L'architecte lotois Matthias Belmon a été condamné vendredi à 15 ans de réclusion et reconnu coupable de "l'assassinat" de sa soeur, étranglée une nuit de 2011 à Cahors, sur fond de rivalités et d'incapacité à "prendre la place du père" défunt.
Leur mère à tous deux avait soutenu à l'audience que, "oui", Matthias, alors âgé de 35 ans, avait "prémédité" le meurtre de sa soeur, Stéphan, 31 ans.
Françoise Belmon avait évoqué une "haine" qui se serait installée chez lui, notamment quand les deux enfants étaient rivaux pour hériter de "la société la plus rentable",
une entreprise de construction finalement revenue à Matthias.
L'accusation avait aussi suggéré que le grand frère savait sûrement que sa soeur voulait "récupérer" la vigne dont tous deux avaient héritée en commun, un domaine déficitaire mais symbole du travail du père.
La cour d'assises du Lot a retenu la qualification d'assassinat, tout en prononçant une peine de 15 ans, alors que l'avocat général, Nicolas Septe, en avait requis 20.
Le 17 octobre 2011, M. Belmon s'était lui-même accusé du meurtre. Dans son village rural de Goujounac, il s'était relevé vers 3 heures du matin pour aller surprendre sa soeur dans l'hôtel particulier où elle vivait, seule, à Cahors.
Disant avoir voulu seulement la "forcer au dialogue" à propos de leurs affaires, il avait fait usage d'un "shocker" pouvant asséner de puissantes décharges électriques, l'avait frappée et étranglée, au terme d'une course-poursuite, avant de l'achever avec une cordelette qu'il avait apportée.
Leur lutte, durant laquelle la soeur avait arraché une phalange à son frère en le mordant, était survenue le jour de l'anniversaire du père défunt.
La salle d'audience s'est trouvée hantée par ce fantôme du patriarche, mort d'un cancer en 2010: Christian Belmon, architecte et viticulteur avisé, "pilier de la famille", une "étoile" pour son fils.
Car "la place du père" était au coeur du drame, selon l'accusation et selon la défense: une place que le fils, "fragile", se sentait finalement incapable de prendre, ayant endossé "un costume trop grand pour lui"; une place que la soeur, réputée "forte", lui contestait de toute façon...
verbaliser le mal être
L'accusation l'avait aussi admis: le décès du père avait provoqué "une cassure" et Matthias Belmon s'était désagrégé dans une dépression non soignée, aggravée par une consommation anarchique de médicaments inadaptés. "Chez les Belmon, on ne peut pas mettre un genou à terre", a lancé Me Sécheresse pour la défense.
Jeudi, quatre experts psychiatres et psychologues avaient malmené la thèse de la préméditation. Ils évoquaient plutôt un accès de "rage narcissique" en réaction à des propos -"minable", "tu ne seras jamais comme papa"- qui auraient fait "exploser M. Belmon comme un volcan".
Mais l'avocat général avait protesté en disant qu'ils ne se fiaient qu'à "la parole" de l'accusé, qui n'avait rien raconté du terrible huis-clos lui-même.
Pour justifier la "préméditation", le magistrat s'était essentiellement appuyé sur la découverte de toute "une panoplie" dans le coffre de la voiture de M. Belmon - gants portant des traces de son propre sang, cagoule, vêtements de rechange, lampe frontale - et surtout sur le fait qu'il avait apporté corde et "shocker", acheté le mois précédent dans une armurerie parisienne.
Les avocats de la défense - Georges Catala, Maud Sécheresse et Sébastien Schapiro auront pourtant distillé tous les doutes: M. Belmon n'avait jamais cherché à se débarrasser d'aucun objet, il avait lui-même parlé du boîtier électrique jamais retrouvé...
Selon eux, la violence même du meurtre signifiait qu'il n'était pas un assassin perfide mais "une cocotte minute" qui avait explosé quand "sa fragilité avait rencontré les paroles de sa soeur", alors qu'il était "dans la démarche puérile et folle de vouloir la faire dialoguer de force", ce qui ne pouvait que dégénérer...
Sa propre mère n'aura "pas compris" ce fils meurtrier qui assurait encore jeudi, en pleurs, que s'il était parvenu à "verbaliser et à exprimer son mal être", "l'acte effroyable aurait pu être évité".
Reportage Emmanuel Wat