forêts précise alors que certains événements sont irréversibles.
Si la sécheresse est trop importante, on peut assister à un phénomène de cavitation. La transpiration est trop forte, cela crée une tension sur la colonne d'eau de l'arbre, il se développe ensuite des cavitations qui condamne certains vaisseaux, qui peuvent, s'il y en a trop, provoquer la mort de l'arbre. Pour l'instant, difficile de dire si ces arbres sont condamnés ou pas.
Thomas Villiers, responsable du pôle élaboration des aménagements forestiers pour l'ONF
Il faudra attendre ces prochains mois et ces prochaines années pour mesurer l'impact de ces canicules sur nos forêts. "Ce qui est le plus préoccupant, c'est le cumul des deux phénomènes, sécheresse et canicules à répétition. Du coup on suit de près nos forêts, notamment les espèces les plus à risque, comme l'épicéa ou le sapin. Il y a des zones où des dépérissements sont déjà constatés comme pour l'épicéa du sud du massif central ou pour le sapin du plateau de Sault dans l'Aude ", poursuit Thomas Villiers.
Des forêts mosaïques
Face à ce changement climatique, déjà observé depuis des années, l'Office national des forêts a mis en place plusieurs stratégies.
D'abord celle de l'observation notamment avec des correspondants observateurs, dans les forêts publiques comme dans les forêts privées pour suivre l'évolution des arbres année après année.
Ensuite, plusieurs actions sont mises en œuvre pour améliorer la résilience des forêts.
On a une certitude que le climat change, mais on a des incertitudes sur l'adaptation de nos arbres face à cette évolution. On ne sait pas quelles seront les stratégies pertinentes donc l'idée c'est d'en avoir plusieurs, les résultats ne se verront en effet que dans 20 ou 30 ans. On a une stratégie, par exemple, d'adaptation, avec la forêt mosaïque. Depuis deux ans, on diversifie les essences avec des espèces adaptées à des climats plus secs. En parallèle, pour ne pas perdre de temps, on observe de près des forêts en libre évolution et dans d'autres zones, on introduit aussi que de nouvelles espèces appelées Ilots d'avenir, des surfaces d'un hectare comme sur la forêt des Fanges dans l'Aude pour voir comment elles s'intègrent.
Thomas Villiers de l'ONF Occitanie
Le visage de nos forêts va évoluer
Le visage de nos forêts est donc en train d'évoluer. Mais le temps de la forêt est un temps long, un arbre peut vivre des milliers d'années. "On assiste par exemple à une remontée naturelle de certaines essences en altitude, mais c'est encore très peu perceptible pour en tirer des conclusions" , précise Thomas Villers de l'ONF.
Quant aux arbres des particuliers, ce spécialiste invite à la patience. "Ce n'est pas forcément mauvais signe. Certains feuillus sont très résistants et devraient repartir. Si les feuilles sont déjà jaunies, de toute façon cela ne sert à rien de les arroser, à ce stade là, c'est trop tard", conclut Thomas Villiers, responsable du pôle élaboration des aménagements forestiers pour l'ONF en Occitanie.