Reprise du procès, ce lundi matin, à 9 heures, à Perpignan. A la barre, doivent témoigner Damien Piller, un promoteur suisse soupçonné de corruption active, puis de Roland Mantellasi et de Corinne Barbosa. Demain mardi, Jean-Pierre Dréno devrait être entendu par visioconférence depuis Monaco.
Damien Piller, homme d'affaires suisse, promoteur, investisseur dans les médias et ancien avocat a comparu, ce lundi matin, pour corruption active et entrave à la manifestation de la vérité.
Il aurait émis des faux pour l'acquisition de 10 tableaux, pour un montant de 400.000 euros, en vue de faciliter ses projets immobiliers de construction d'un lotissement à Saint-Cyprien.
Concernant le témoignage de Jean-Pierre Dréno, ancien procureur de la République de Perpignan, au moment de l'enquête et actuel procureur général de Monaco, il pourrait être repoussé pour des raisons techniques.
Après une lettre d'excuses, Jean-Pierre Dréno a finalement décidé de répondre favorablement aux demandes des avocats et du magistrat. Il doit témoigner, mardi à 10h, depuis Monaco, en visioconférence.
"Nous sommes toujours dans l’expectative pour un problème technique lié à la connexion vidéo internationale", a déclaré le président du tribunal correctionnelle de Perpignan.
Pour les 2 magistrates en charge de l'instruction, également convoquer à la barre, elles n'ont toujours pas répondu à l'"invitation" de la justice. Elles sont en poste à Montpellier et Toulouse.
Le tribunal, qui leur a demandé de se rendre disponibles entre le 10 et le 21 février, a décidé d’attendre l’expiration de ce délai avant de statuer.
Dorothée Bérhault - 12/13 Languedoc-Roussillon du 16 février 2015.
Le promoteur suisse fait front
L'avocat et promoteur suisse Damien Piller s'est vivement défendu lundi devant le tribunal correctionnel de Perpignan d'avoir versé des pots-de vins en argent ou en tableaux pour faire avancer ses affaires à Saint-Cyprien dans les années 2000.
Damien Piller, 57 ans, présenté comme "incontournable" dans la promotion immobilière à Saint-Cyprien, est le principal des mécènes: entre 2006 et 2007, sa société Anura a acheté 10 tableaux pour 400.000 euros destinés au maire ou à la municipalité.
En 2004 et 2006, une société suisse de son groupe, Force Métal, a par ailleurs accordé 300.000 euros de prêt au responsable de l'urbanisme de la commune, Rolland Mantellassi. Ce prêt, selon les enquêteurs, était "un don déguisé" sur lequel il a été interrogé en premier lundi.
Grand mince, l'homme d'affaires né à Fribourg et élu de ce canton suisse, a rappelé sa position d'avocat: "une notion plus large en Suisse qu'en France" et la surface de ses affaires qui lui vaut de participer à plus de 20 conseils d'administration (concession automobile, entreprise industrielle, promotion immobilière...).
Un avocat atypique
"Je suis un avocat atypique qui a réalisé 3.000 appartements et mes réalisations à Saint-Cyprien sont peu de choses", a-t-il déclaré.
Longuement souriant en début d'audience, -"je suis heureux de comparaître et de m'expliquer, je le demande depuis six ans "- a-t-il déclaré, M. Piller s'est ensuite montré plus tendu face aux questions du président du tribunal Jean-Luc Dooms, avec lequel il s'est parfois livré à des joutes juridiques.
Il a rappelé ses griefs sur les conditions de sa garde à vue en septembre 2009 quand il avait été interpellé à 6h00 du matin alors qu'il se disait à la disposition de la justice. Pendant l'instruction, il a en vain mis en cause la régularité de ce procédé.
"J'étais à mille lieux d'imaginer que M. Bouille voulait s'approprier les oeuvres", a lancé M. Piller.
Le promoteur suisse a toutefois indiqué que sa confiance en M. Bouille avait commencé à s'altérer au printemps 2007 alors qu'il achevait l'achat des dix tableaux. "Son sens culturel avait pris une ampleur démesurée, il avait partiellement perdu la tête", a-t-il dit.
Cette charge contre le défunt a indisposé le président. "C'est trop facile", a déclaré M. Dooms, relevant que M. Piller avait été "excédé" par les demandes de tableaux de l'ex-maire précisément lorsque ce dernier lui avait refusé en mars 2007 un permis de construire.
M. Piller a indiqué que "M. Bouille avait pu faire allusion à un achat de tableau hors cadre" pour faciliter les affaires du promoteur, mais il a ajouté solennellement qu'il était "hors de question" pour lui de s'y plier. "Le mécénat et les permis de construire étaient complètement distincts", a-t-il assuré .
Au procès, il a décoché quelques flèches à la juge d'instruction qui l'a renvoyé devant le tribunal non seulement pour les achats de tableaux mais aussi pour le prêt à M. Mantellassi, alors que sur ce dernier point le parquet se prononçait pour un non-lieu.
La juge a montré "son incompétence" en matière financière, a-t-il lancé, tout en reconnaissant que "ce prêt, juridiquement régulier, était une maladresse de ma part en raison du contexte" des relations avec le responsable de l'urbanisme.
Le prêt, destiné à financer des travaux d'aménagement de gîtes ruraux que M. Mantellassi n'arrivait pas à obtenir auprès des banques françaises, avait été accordé "sans garantie sérieuse" et avec un différé de remboursement du capital "de cinq ans renouvelable ensuite chaque année", a rapporté le président mais le parquet estimait qu'il n'y avait pas de preuve d'un "trafic d'influence".
M. Mantellassi et sa compagne ont finalement remboursé le prêt en 2013 soit deux ans après l'échéance initialement prévue, a relevé le président.
Dans l'affaire des tableaux qui devait être débattue lundi après-midi, M. Piller est poursuivi pour corruption active, ainsi que pour faux, usage de faux et entrave à la manifestation de la vérité.