Nîmes : condamné pour féminicide à 30 ans de prison, Ramon Cortès remis en liberté faute de délai raisonnable

Condamné pour féminicide à 30 ans de réclusion criminelle par la cour d'assise des Pyrénées-Orientales le 25 octobre 2017, Ramon Cortès va être remis en liberté faute de "délai raisonnable" concernant la tenue de son procès en appel.

En 2013, Ramon Cortes avait exécuté son ex-compagne Rosine Roig d'une balle dans la tête parce qu'elle l'avait quitté. Condamné à 30 ans de prison le 25 octobre 2017, son avocate de l'époque avait tout de suite décidé de faire appel.

En juin 2019, soit 1 an et 8 mois après la demande d'appel, le nouvel avocat du meurtrier, Jean-Marc Darrigade, avait demandé la libération de son client au motif de délai trop long avant jugement. La cour d'appel de Montpellier avait refusé cette libération. L'avocat attaquait alors cet arrêt et la Cour de cassation lui donnait raison en cassant le refus de la cours d'appel. Motif juridique : La cours d'appel de Montpellier n'a pas suffisamment pris en compte l'obligation de juger dans un "délai raisonnable".

La France ne peut pas justifier qu'au bout de 7 ans, un justiciable ne puisse pas être jugé définitivement (avocat de Ramon Cortes)

 
La Cour de cassation avait alors renvoyé le dossier à la chambre d'instruction de la cour d'appel de Nîmes qui vient donc de rendre sa décision ce jeudi matin. Ramon Cortes va être libéré dans la journée. "Je salue la décision des magistrats. Elle consacre simplement les principes fondamentaux de notre République et notamment ici la liberté. La France ne peut pas justifier qu'au bout de 7 ans, un justiciable ne puisse pas être jugé définitivement. Je renvoie nos gouvernants à leurs responsabilités face au manque de moyens de la justice," réagit maître Jean-Marc Darrigade, avocat de Ramon Cortes.

Il ne ressort d'aucune des pièces de la procédure de l'espèce que soient caractérisées des diligences particulières ou des circonstances insurmontables permettant de justifier la longueur de la détention de Ramon Cortes après sa condamnation par la cour d'assises des Pyrénées-Orientales (Cour d'appel de Nîmes)


Pour la chambre de l'instruction de la Cour d'Appel de Nîmes, "Il ne ressort d'aucune des pièces de la procédure de l'espèce que soient caractérisées des diligences particulières ou des circonstances insurmontables permettant de justifier la longueur de la détention de Ramon Cortes après sa condamnation par la cour d'assises des Pyrénées-Orientales."
Dans sa décision, elle explique que "le délai d'ores et déjà écoulé entre la date de la condamnation en première instance, 24 octobre 2017 et la date fixée pour l'examen en appel de la cause du 20 au 24 avril 2020, est supérieur au délai maximum de 2 ans prévu par le nouvel article 380-3-1 du code de procédure pénale permettant la détention de la personne ayant fait appel d'une condamnation de cour d'assises."

C'est un constat dramatique, effrayant, catastrophique. La famille de Rosine Roig est stupéfaite et abattue (avocat de la partie civile)


"La famille de Rosine Roig est stupéfaite et abattue," explique maître Raymond Escalé, avocat de la partie civile. "Je suis catastrophé en tant que citoyen, avocat et doyen de l'ordre des avocats des Pyrénées-orientales. C'est la loi et les juges sont là pour faire respecter la loi mais encore faut-il qu'ils aient les moyens pour la faire respecter dans un sens comme dans l'autre. C'est un constat dramatique, effrayant, catastrophique. Ce résultat n'est que la résultante d'un manque de moyen humain et matériel de notre justice en France."
Et de poursuivre: "il n'est pas normal que la famille de la victime attendent deux ans et demi pour qu'enfin elle puisse faire le deuil."

Ramon Cortes est donc libéré sous contrôle judiciaire. il devra se présenter deux fois par jour dans une gendarmerie désignée par la Cour d'appel en attendant son second procès.
  

Les excuses de l'avocat général

Lors du procès à Perpignan, l'avocat général s'était excusé pendant ces réquisitions: "ce ne doit pas être une mort vaine." Rosine Roig avait écrit au parquet, avait signalé les violences dont elle était victime… des signalements sans effet.

A Céret, lieu du drame, c'est la consternation.
  

Le principe du délai raisonnable


Le droit à un jugement raisonnable fait partie intégrante des droits de la défense. En France, il est inscrit dans l'article 380-3-1 du code de procédure pénale. Le délai maximum défini est de 2 ans. "Si l'accusé n'a pas comparu devant la cour d'assises avant l'expiration des délais prévus au présent article, il est remis immédiatement en liberté s'il n'est pas détenu pour une autre cause."
La Cour européenne des droits de l’homme (article 6) a posé trois critères d’appréciation: la complexité de l'affaire, l'enjeu du litige et l'appréciation des comportements. Mais la méconnaissance du délai raisonnable est sans incidence sur la validité des procédures. 


Autres remises en liberté faute de délai raisonnable

La notion de délai raisonnable n'est pas exploitée pour la première fois en France. En novembre 2017, Jean-Joseph Salguéro  et Antoine Heleria, condamnés à 12 et 15 ans de réclusion pour le meurtre de Luis Bueno, roué de coups, à Montady, près de Béziers avaient remis en liberté sous contrôle judiciaire. Ils avaient passé 4 ans et deux mois en détention.
"C'est la loi, les juges n'ont fait que leur travail mais c'est le système qui n'a pas les moyens. mais du côté des victimes, le temps n'a pas la même valeur. Elles aussi ont besoin de se reconstruire. Elles ont besoin d'une décision tout à fait définitive pour essayer de tourner la page. Elles voudraient que ce soit enfin terminé," expliquait alors Annie Auret, avocate de la partie civile. 

La "veuve noire de l'Isère" a également profité de cette notion de délai raisonnable. En avril 2014, Manuela Gonzalez avait été condamnée à 30 ans de réclusion pour l'assassinat et une première tentative d'assassinat de son mari, Daniel Cano, en 2008. Le 21 septembre 2015, elle a recouvré la liberté en raison d'un retard dans le traitement de son appel. Seulement 17 mois s'étaient écoulés depuis sa condamnation. Mais elle avait attendu quatre ans son premier procès. Elle était donc en détention provisoire depuis plus de cinq ans.
 
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