Vendredi 17 mai 2019, dernier jour du procès en appel d'Edith Scaravetti devant la cour d'assises du Tarn-et-Garonne, ses deux avocats, maîtres Laurent Boguet et Georges Catala, ont plaidé l'accident, évoquant longuement son passé de femme battue durant ses dix années de vie commune avec la victime.
"De ma place, je sais que ça ne va jamais. Si vous parlez peu, on vous le reproche. Si vous parlez trop, vous devenez trop véhément".
Ainsi maître Laurent Boguet a commencé sa plaidoirie, vendredi 17 mai 2019, 5ème jour du procès en appel d'Edith Scaravetti devant la cour d'assises de la Haute-Garonne.
Il a la difficile tâche de défendre la jeune femme, poursuivie pour avoir tué et caché dans un coffrage de béton son conjoint Laurent Baca, le 6 août 2014, à Toulouse.
Difficile tâche car Edith Scaravetti a caché les faits, dissimulé le corps et menti sur les raisons de la disparition du père de ses trois enfants, pendant plus de trois mois.
Difficile tâche car son récit est émaillé d'incohérences et d'omissions.
Difficile tâche car seules ses déclarations permettent de reconstituer les faits. Et les circonstances.
Car ce dossier difficile repose sur un passé : celui de violences conjugales qu'aurait subi l'accusée. Et qui ne sont d'ailleurs pas contestées par l'enquête.
"Je comprends que son attitude a pu profondément choquer les parties civiles", déclare l'avocat."Mais si c'était vrai ? Et si on considérait simplement que la conscience de cette femme a été progressivement vidée de sa substance ? Si elle avait été calculatrice, elle aurait conçu son scénario, elle l'aurait fait et elle aurait appelé le 17". Elle ne l'a pas fait.
Il poursuit : "Elle dit : "Je ne l'ai pas voulu, j'ai été incapable de le gérer et de le dépasser". Est-ce que c'est possible ?".
Et d'évoquer longuement les statistiques et les comportements des victimes en matière de violences conjugales. Souvent, les premières violences interviennent lors d'une première grossesse (c'est ce que dit Edith Scaravetti). L'usage d'alcool et de stupéfiants (c'est le cas de Laurent Baca) multiplient les risques de violences par trois.
"Les femmes battues deviennent spectatrices des scènes de violence. Un moyen économique de survie. C'est l'impuissance acquise : la victime adhère à ce système". Cela ne vous rappelle rien ?, interpelle-t-il les jurés. "Il faut faire l'effort de pénétrer ça. Il est impossible de ne pas considérer qu'Edith Scaravetti a traversé un calvaire qui a laissé des séquelles".
Il rappelle que les résultats des expertises sont compatibles avec les déclarations de l'accusée, c'est-à-dire le tir accidentel, après une provocation de Laurent Baca. D'ailleurs, poursuit-il, si elle a planifié cela, "c'est nul de bout en bout. C'est nul de l'enterrer chez soi. C'est nul d'aller voir les policiers et de laisser le corps dans le jardin. C'est nul de le déterrer pour aller le mettre dans le grenier".
Pour maître Laurent Boguet, la cour d'assises de Haute-Garonne avait en 2018 pris la juste mesure en retenant l'homicide par imprudence et en "libérant" Edith Scaravetti avec une peine correspondant à la durée de sa détention provisoire.
Maître Georges Catala qui lui succède face à la cour ne dit pas autre chose. "Soit vous comprenez et vous confirmez la décision de la cour d'assises de Haute-Garonne, soit vous écoutez l'avocat général*. Mais qu'est-ce qu'on fait des enfants ?"
Il conclut : "La société n'a pas su la protéger, la justice doit-elle la condamner ?"
* Un peu plus tôt dans la journée, l'avocat général a requis 15 ans de prison à l'encontre d'Edith Scaravetti.