Le glacier d’Ossoue est situé dans le massif du Vignemale, dans le département des Hautes-Pyrénées. Agonisant au gré des changements climatiques, il se réduit à peau de chagrin et est amené à disparaître complètement vers 2050. La fin d’un morceau du patrimoine montagnard français.
Quoi de plus parlant que deux images accolées pour constater l’évolution d’un massif montagneux au fil des ans ? Météo Pyrénées a publié un cliché saisissant du glacier d'Ossoue, dans le massif du Vignemale (Hautes-Pyrénées), à 44 ans d’intervalle (1977-2021).
L’imposant manteau neigeux de l’époque s’est transformé en maigre coulée qui laisse entrevoir la pierre sous la glace.
08/1977 vs 08/2021 la différence est énorme pic.twitter.com/RuUn1Zby6p
— Météo Pyrénées (@Meteo_Pyrenees) August 16, 2021
La fin des mers de glace
À l’instar de la célèbre Mer de Glace à Chamonix, en Haute-Savoie, qui recule de 8 à 10 mètres chaque année (soit une perte de 2 km depuis 1850), le glacier d’Ossoue fond à vue d’oeil.
Henry Russel, célèbre « pyrénéiste » d’origine anglaise, détaille dans « Mémoire de montagnard » son ascension du Vignemale par le glacier d’Ossoue en 1860. Le glacier faisait à l’époque 5km de long et avait des crevasses dignes des grands glaciers alpins. Avec un plateau sommital qui culmine à 3.000 mètres, il était « protégé » grâce à la haute altitude.
Pourtant aujourd’hui, des 5 kilomètres, il reste à peine 1.300 mètres.
C’était une véritable mer de glace qui s’écoulait vers la vallée. En une trentaine d’années, il a perdu 40 mètres d’épaisseur. Sur le plateau sommital, il y avait 150 à 200 mètres de glace en plus.
Les chiffres sont inquiétants, les images parlantes, le spectacle désolant. Christophe Dedieu, président de l'association Météo Pyrénées qui suit de près l'évolution des massifs pyrénéens confie son inquiétude sur l'évolution du glacier d'Ossoue :
« Les images sont terribles. Il n’y a plus de neige, la glace est à vif alors que l’été n’a pas été très chaud cette année. L’hiver a été déficitaire en précipitations et les réserves en neige ne se font pas. Résultat, le moindre coup de chaud met à nu la glace vive. Elle n’est pas renouvelée, il n’y a pas de protection. Cette année en plus, les épisodes de « sable du Sahara » ont accéléré la fonte sur les glaciers restants. À ce rythme, il est possible que ce glacier vive sa dernière décennie ».
Si les glaciers des Alpes sont parmi ceux qui s’étiolent le plus rapidement, avec ceux d’Islande et d’Alaska, les glaciers des Pyrénées ne sont malheureusement pas épargnés par les conséquences du réchauffement climatique.
C’est une partie du patrimoine du massif pyrénéen qui s’en va. Ce glacier fait partie du paysage. À l’époque, on pouvait même apercevoir certains glaciers depuis Toulouse, comme c’était par exemple le cas pour le Seil de la Banque (dans le Comminges) au sommet de sa forme en 1790-1800. »
Cette vidéo, tournée par France 3 Occitanie en 2019, vous donne une idée de la situation il y a deux ans.
Des témoins de l’évolution au quatre coins de la région
L’association Météo Pyrénées collecte depuis des années des images, récentes ou anciennes, pour documenter les phénomènes météo et l’évolution du climat dans les Pyrénées. Des photographies ou des cartes postales anciennes émanant de collections privées sont envoyées par des habitants ou randonneurs de la région.
Christophe Dedieu confie qu’il envoie souvent les anciens clichés à ses adhérents photographes amateurs, pour tenter de viser un angle similaire et ainsi obtenir la comparaison la plus parlante possible.
Une inéluctable disparition... en 2050 au plus tard
Samuel Morin, chercheur à Météo France / CNRS, est aussi l’auteur d’un rapport spécial du GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat) sur l’évolution climatique.
Il confirme que « chaque année, les glaciers perdent plus de masse qu’ils n’en gagnent. Avec une fonte estivale plus soutenue que les apports en précipitations pendant l’hiver, les parties hautes des massifs sont dépourvues de la couche de neige qui protégeait les glaciers en réfléchissant la lumière. La régénération ne se fait pas et la fonte se poursuit. Or pour les glaciers, il y a un « effet cumulatif » d’une année sur l’autre, c’est à dire que contrairement au manteau neigeux qui peut se refaire, le glacier repart en début de saison avec ce qu’il avait en fin de saison précédente. Il y a donc une sorte de cercle vicieux qui mène inéluctablement à leur disparition. »
Les glaciers sont un excellent indicateur du changement climatique et leur disparition n’est pas sans conséquences sur le paysage évidemment avec un changement de végétation mais aussi sur les écosystèmes locaux comme par exemple certaines espèces qui peuplent les rivières. L’approvisionnement en eau pourra être localement fortement impacté également.
Certains glaciologues craignent que les glaciers ne disparaissent complètement du massif des Pyrénées à horizon 2050. D’autres experts sont moins optimistes et ne donne pas plus de 15 ans au glacier d’Ossoue.
Samuel Morin, sans être totalement alarmiste, indique qu'« il est difficile de faire des pronostics. Mais on ne peut à l’heure actuelle que prolonger la survie de quelques années, si par chance nous avons des étés frais et des hivers bien enneigés mais les glaciers dont l’altitude est inférieure à 3.000 mètres sont de toute façon condamnés à échéance de quelques décennies ».