Affaire Jacques Bouille : la veuve de l'ex-maire solidaire

Au 12e jour du procès, la veuve de l'ex-maire de Saint-Cyprien, dans les Pyrénées-Orientales, dernière interrogée parmi les quinze prévenus du procès des pots-de-vin en oeuvres d'art de la station balnéaire, s'est montrée solidaire de son mari, décédé en prison en 2009 après un suicide.


La veuve de Jacques Bouille s'est montrée solidaire de son mari, ce vendredi, devant le tribunal de Perpignan. Ce dernier s'est suicidé en prison alors qu'il était en détention provisoire.

"Mon mari est décédé, on essaie de le tuer une seconde fois, cela m'est extrêmement pénible", a déclaré Marie-Antoinette Alberny, poursuivie pour recel, qui a décrit comme un "homme passionné" son mari, maire de Saint-Cyprien de 1989 à décembre 2008.


Jacques Bouille, avait alors été mis en examen et emprisonné notamment pour blanchiment et trafic d'influence. Il devait se pendre dans sa cellule le 24 mai 2009.
Saisi d'une "frénésie" d'achat d'oeuvres d'arts depuis 2002, on lui a reproché des détournements, qui lui ont permis d'acheter personnellement des tableaux, statuettes, bijoux japonais et tapis pour près d'un million d'euros, avec des fonds d'origine largement indéterminée.

Cette passion a aussi fait dépenser 7 millions d'euros à sa commune de moins de 10.000 habitants, qui en 2006 s'est retrouvée endettée de 42 millions d'euros, soit 4.400 euros par habitant, près de 7 fois plus que les communes de taille similaire.
Selon l'accusation, M. Bouille "collectionneur compulsif" mélangeait sans vergogne son patrimoine personnel et celui de la municipalité, au point que les enquêteurs ont eu le plus grand mal à faire un inventaire des objets achetés.

"Beaucoup d'oeuvres passaient chez nous, mais c'était temporairement, pour des questions de commodité", a assuré Mme Bouille, en martelant: "Mon mari voulait un grand musée!".


Depuis l'ouverture du procès le 5 février le président du tribunal correctionnel Jean-Luc Dooms a successivement interrogé les élus et fonctionnaires qui ont prêté la main aux opérations du maire aux frais de la municipalité ou ont touché des
pots-de-vin des chefs d'entreprise.
Il a aussi entendu ces patrons dont certains ont reconnu avoir acheté des tableaux pour obtenir des permis de construire ou des marchés publics.

Récit F3 LR : E.Jubineau

Le plus généreux donateur, l'avocat et homme d'affaires suisse Damien Piller, acheteur de dix tableaux pour 400.000 euros a toutefois fait front, assurant que ces achats étaient du "pur mécénat" dans l'attente de la création du musée rêvé
par M. Bouille.
Le promoteur suisse a indiqué que sa confiance en M. Bouille avait commencé à s'altérer au printemps 2007. "Son sens culturel avait pris une ampleur démesurée, il avait partiellement perdu la tête", a-t-il dit.

La plupart des prévenus ont présenté M. Bouille comme un malade plutôt que comme un délinquant, faisant écho à un rapport d'expertise parlant de troubles obsessionnels compulsifs (TOC) ou ajoutant: "Quand il se donnait à quelque chose il fallait que ce soit parfait."
Tous les élus ou employés de la mairie ont adopté un mode de défense similaire, ils faisaient "ce que disait le maire sans poser de question": l'adjoint aux finances qui signait des ordres de mission pour aller chercher des oeuvres à l'autre bout
de la France, l'homme de confiance qui les a déménagées quand l'enquête a commencé, l'adjoint à l'urbanisme qui n'y "connaissait rien" et signait les permis qu'on lui demandait...

Le directeur de cabinet de M. Bouille, Rémi Bolte, et le directeur des services, Francis Montor, ont reconnu avoir touché au moins une enveloppe partagée avec le maire.
M. Montor est le seul a avoir fait état d'une velléité de résistance aux ordres de M. Bouille, qui selon lui avait un "sentiment d'impunité" lié à "ses puissantes relations, de franc-maçon et secrétaire départemental de l'UMP".

"Lors de son 3e mandat, le maire ne s'intéressait plus qu'à l'art, je l'avais alerté sur les finances, il restait sourd, je savais qu'on avait commis des irrégularités", a-t-il déclaré au tribunal.


M. Montor a démissionné en août 2008, peu avant qu'éclate l'affaire, dénoncée par un opposant politique de Jacques Bouille, Thierry del Poso, devenu maire en 2009 sous la même étiquette (UMP).

Le procès va se consacrer jusqu'au 27 février aux réclamations financières de la mairie, aux réquisitions du procureur et aux plaidoiries des défenseurs.
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