Etre dans la précarité, c'est aussi ne pas avoir le même accès aux soins. L'Agence Régionale de Santé d'Occitanie a mis en place des structures et des moyens via le Ségur pour améliorer la situation de ces oubliés.
C'était l'un des fondamentaux lors des créations en 2010 des Agences Régionales de Santé : répondre au plus près des territoires sur les problématiques de santé et proposer des organisations adaptées.
Depuis mi-décembre, il existe par exemple une commission régionale de lutte contre les Inégalités Sociales de Santé (ISS) qui réunit l’ensemble des acteurs (usagers, élus, représentants de l’Etat et des organismes de protection sociale, associations, experts…) pour renforcer la coordination des dispositifs déployés partout en Occitanie.
L'exemple symbolique de la crise Covid
Durant l'été 2021, nous avions rencontré des jeunes "ambassadeurs médiateurs" pour la vaccination sur le quartier Bagatelle de Toulouse. Sur le marché local, ils étaient missionnés par l'ARS pour expliquer à la population les bienfaits de la vaccination, répondre aux fausses nouvelles en circulation (comme celle d'une puce qui serait injectée à cette occasion) et donner aussi des informations pratiques à une catégorie de population défavorisée. Ces jeunes avaient des contrats de 3-4 mois rémunérés.
Communiquer au plus près en fonction des problématiques d'un territoire, donner des informations supplémentaires à une population qui en a souvent moins, c'est dans ce sens que l'ARS souhaite aller pour lutter contre ces Inégalités Sociales de Santé (ISS).
Un dossier prioritaire pour l'ARS d'Occitanie
La situation sociale des individus est souvent à l'origine des ISS. Ce dossier a été placé directement sous l'égide du directeur général de l'ARS d'Occitanie, ce qui en fait ainsi un dossier prioritaire.
Les Inégalités Sociales de Santé c'est l'affaire de tous
Pierre Ricordeau, directeur général ARS d'Occitanie
A l'instar des médiateurs de la vaccination, il existe aussi à Toulouse des "pairs aidants". "Comme pour la vaccination, ce sont des gens du quartier. Ils connaissent leur territoire, ses problématiques et comment sensibiliser sa population. Concernant les pairs aidants, ce sont des personnes qui ont les mêmes maladies (par exemple le diabète, des cancers, des problèmes de santé mentale) et qui peuvent mieux apporter leur aide. Ils sont rémunérés et formés par l’ARS", assure Laurent Poquet, le délégué régional à la lutte contre les Inégalités Sociales de Santé pour l'ARS Occitanie.
Deux équipes de 5-6 personnes sont en place : une dans le quartier de la Reynerie qui s'appuie sur la Maison de Santé Pluridisciplinaire, et une autre liée à la Plateforme Santé Précarité qui est mobile et se rend par exemple dans les squats et autres bidonvilles. Le département du Tarn essaie aussi de mettre en place la même chose.
Des moyens supplémentaires pour les "éloignés de la santé"
Plus de 5 M€ ont été octroyés à l’ARS Occitanie dans le cadre du Ségur de la santé pour mettre en place des actions au bénéfice des usagers les plus éloignés de l’offre de soins.
- 100 places supplémentaires d'hébergement temporaire pour des personnes en situation de fragilité psychologique qui nécessite des soins et un suivi médical
- 20 places de lits pour l’hébergement de personnes vulnérables sans domicile fixe
- Création d'1 équipe mobile « Psychiatrie Précarité » dans l'Aveyron en plus des 14 existant déjà en Occitanie. Ce dispositif de prévention permet de prendre en charge les personnes en situation de précarité et/ou d’exclusion sociale, en souffrance psychique, pour une meilleure prise en compte de la santé mentale de ces personnes
En Ariège, ces Equipes Mobiles Psychiatrie Précarité existent. 4 infirmières du CHU Ariège Couserans la composent et y travaillent à mi-temps.
On n'est pas avec une blouse blanche, nous allons hors les murs et vers les gens. C'est ça l'essentiel ALLER VERS, quelle que soit la personne, quel que soit le lieu.
Marine Horot, infirmière Equipe Mobile Psychiatrie Précarité en Ariège
Marine Horot fait partie de ces EMPP depuis un an. L'équipe de quatre personnes se partage le territoire ariégeois, pour elle c'est le Couserans. Après le signalement de différentes associations ou structures médicales, elles se rendent directement chez les personnes en difficulté. "On va les voir. S'en suit un très long travail pour gagner leur confiance et identifier des pistes pour les aider, des projets de soin. Le plus dur c'est que parfois ces personnes sont prêtes à se faire soigner et elles sont confrontées à une liste d'attente sur plusieurs mois. Notre mission, c'est de leur expliquer ce qu'il est possible de faire, ce à quoi elles ont droit . Mais souvent on va plus loin : on les accompagne quand elles vont consulter, ce qui est aussi plus facile pour le personnel soignant où l'on sert de relais."
Ce travail de lien et de réseau concerne de plus en plus les jeunes, mais aussi des retraités avec une pandémie qui a accentué les problèmes.
Une commission régionale de lutte contre les ISS
Le 10 décembre 2021, l'ARS a mis en place une commission régionale de lutte contre les Inégalités Sociales de Santé en Occitanie. "Il y a une quarantaine de personnes avec un collège des acteurs de santé (médical, social...) un autre avec les acteurs institutionnels (Etat, département, organismes de protection sociale...) un collège des élus (parlementaires, conseillers régionaux, départementaux, municipaux...) et enfin un collège des usagers liés à la précarité et la santé."
Pour Laurent Poquet, cette commission régionale se fait dans une approche commune et transversale. "C'est une tour de contrôle qui s’appuie sur les départements et les communes. On définit des sujets prioritaires et ensuite des pôles de travail seront mis en place pour être très concret."
Anne-Claire Hochedel est membre de cette nouvelle instance. Elle est déléguée régionale de la Fédération des Acteurs de la Solidarité (FAS). "On agit et on met autour de la table tous ces acteurs. Des gens qui, pour le coup, ont les mains dans le cambouis. Il y a eu un électrochoc lié à la crise sanitaire. Les inégalités sont anciennes, mais la crise les a accentuées. Beaucoup de territoires comme le sud de la Haute-Garonne, l'Ariège, ou encore la partie est de la région Occitanie ont de véritables problèmes d’accès aux soins. Il n'y a quasiment pas de psychiatres dans le sud de la Haute-Garonne. "
Alors bien sûr, il y a des craintes que cette nouvelle structure s'additionne aux autres et s'avère en partie pas suffisante ou impuissante. "C'est un vrai risque, mais on sera présent pour éviter l'hyper-institutionnalisation. J’espère qu’elle sera très opérationnelle, qu’on pourra travailler sur des sujets particuliers pendant plusieurs mois, intervenir sur le Plan Régional de Santé et financer des actions concrètes. L’enjeu de tout ça c’est aussi de travailler sur la prévention. On a des gens assez engagés à l’ARS, donc j'ai bon espoir", conclut Anne-Claire Hochedel.
Cette commission, véritable vigie de la lutte contre les inégalités sociales devrait se réunir tous les trimestres.
Ça met beaucoup de sens dans votre vie de rencontrer ces personnes-là. Ce sont de vrais gens, qui ont des choses à partager.
Marine Horot, infirmière au CHU Ariège Couserans
